Arnold, d’abord, comment fait-on pour garder la motivation quand on annonce, aussi tôt dans la saison, la fin de sa carrière sur route ?
C’était un choix mûrement réfléchi, j’ai débuté la saison en sachant que c’était fort probable que ce soit la dernière. Je suis pourtant resté motivé toute l’année, car je sais que j’ai de la chance d’exercer ce métier, même si c’est difficile par moment.
Etait-ce une décision difficile à prendre ? Liée à quoi exactement ?
Ça faisait 2 saisons que je me posais la question d’arrêter ou pas. La passion pour le cyclisme sur route est moins présente. C’était ma passion, c’est devenu mon métier, la routine s’est installée, les courses sur route ne me font plus de rêver. Je viens d’avoir mon premier enfant au mois de mai, et ça m’a rassuré dans mon choix : il est temps de laisser ma place.
Après 3 manches de coupe de France de cyclo-cross, et ce début de saison, quel bilan tirez-vous?
Après cette 3ème manche décevante, c’est plutôt un début de saison mitigé. Je ne cache pas que j’espérais mieux, mais je suis actuellement 5ème de la Coupe de France. Ce n’est pas catastrophique sachant que ça fait seulement 3 semaines que je me suis remis à rouler sérieusement, alors que mes concurrents directs sont en pleine bourre !
Irez-vous jusqu’au bout de la saison cyclo-cross, idéalement jusqu’aux mondiaux ?
Ma saison de cross se finira au soir du championnat de France quoi qu’il arrive, car les déplacements sur les coupes du monde ne sont pris en charge ni par la FFC, ni par mon équipe, et prendre le départ des mondiaux en dernière ligne ne m’intéresse pas. En outre, je ne veux pas financer personnellement les déplacements en coupe du monde, car les courses au niveau national me coûtent déjà pas mal d’argent.
Sur une course d’un jour, tout est possible, champion de France, continuerez-vous le cyclo-cross, histoire de porter le maillot sur 2018/19 ?
Je n’ai jamais dit que j’arrêtais ma carrière de crossman, mais celle de cycliste sur route pro. Donc, vous risquez de me revoir sur un vélo de cyclo-cross ou de VTT. Pour ce qui est du maillot bleu-blanc-rouge, je cours après depuis longtemps, si un jour j’ai la chance de le porter, ce ne sera que du bonus.
Comment garder la motivation, la forme, la gnaque, continuer sur une saison vtt ou repasser amateur sur route ?
La route, c’est définitivement terminé, que ce soit chez les pros ou chez les amateurs. Pour vous dire, je n’ai même plus de vélo de route chez moi, et je n’ai pas prévu de m’en acheter un. Je fais mes sorties d’entraînement avec mon vélo de cyclo-cross, ça ne m’empêche pas de rouler sur route avec mes collègues d’entraînement, Simon Sellier, Kevin Ledanois et Pierre Sablé.
Je ne ferai certainement pas 28 000 km de vélo comme cette année 2017, mais je m’entretiendrai pour être compétitif en VTT et cyclo-cross, ces deux disciplines demandant moins de volume d’entraînement.
Vous avez pratiqué le VTT, la route, le cyclo-cross, chose de plus en plus rare pour route et CX, diriez-vous que vous êtes un coureur « à l’ancienne » ?
Effectivement, les équipes pros ne poussent plus les jeunes coureurs à faire du cyclo-cross, c’est bien dommage pour la discipline qui est de plus en plus désertée par les pros.
Alors que faire une dizaine de cross dans l’hiver ne fait pas de mal, et nous prépare pour le début de saison sur route.
Concernant votre reconversion, vous avez été vététiste, 10 ans pro, crossman, pensez-vous exploiter cette polyvalence pour vous rapprocher de marques de vélo ou accessoires ?
Pour la saison 2018, je vais intégrer le Team Vendée VTT en tant que coureur et directeur sportif. Je vais participer à toutes les manches de la coupe de France XCO et au championnat de France. Pour ce nouveau challenge, je roulerai sur un VTT Specialized équipé d’une paire de roues Duke et de pédales Time.
A ce jour, dans quelle voie pensez-vous vous diriger ?
Je suis encore sous contrat avec l’équipe Fortuneo-Oscaro jusqu’au 31 décembre.
J’ai déjà pas mal d’idée pour ma reconversion, je n’ai pas encore fait mon choix, mais je serai toujours dans le milieu du vélo pour partager ma passion, même si mon futur métier sera loin du milieu sportif.
On sait que Thomas Voeckler a repris des études de management à la faculté de Limoges, vous voyez-vous reprendre des études et passer par un bilan de compétences ?
L’école et moi, ça fait deux. Je dois plutôt dire que c’est notre système scolaire qui ne me convenait pas. J’ai arrêté l’école la semaine de mes 18 ans, et elle ne m’a jamais manqué !
Sur l’aspect management d’une équipe, diriez-vous, qu’aujourd’hui, un sponsor qui souhaite vraiment bien exister doit penser multiples pratiques, c’est-à-dire route, VTT, cyclo-cross et team féminin ?
Il ne faut pas rêver, seulement le Tour de France est important pour nos gros sponsors français, car c’est l’un des rares événements cyclistes qui leur rapporte de l’argent, c’est du business !
Mais oui, il faut aider les autres disciplines, car c’est souvent dans celles-ci que l’on détecte des futurs champions sur route qui pourront mettre ses sponsors en avant sur le Tour.
Si Stéphane Javalet ne m’avait pas pris dans son équipe DN2 du CM Aubervilliers à 19 ans, alors que je ne faisais pas de route, je pratiquais le VTT et le cross, je n’aurai jamais eu une carrière de cycliste professionnel.
Quel sera votre calendrier de prise de décision, et quel exemple de reconversion réussie, chez les pros, citeriez-vous en exemple ?
J’attends de voir ce que je vaux en VTT pour savoir ce que je ferai par la suite côté vélo. Mais, dès le mois de janvier, je me lancerai dans ma reconversion professionnelle.
Évidemment, je cite souvent comme exemple de reconversion réussie celle de mon ami Matthieu Perget. Il est devenu pompier professionnel rapidement après sa fin de carrière, tout en continuant le sport de haut niveau, car il fait de belles performances sur des Ironman, tout en gardant une vie de famille heureuse.
Si on revient maintenant sur votre carrière, 10 ans pro, ça suffisait ?
Oh oui, 10 ans sur un vélo de route, c’est long ! Si on calcule bien, ça fait pas loin de 300 000 kilomètres de bicyclette, et comment dire, le moteur commence à fatiguer !
Vous êtes top 15 du Tour en 2011, y-a-t-il une forme de regret de ne pas avoir pu aller vers le top 10 et être leader d’équipe ?
Vous savez, si on m’avait dit qu’un jour, je participerai au Tour de France, j’aurai été déjà super content, alors 15ème ou 10ème, ça ne reste qu’une performance. J’ai pris le départ de 4 Tours de France, j’ai fini les 4, et comme dit ma maman « le principal c’est de participer ». Je n’ai aucun regret.
Sur vos années FDJ, vous avez connu l’époque ou il fallait montrer le maillot et partir dans les échappées qui allaient peu souvent au bout, puis les années où l’équipe courait pour un leader, Thibaut Pinot. Pensez-vous avoir manqué des opportunités ?
Je suis arrivé quand l’équipe, en 2011, était descendue en 2ème division. Je l’ai quittée 5 ans plus tard, sachant qu’elle était aux alentours du top 10 au classement UCI Protour. J’ai participé à cette progression, je suis fièr d’avoir fait gagner des courses à mes leaders, Pinot, Vichot, Demarre et Bouhanni.
Vous avez fait 5 saisons à la FDJ, 2 ans à l’étranger, diriez-vous que 5 saisons, c’est trop long dans une équipe, et que chaque coureur devrait s’expatrier à un moment ou à un autre pour sa progression ?
C’est à la Caisse d’épargne en 2009 et 2010, que j’ai appris le métier, c’est là où j’ai appris à être un bon coéquipier. Puis, j’ai voulu revenir en France pour le côté pratique. Mais, après 5 ans à la FDJ, j’avais envie de prendre l’air, je voulais changer d’équipe. J’avais fait un mauvais début de saison en 2015 à cause d’une blessure, puis d’un virus, et j’avais un manque de soutient du staff de la FDJ. Mais, c’est dans cette équipe où j’avais le plus ma place, ou j’avais un rôle important. Mais, l’histoire en a décidé autrement, j’ai rejoint d’autres équipes françaises sans y trouver ma place.
Je pense que chaque coureur est différent, certains ont besoin de changer d’air régulièrement, alors que d’autres sont des fidèles employés !
Si vous deviez faire un top 5 de vos meilleurs moments de vélo, toutes disciplines et toutes époques confondues, quel serait-il ?
1- Mon premier tour de France, c’était en 2011 avec le départ en Vendée, à domicile
2- En haut de Luz-Ardiden quand je prends le maillot blanc sur le Tour de France 2011
3- Mon premier podium dans un championnat de France de VTT aux Orres en 2002 où je me classe 2ème
4- Aider Thibaut Pinot dans les Pyrénées sur le Tour 2014 à faire 3ème du général et meilleur jeune
4 ex æquo- Aider Arthur Vichot à gagner une étape et à faire 3ème sur Paris-Nice 2014