Arnaud, comment êtes-vous arrivé à la fonction de directeur sportif de l’équipe Cofidis Piste ?
J’ai passé toute ma carrière sportive chez Cofidis, en tant que coureur. Quand j’ai arrêté ma carrière après les Jeux d’Athènes en 2004, Cofidis venait de monter son équipe piste et cherchait une personne qui connaissait ce domaine et qui souhaitait encadrer son groupe professionnel. Ca s’est fait tout naturellement.
En quoi consiste votre rôle ?
Je suis directeur sportif du groupe Piste, c’est-à-dire les cinq coureurs que sont Kevin Sireau, François Pervis, Quentin Lafargue, Teun Mulder et Maximilian Levy. Mon rôle n’est pas du tout d’être entraîneur. Je n’ai aucune interaction sur leur entraînement, chacun a son entraîneur perso, soit en équipe de France, soit en Hollande ou en Allemagne. Ma fonction consiste à gérer le groupe sur les compétitions, à préparer les déplacements, gérer les éventuellement recrutements, prendre des contacts avec des sponsors et si possible développer des partenariats. C’est plus de la logistique et du management.
Vous êtes chargé de l’effectif, lequel a subi beaucoup de mouvement à l’intersaison, avec d’abord le départ de Mickaël Bourgain. Pour quelle raison ?
En abordant cette nouvelle saison, nous nous posions pas mal de questions. Il a d’abord fallu solutionner le cas de Mickaël Bourgain. Nous nous sommes longtemps demandé si nous devions le garder ou pas. Ses objectifs et sa façon de voir le vélo ne correspondaient plus aux ambitions du groupe Cofidis. Il était préférable de se séparer. Nous avons dû prendre la décision de nous séparer d’un champion du monde, cela n’a pas été facile, mais ça s’est fait après de longues discussions.
Pour la première fois, le recrutement s’est fait à l’étranger avec l’intégration de Teun Mulder et Maximilian Levy. Pourquoi ?
Le réservoir français n’étant pas forcément encore au niveau international et notre équipe ambitionnant de rivaliser avec les meilleurs, la solution naturelle qui s’imposait était de recruter des étrangers. J’en avais déjà discuté avec Teun Mulder l’année dernière. Il m’avait expliqué qu’en Hollande, il n’avait pas forcément de groupe sportif pour le soutenir. Il était désavantagé et était demandeur. Puis en début de saison j’ai croisé Max Levy avec un maillot de champion du monde sans sponsor. J’ai trouvé cela inacceptable. Il y avait de la place pour de nouveaux coureurs chez Cofidis, et je pense qu’aujourd’hui nous avons deux grands champions de plus dans notre équipe.
Qu’ont pu apporter ces deux pistards étrangers à leurs coéquipiers français ?
Par ce biais, Cofidis a pris une nouvelle dimension. C’est une nouvelle approche, de nouvelles méthodes d’entraînement, une nouvelle vision du sport. Un tel échange est important pour les coureurs français. Quentin Lafargue a pu améliorer son anglais et les autres ont découvert de nouvelles façons d’aborder la course. Nos pistards français en ressortent grandis. Ca crée une certaine émulation, c’est bon pour tous. Ca devrait se pérenniser chez Cofidis et dans d’autres équipes à l’avenir.
On trouve malgré tout encore peu de structures sur piste comme la Cofidis. Pourquoi ?
C’est d’abord un regret parce que ça limite beaucoup de coureurs. Nous avons la chance que Cofidis investisse dans le cyclisme et donne cette chance à des pistards. Maintenant, le contexte économique est très difficile. Pour des entreprises ou des clubs, il est difficile d’arriver à ce niveau-là. On peut imaginer dans quelques années un contexte différent, plus favorable, avec des équipes sur piste qui fleuriront partout. L’avenir de la piste française et mondiale se jouera là-dessus.
Quel bilan dressez-vous de la saison hivernale de vos coureurs en Coupe du Monde ?
Plutôt bon. Nous avons juste une déception. En tant qu’équipe professionnelle, nos responsables sont très attachés à une épreuve qui est la vitesse par équipes. Nous ne sommes que troisièmes, sur le podium, c’est déjà une satisfaction, mais étant tenants du titre sur cette épreuve nous aurions bien aimé continuer. Pour le reste, Kevin Sireau a gagné la Coupe du Monde de vitesse individuelle. Maximilian Levy termine deuxième du keirin mais dans le même nombre de points que le lauréat, ça ne se joue qu’à une victoire pour les départager. J’ai envie de dire qu’ils sont vainqueurs ex aequo. Cette Coupe du Monde nous a apporté de la confiance. Nous avons la possibilité de croire que nos cinq athlètes seront présents aux Championnats du Monde fin mars.
Comment jugez-vous aujourd’hui le cyclisme sur piste français ?
Durant de longues années, on a vu se succéder de grandes générations. J’ai le souvenir de l’époque Morélon. Puis quand je suis rentré en équipe de France j’ai connu Frédéric Magné et Felicia Ballanger, qui étaient régulièrement champions du monde. J’ai connu aussi Florian Rousseau, Laurent Gané. Nous avons appris beaucoup de choses ensemble, nous sommes devenus champions olympiques. Aujourd’hui, c’est vrai qu’on a peut-être l’impression que le niveau français est en-dessous de cela, mais avec un Grégory Baugé champion du monde de vitesse individuelle et une équipe de France championne du monde de vitesse par équipes, face à des nations qui étaient inexistantes auparavant et sont aujourd’hui les meilleures du monde – je pense aux Anglais, aux Australiens, aux Allemands – on peut considérer que l’équipe de France reste l’une des meilleures équipes.
Regardez-vous ce qui se fait dans les autres nations ?
Oui, forcément. C’est aussi un moyen de grandir. Il faut d’abord se regarder et s’analyser puis regarder comment travaillent les autres, voir les pistes ouvertes par les autres équipes, les chemins qui sont suivis, voir si ça pourrait correspondre à nos moyens et ce qu’on fait en France. C’est comme en course. On fait d’abord sa propre course, sa propre stratégie, et en fonction des réactions des adversaires, on s’adapte, on s’analyse, on modifie parfois.
Quel va être le programme des Cofidis d’ici aux Championnats du Monde de Copenhague, du 24 au 28 mars ?
Nous avons fait la première manche du Fenioux France Trophy à Bordeaux les 6 et 7 février. Ensuite, nos coureurs vont partir avec leurs nations respectives en stage. Un stage est prévu en Espagne pour l’équipe de France. La Hollande et l’Allemagne prévoient également des stages. Nous allons laisser nos coureurs à disposition des équipes nationales, puis ils partiront aux Championnats du Monde. Nous les récupérerons un peu plus tard dans la saison sur les premiers rendez-vous internationaux et les Coupes d’Europe, à partir du mois de mai.