Andy, en début d’année, Alberto Contador avait déclaré qu’il vous craignait dans la perspective du Tour, car vous alliez atteindre le même niveau que lui il y a deux ans, qu’en est-il ?
J’espère être mieux que ça. C’est vrai que je me sens très bien. La différence avec l’année dernière, c’est qu’il ne me prend pas de temps. Cette fois c’est moi qui suis devant lui. Je pense que nous sommes à égalité de niveau mais j’ai l’avantage d’être devant, et c’est lui qui va devoir m’attaquer s’il veut passer devant.

On a l’impression ce soir qu’on s’achemine vers un duel entre Alberto Contador et vous…
Oui c’est sûr que sur ce qu’on a pu voir, les choses aujourd’hui se sont éclaircies. Alberto et moi décidons de la course mais les autres peuvent aussi attaquer, même s’ils ne le font pas. Un coureur repoussé à cinq, six, sept minutes doit essayer de renverser la situation, d’essayer d’attaquer, mais aujourd’hui ce sont encore Alberto et moi qui nous sommes retrouvés devant.

Quelles différences faites-vous entre le Contador de Morzine-Avoriaz il y a deux jours et celui d’aujourd’hui ?
C’est sûr qu’il y a deux jours, il était moins bien. Aujourd’hui, il était apparemment plus frais. Je pense qu’il a des hauts et des bas. Par rapport à moi, j’espère que je vais pouvoir retrouver une journée où il va être moins bien, et profiter de ce jour pour gagner du temps sur lui. On peut s’attendre à ce qu’il soit mieux dans les Pyrénées, mais moi aussi pourquoi pas.

Dans un monde parfait, Cadel Evans aurait dû garder le Maillot Jaune une semaine pour ménager la Saxo Bank, est-ce une source d’inquiétude ?
C’est le Maillot Jaune ! Si on a l’occasion de le prendre, aucun coureur ne le refusera. On le veut tous. Mon équipe est là pour moi, super motivée pour travailler pour moi. Au départ, on a pris tous les jours la course en main pour Fabian Cancellara. Maintenant c’est pour moi. Sauf que le classement a beaucoup changé puisqu’il y a Contador et moi, le troisième déjà à 2’45 », et les autres encore très loin. Pour les prochaines étapes, ce sera plus facile à gérer et à défendre le maillot. Mais c’est sûr que ce ne sera pas simple.

Vous avez surpris tout le monde en passant à l’offensive dans les Alpes quand on vous attendait davantage dans les Pyrénées…
Oui mais dans la course c’est comme ça, il faut prendre les choses comme elles viennent. Mais je reste convaincu que les Pyrénées vont décider du Tour. Bien sûr, pour moi, maintenant c’est plus facile car je n’ai plus qu’à surveiller un coureur, Alberto Contador. Les autres n’étaient pas trop forts aujourd’hui et je ne pense pas qu’ils seront capables de revenir dans les Pyrénées. Pour moi, aujourd’hui, ça n’a été que la continuité de ce qu’on a vu depuis le départ du Tour.

Vous avez semblé avoir très peur dans la dernière descente, c’est peut-être la seule fois où vous avez été mis en difficulté ?
En fait, j’avais fait la descente à l’entraînement sous la pluie. J’avais peur, vous avez raison, car je l’ai fait avec la route mouillée et c’était vraiment très dangereux. En haut, j’ai vraiment fait attention. J’ai dit à Alberto : « si tu prends des risques, je n’en prendrai pas ». Je préfère perdre 10 secondes et rentrer avec la tête sur les épaules plutôt que de passer la ligne dans l’ambulance en direction de l’hôpital. Je sais aussi que ma mère regarde la télévision, et je sais comment c’est dans des moments pareils. Elle fait des allers-retours entre la cuisine et le salon. J’ai aussi dit à Bjarne Riis d’appeler mon frère Frank pour le rassurer et lui dire que je n’allais pas prendre de risques.

Propos recueillis à Saint-Jean-de-Maurienne le 13 juillet 2010.