Dans les pelotons féminins, la France compte deux équipes professionnelles, Vienne-Futuroscope et donc l’ES Gervais Lilas 93-GSD Gestion. Cette année, le groupe sportif entame sa troisième saison au haut niveau international. Son président André Mignot nous fait donc découvrir ce club plein de talents et de charmes et qui, sans faire de bruit, a su petit à petit se hisser vers l’excellence du cyclisme féminin.
André, trois années au niveau international, première équipe française en 2009 et 18ème au rang mondial, l’équipe est pérenne à cet échelon ?
Chaque année, l’équipe a progressé régulièrement à l’échelon international et notamment depuis deux ans avec un effectif dans lequel figurent les meilleures françaises ainsi que des étrangères qui sont les meilleures également dans leurs pays respectifs. Nous espérons encore progresser cette année au niveau du classement UCI avec une équipe renforcée par rapport à la saison dernière.
De quels moyens logistiques, matériels et personnels disposez-vous ?
Nous n’avons pas des moyens comparables aux meilleures équipes féminines UCI et encore moins ceux des équipes professionnelles hommes. Nous avons d’ailleurs beaucoup de difficultés à trouver un partenariat pour les véhicules du team et sommes à la recherche d’un partenariat avec un concessionnaire. Côté humain, nous sommes quelques bénévoles à travailler tous les jours pour la vie du groupe et plus particulièrement Jacques Gautier, sponsor et manager, et moi-même en tant que président pour gérer le côté administratif. Nous avons eu également la possibilité d’embaucher un directeur sportif cette année.
Depuis combien de temps construisez-vous cette équipe ?
C’est le fruit d’une association. L’Entente Sportive Gervaisienne et Lilasienne, que je préside depuis maintenant treize ans après avoir occupé les postes de trésorier et secrétaire, m’a donné la possibilité de soutenir et de développer le cyclisme féminin, depuis maintenant plus d’un quart de siècle et treize années dans le haut niveau.
Quelles sont les qualités que vous aimeriez voir ressortir cette saison dans votre groupe ?
Un collectif fort, un bon esprit d’équipe et le professionnalisme à la fois des coureuses et du staff.
Parlons recrutement. L’effectif a-t-il subi beaucoup de changement par rapport à 2009 ?
Nous nous sommes séparés de six coureuses pour en recruter six nouvelles mais les cadres dirigeants sont restés. Cette saison nous avons les arrivées de Siobhan Horgan, multiple championne d’Irlande et qui possède de grandes qualités physiques, de Mélanie Bravard, qui figure depuis plusieurs années parmi les meilleures françaises, d’Aurore Verhoeven et d’Elodie Hegoburu, qui sont deux Espoirs avec un bon potentiel. Nous avons aussi intégré deux jeunes venant du club ESGL qui étaient Juniors l’année dernière. Notre club possède une école de cyclisme qui forme des jeunes et c’est un réel plaisir de pouvoir intégrer ces coureuses issues de l’école ou de catégorie inférieure.
Le 17 janvier, vous présentiez à la presse et à vos partenaires l’équipe 2010. Présentez-nous à votre tour vos championnes. Quels sont leurs points forts ?
Nous possédons différents types de profils de coureuses, ce qui sera peut-être un de nos points forts. Nous avons des filles polyvalentes comme Christine Majerus, qui est à la fois une bonne grimpeuse mais également une bonne sprinteuse et rouleuse. Mélanie Bravard et Elodie Hegoburu sont également des filles qui passent partout. Pour les sprinteuses, nous pourrons compter notamment sur Sophie Creux, Roxane Fournier, Marion Rousse ou encore Aurore Verhoeven. Roxane Fournier et Nathalie Cadol sont également deux bonnes rouleuses. Béatrice Thomas est une fille assez complète qui passe partout et qui peut briller dans une arrivée au sprint dans un groupe d’échappées. Audrey Lemieux, notre Canadienne, est une rouleuse et peut aussi très bien briller sur les sprints. Mélodie Lesueur quant à elle est spécialiste du contre-la-montre et est également assez complète. Eugénie Mermillod enfin est particulièrement à son avantage quand la route s’élève.
Quelles seront vos priorités et vos objectifs ?
Nos priorités seront les courses UCI et les Coupes du Monde, où nous espérons avoir encore de meilleurs résultats que la saison dernière. La Coupe de France sera toujours également un objectif pour le team.
Le cyclisme féminin est en plein marasme. Les changements voire les annulations successives des épreuves cette année n’arrangent rien. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
En effet, un certain nombre d’épreuves féminines ont déjà été annulées en ce début de saison et cela montre que le cyclisme féminin est malheureusement toujours le parent pauvre du cyclisme. Il faut savoir qu’un certain nombre d’organisateurs de courses féminines comme l’organisateur des épreuves de Coupe du Monde au Canada ont dû annuler leurs courses suite à la création de nouvelles épreuves masculines qui ont pris les budgets alloués avant aux filles. Quand on voit l’argent véhiculé par le cyclisme masculin et la médiatisation du Tour de France par exemple, on a du mal à comprendre et à accepter la situation catastrophique dans laquelle se trouve le cyclisme féminin. Toutefois, nous ne baissons pas les bras et en tant que bénévoles nous continuerons toujours à travailler et à nous battre pour une meilleure reconnaissance du cyclisme féminin car les sacrifices et les efforts consentis par les femmes sont les mêmes que les hommes. De plus, les filles pratiquent souvent à haut niveau en ayant une activité professionnelle à côté car elles ne sont pas salariées, contrairement aux hommes, ce qui demande encore plus de motivation et de sacrifices de leur part et elles ont certainement encore plus de mérite que les hommes dans ces conditions.
Que faudrait-il faire selon vous pour que le cyclisme féminin ne souffre plus de ce manque de notoriété par les médias ?
Il faudrait réussir à jumeler l’organisation des courses femmes aux courses hommes comme ce qui est déjà le cas pour quelques Coupes du Monde comme le Grand Prix de Plouay, la Flèche Wallonne, le Tour des Flandres ou le Circuit Het Nieuwsblad. Grâce à cela, les filles peuvent profiter d’un peu plus de notoriété et d’un public plus nombreux qui se déplace à la fois pour les femmes et pour les hommes. Cela pourrait passer aussi par la création d’équipes professionnelles femmes jumelées à celles des hommes comme c’est le cas pour Cervélo et Columbia, qui sont d’ailleurs à ce jour les meilleures équipes au monde. C’est donc une formule qui a déjà fait ses preuves. A quand une équipe française professionnelle femmes et hommes ?
Au niveau local, vous arrivez à stimuler des partenaires sur le produit « cyclisme féminin », pourquoi cela ne marche-t-il pas au niveau national ?
Plus de vingt-cinq ans de dévouement bénévole au cyclisme féminin, et son évolution est toujours au même point à mon sens. Lorsque vous avez une demi-page dans la presse sur le masculin, vous avez trois ou quatre lignes pour le féminin, avec une fédération qui est parfois dans la même optique et ne parlons pas de l’UCI qui ne fait que nous imposer un cahier des charges et financier aussi conséquent qu’une équipe professionnelle hommes, alors que les budgets sont multipliés par dix ou vingt pour ces derniers et parfois plus. Heureusement que nous avons le mensuel La Gazette du Cyclisme Féminin, le fruit là aussi d’un bénévole, qui relate les épreuves et résultats pour parler de nous. Il est vrai que je me réjouis d’avoir un fidèle soutien de mes deux villes, Les Lilas et le Pré-Saint-Gervais, qui nous soutiennent depuis maintenant cinquante-quatre ans, mais également le conseil général de la Seine-Saint-Denis depuis treize ans pour le haut niveau féminin et nouvellement le Conseil Régional d’Ile de France. Mais, pour accéder au label UCI, cela ne suffit pas, car depuis deux ans la caution UCI est égale à celle des équipes hommes.
Qu’est-ce qui vous a permis d’atteindre ce niveau ?
L’arrivée de GSD Gestion et de Cyril Immobilier a été pour nous le ballon d’oxygène qui nous aurait manqué pour repartir en 2008, avec ce petit plus de Jacques Gautier, président de GSD Gestion, qui comme moi a une passion et se dévoue sans compter pour le cyclisme féminin en participant de belle manière à manager ce groupe. Je pense que le cyclisme féminin français a trop longtemps été dominé et le retour ne s’est pas fait sur ceux qui, avec de petits moyens, le tenaient comme aujourd’hui à bout de bras et n’en avaient aucun retour. Beaucoup ont baissé les bras. Au niveau local, nous avons donc des soutiens financiers mais au niveau national il est très difficile de trouver des sponsors privés.
Que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle saison ?
Des victoires, de belles émotions et toujours de la bonne humeur.
Propos recueillis par Emmanuel Chaillard (velotekiero.sportblog.fr).