Audrey, on vous retrouve au CREPS de Poitiers dans une formation BPJEPS Cyclisme. Envisagez-vous déjà votre après-carrière ?
Je ne peux pas dire que ma première volonté était de devenir animatrice sportive plus tard. J’ai fait des études en immobilier, travaillé deux ans en agence, mais pour le vélo j’ai dû trouver autre chose, car ce n’était pas du tout compatible avec le haut niveau. Or moi mon objectif c’étaient les Jeux. J’ai donc décroché un emploi au sein d’une communauté de communes en tant qu’animatrice sportive, et cela sans diplôme, une énorme chance pour moi. Et c’est tout à fait logiquement que je leur dois de passer les diplômes nécessaires pour travailler en toute autonomie, et pourquoi pas en faire ma reconversion car ça me plaît bien !
Vous êtes l’une des capitaines de route de l’équipe Vienne-Futuroscope et membre régulière de l’équipe de France, mais vous ne parvenez pas à vivre uniquement du vélo ?
Non, bien sûr que non, le vélo ne me nourrit pas ! Vienne nous met à disposition un encadrement et des moyens techniques de très bonne qualité mais le budget manque pour pouvoir nous rémunérer. Comme je le disais, le seul moyen que j’ai trouvé c’est mon contrat d’insertion pro au sein de la communauté de communes de Loudéac et en collaboration avec la DR et la fédé. Sans ça rien n’est possible.
L’année 2012 restera marquée par votre sélection en équipe nationale pour les JO de Londres. Quel bilan sportif gardez-vous de cet événement ?
Ça a été un moment magique, un souvenir gravé à jamais ! Sportivement je n’ai pas su gérer l’événement. Je suis arrivée fatiguée, et là-bas c’était quasi impossible de rouler sur route, à moins de faire des heures de voitures avant. Je n’étais pas au rendez-vous et je m’en voulais beaucoup car pour moi je me devais de prouver que la fédé avait fait le bon choix.
C’était vraiment compliqué de s’organiser pour le contre-la-montre à Londres ?
Oui, très compliqué. Il fallait faire beaucoup de voiture pour rejoindre les départs. Je n’ai pu reconnaître le chrono qu’une seule fois car l’organisation était calée comme ça… Nous n’étions pas dans des conditions optimums, comme on peut l’être au Mondial où la pression médiatique et l’organisation sont beaucoup moins rigides.
15ème du contre-la-montre olympique, vous aspiriez à mieux ?
Vu ma condition les jours précédents j’étais dans le flou. Mais au final cette 15ème place est satisfaisante par rapport à mes capacités du moment. Avec la forme que j’avais les jours suivant les Jeux, un Top 12 était largement possible. Mais avec des « si » on referait le monde ! Bien entendu, je pense maintenant à Rio. C’est mon objectif des trois prochaines saisons.
La sélection française a fait des remous avec l’éviction de Jeannie Longo mais aussi de Christel Ferrier-Bruneau, qui avait ramené beaucoup de points pour le quota national. Quel jugement portez-vous sur la décision d’axer sur la jeunesse ?
Pour ma part je pense que ma sélection était méritée à la vue de mes résultats 2012, maintenant je comprends que certaines filles étaient déçues mais chacune savait que les France étaient décisifs. J’ai été au rendez-vous tout le début de saison, c’était logique que j’y aille je pense. La fédé a joué la carte jeunesse comme elle l’avait fait en sélectionnant Christel plutôt qu’Edwige en 2008. C’est son choix, nous coureuses ne sommes jamais intervenues dans les décisions.
D’un point de vue général, quel bilan tirez-vous de votre bilan sportif 2012 ?
2012 m’a fait comprendre que j’étais loin d’avoir atteint mes limites. Mon déclic a été la Coupe du Monde, où je me suis retrouvée devant et où j’ai pu tirer mon épingle du jeu. Mon objectif en 2012 était d’atteindre le meilleur niveau national, c’est chose faite. Maintenant place à autre chose, le niveau international demande encore du travail et c’est l’objectif à long terme.
Comment se passe votre préparation actuelle ?
Les JO, ça y est c’est passé, je n’y pense plus sauf quand on m’en parle. Je suis motivée pour faire un bon début de saison, les classiques comme le Tour des Flandres, le Het Nieuwsblad, me font rêver. Je rêve de faire un numéro là-bas dans les prochaines années. Pour ça j’ai repris à rouler sérieusement, à me serrer la ceinture plus que les autres années pour ne pas perdre de temps à devoir perdre du poids pour être performante. Je suis bien entourée, mon copain Vincent Ragot roule avec moi ainsi que la DN de mon club de Loudéac. Tout ça crée une alchimie positive et motivante.
Niveau entraînement, qu’utilisez-vous ?
Je n’utilise rien ! Ça va peut-être choquer beaucoup de monde mais jusqu’ici j’ai toujours tout fait aux sensations. Pas de SRM, de cardio… Juste mon Garmin pour les données de base. C’est pour cela que je me dis que ma marge de progression est importante, je vais m’y mettre…
Avez-vous connaissance de votre planning et une idée de vos objectifs nationaux et mondiaux ?
Nous sommes actuellement en stage avec Vienne du côté de La Roche-Posay, et on en a profité pour faire le bilan. Pour ma part je n’aurai que les France comme objectif national. Je participerai aux manches de Coupe de France lorsqu’elles seront près de chez moi seulement, et si je n’ai rien en face au niveau international. Mes objectifs sont les classiques de début de saison, les France et les Mondiaux.
Dans les années à venir, une expérience dans une équipe étrangère, à l’image de Pauline Ferrand-Prévôt ou Christel Ferrier-Bruneau, vous intéresserait-elle ?
Oui, c’est aussi l’objectif. Je voudrais vraiment pouvoir vivre de mon sport et pour cela intégrer une grande équipe serait le top. Mais beaucoup de filles sont pour le moment au-dessus et il va falloir les déloger pour accéder à tout ça. Mais je continue à croire qu’un jour Vienne-Futuroscope pourra nous rémunérer, et si c’est le cas je resterai en France, on est jamais mieux qu’à la maison. J’en profite pour remercier tous mes partenaires qui continuent de me soutenir au jour le jour !
Vous êtes Bretonne, terre de cyclisme. Entre vous, Julie Bresset, il semble qu’il y ait un attrait féminin pour le cyclisme. Pour vous, quelles sont les priorités pour attirer les filles dans le vélo et professionnaliser la catégorie ?
Je suis une de celles qui défendent haut les couleurs et les valeurs du cyclisme féminin, et c’est vrai que la Bretagne est une des régions qui en parle le mieux, même si il reste des choses à faire. Il faut que les filles se battent et montrent une image plus positive d’elles.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 12 janvier 2013.