Anthony, l’équilibre entre les Pyrénées et les Alpes sur le tracé du Tour 2011 constitue-t-il une bonne surprise pour vous ?
Oui, bien sûr. Il va y avoir des points à prendre, et ceci dès le Massif Central. C’est sûr que c’est un très beau Tour pour les grimpeurs, avec de très belles étapes et l’ascension des cols mythiques : l’Alpe d’Huez, le Galibier, le Tourmalet… Il va falloir reconnaître tout ça car il y a quelques cols que je ne connais pas, notamment le passage en Italie par Sestrières et le col d’Agnel. Il va y avoir beaucoup de travail pour moi en amont, c’est sûr.
Six grandes étapes de montagne, cinq arrivées en altitude, de nombreuses étapes accidentées, c’est un vrai Tour de grimpeurs !
Oui, c’est évidemment l’impression que ça me donne. Il n’y a pas beaucoup de kilomètres dans le contre-la-montre par équipes, seulement 23, ce que j’estime très bien car ça évitera aux grosses structures de gagner trop de temps. On voit en outre qu’il n’y aura qu’un seul contre-la-montre individuel à Grenoble, sur 41 kilomètres seulement. Les écarts seront donc moins grands que d’habitude sur ce contre-la-montre. La montagne en 2011 sera très importante.
Ce parcours vous paraît-il plus difficile que les derniers ?
Honnêtement ça m’a l’air difficile. On va aussi passer par la Bretagne, où le danger sera omniprésent sur les petites routes. Il faudra être bien placé à l’approche de Mûr-de-Bretagne. Il y aura également quelques passages un peu venteux puis on abordera des routes vallonnées en direction des Pyrénées. Oui, ça me paraît un peu difficile.
Aurez-vous l’objectif d’y préserver votre Maillot à Pois ?
Oui, c’est sûr. Il serait un peu hypocrite de ma part de dire que je ne me présenterai pas au départ pour le conserver. Quand on a goûté au Maillot à Pois, on s’y accroche.
Le nouveau règlement du classement de la montagne, qui prévoit le doublement des points aux arrivées en altitude, ne va-t-il pas vous désavantager ?
Je n’en suis pas persuadé. Ces dernières années, les dernières ascensions n’avaient pas tellement d’importance dans le classement de la montagne. Maintenant on sait qu’il ne faudra pas les occulter, dans ce cas on courra différemment. Je me lancerai peut-être moins dans les grandes échappées au long cours. J’ai été capable cette année de rester parmi les dix meilleurs au sommet des cols, il n’y a donc aucune raison que je n’y sois pas non plus dans les arrivées en altitude. Je ne me fais pas trop de soucis, à partir du moment où la forme est là et que j’arrive à me préparer correctement, je partirai encore avec l’objectif de conquérir le Maillot à Pois.
A qui pensez-vous que profitent les modifications de règlement, pour le Maillot à Pois ou pour le Maillot Vert ?
C’est bien de changer un petit peu d’une année sur l’autre. Il ne faut pas rester figé sur les choses. Honnêtement je ne pense pas que ça engendre beaucoup de différence pour le Maillot à Pois. Par contre, pour les sprints intermédiaires et le gain du Maillot Vert, ça peut malheureusement défavoriser les échappées au long cours. Avec autant de points mis en jeu, les équipes de sprinteurs chercheront sans doute à contrôler la course un peu plus loin. Ca favorisera même peut-être davantage les sprints massifs sur les étapes de plat.
Ce Maillot à Pois dont vous serez candidat à un deuxième titre, allez-vous le préparer spécifiquement, plus qu’en 2010 ?
Oui, c’est évident. Le Maillot à Pois, on en devient vraiment accroc. Je l’ai décroché cette année, j’ai maintenant l’impression qu’il m’appartient et je serais vraiment déçu de le voir sur le dos d’un autre sur les Champs-Elysées. Je comprends toute l’envie que Richard Virenque mettait dans la conquête du maillot de meilleur grimpeur, et il m’a retransmis ce virus. Je ne jure plus que par le Maillot à Pois désormais. J’ai pris beaucoup d’assurance et j’ai déjà porté ce maillot, à la différence de beaucoup de coureurs du peloton. J’ai pris conscience que je pouvais jouer les premiers rôles dans la montagne, et c’est très important de prendre l’ascendant psychologique.
Comment préparerez-vous cet objectif ?
Je pense que je vais refaire la même préparation que cette année, si notre programme le permet. Je passerai sans doute d’abord par le Tour d’Italie, qui m’a mis dans le rythme pour les cols. Entre les deux, je ne sais pas encore, on verra. Pour l’instant je partirais plus pour la Route du Sud, mais c’est encore à voir. Je vais essayer aussi de décaler un petit peu ma saison. Je ne veux pas me mettre de pression à ma reprise, afin d’arriver tranquillement au Giro, à partir duquel je me concentrerai totalement à la préparation du Maillot à Pois.
Quel est le col qui vous inspire le plus sur le tracé du Tour de France 2011 ?
J’aime beaucoup le Galibier et l’Izoard, donc l’étape-reine du Tour m’inspirera particulièrement. Le Plateau de Beille, lui, me rappelle beaucoup de souvenirs, ceux du Tour de France 2004 quand Thomas Voeckler y avait conservé d’un rien le Maillot Jaune. Ce sont des cols qui m’inspirent beaucoup et que j’aime beaucoup.
Il y a le Maillot à Pois, mais la victoire d’étape ferait bien aussi sur votre palmarès ?
Je me suis rendu compte cette année que j’en avais les capacités en montagne. L’objectif premier sera toutefois le Maillot à Pois, mais si l’opportunité de gagner une étape se présente, j’en serai évidemment ravi.
Comment avez-vous vécu les dernières semaines avec l’incertitude quant à l’arrivée d’un repreneur pour Bbox Bouygues Telecom ?
Ca a été évidemment très difficile. Pour moi, pour Thomas Voeckler et pour le reste de l’équipe. J’ai vécu cela au cœur de l’action, j’étais avec eux. Et puis il y a eu l’arrivée d’Europcar, c’est allé très vite et nous avons été pris dans le feu de l’action. Le plus dur est arrivé après, quand la tension est retombée. Nous étions très fatigués, les nerfs sont tombés et ça a été un petit peu difficile sur les dernières courses, comme Paris-Bourges et Paris-Tours pour ma part. Mais tout est bien qui finit bien et on oublie très vite les mauvais moments. On repart déjà à penser à la saison prochaine et au Tour de France.
L’absence de motivation des repreneurs, après la superbe saison réalisée par le collectif Bbox, vous a-t-elle surpris ?
C’est plutôt difficile à comprendre. Et c’est triste pour le vélo, malheureusement. Si une équipe aussi médiatique que la nôtre, surtout après le dernier Tour de France sur lequel nous avons remporté deux étapes et le Maillot à Pois, a dû mal à trouver un repreneur, je n’imagine pas l’avenir d’équipes moins médiatiques.
Vous voilà maintenant plus serein pour affronter l’hiver…
Evidemment. Si aucun repreneur ne s’était manifesté, je ne pense pas que je serais resté sans équipe mais beaucoup de mes collègues l’auraient été malheureusement et j’en aurais été très attristé. Nous voulions absolument sauver cette équipe dans un département vendéen qui tient beaucoup au vélo.
A 31 ans, vous semblez vous être révélé à vous-même cette saison ?
Disons qu’auparavant j’exerçais un boulot reconnu d’équipier dans le peloton. On laisse beaucoup de forces dans ce travail-là. Sur les Grands Tours, soit on est équipier et on passe plus ou moins inaperçu, soit on est leader et dans ce cas on peut viser les premières places. Maintenant, le rôle s’est inversé et il m’est plus facile d’être devant.
La saison ne s’arrête pas au Tour de France, avez-vous d’autres rêves ?
Le Championnat de France va être très difficile, ça fera l’objet d’un deuxième objectif. Je n’aime ni le froid ni la pluie mais les courses organisées entre fin mai et fin septembre me conviennent bien. Je ne connais pas encore mon calendrier 2011 mais le Tour de France, le Championnat de France et le Tour d’Italie constitueront trois points majeurs.
Propos recueillis à Paris le 19 octobre 2010.