Alain, après le Tour de France, vous n’étiez pas sûr de continuer avec Trek Factory Racing. Pourquoi avez-vous décidé de finalement poursuivre l’aventure ?
À la fin du Tour, je n’avais pas de proposition. Mais par la suite, Luca Guercilena m’en a fait une et j’ai accepté. J’ai choisi cette équipe parce que je la connais bien. Il y avait un grand intérêt de sa part pour que je reste aussi. Pour faire le travail que je faisais auparavant avec Johan Bruyneel. J’avais aussi la possibilité de changer complètement de voie.
Quand avez-vous pris votre décision ?
Luca m’a fait sa proposition à la fin du mois d’août. La priorité c’était de trouver les coureurs. Je n’ai pas accepté tout de suite, mais cela m’intéressait. On se connaît très bien. Cela fait deux ans que l’on travaille ensemble. Un an pendant lequel il a été mon assistant, un autre comme mon patron. Tout se passe très bien. Il avait vraiment envie que je reste avec lui pour que je continue le travail que je faisais avant.
En juillet, vous n’excluiez pas de revenir en France si l’on vous proposait un poste avec des responsabilités. Cela veut-il dire que vous n’avez pas eu de proposition ?
Tout dépendait de Tony. Je sais que si Stéphane Heulot avait trouvé un sponsor pour aller un cran au-dessus, j’aurais été la personne à qui il aurait proposé du travail. Il me connaît et m’a dit qu’il voulait vraiment retravailler avec moi (NDLR : il avait été son directeur sportif à la Française des Jeux entre 1997 et 2000). Cela aurait été un bon point. Pour le coup, tout se serait fait indépendamment de Tony. Stéphane s’intéresse d’abord à moi puis à Tony, alors que les autres équipes vont s’intéresser d’abord à lui et pas beaucoup à moi.
Regrettez-vous de ne plus avoir sous vos ordres votre neveu Tony Gallopin, parti chez Lotto-Belisol ?
Dès l’instant où Tony avait signé avec Lotto, je savais que c’était sans moi. Il serait bien revenu dans une équipe française, mais seulement avec moi dans un rôle important. Il a par exemple eu des pourparlers avec Cofidis, mais ce projet ne l’aurait intéressé que si j’en avais fait partie. Il a fait le choix de rejoindre Lotto-Belisol. Sa compagne Marion Rousse fait partie de l’équipe féminine. Ça a changé pas mal de choses. Ce sera une expérience différente pour lui. Je l’ai eu deux ans avec moi. Ce n’est pas toujours une expérience facile d’avoir son neveu dans l’équipe. Cela nous met parfois dans des situations qui ne sont pas très confortables, ni pour lui ni pour moi. Tony a besoin de murir psychologiquement et physiquement. Lotto-Belisol sera une bonne équipe pour lui. Il aura quelques responsabilités. Pourquoi ne pas le retrouver dans deux ans ? Pour le moment, il est bien à l’étranger.
L’équipe Trek Factory Racing est présentée aujourd’hui au vélodrome de Roubaix. Cela veut-il dire qu’elle se recentre autour de Fabian Cancellara ?
Fabian est le leader de l’équipe. Avec le succès qu’il a eu l’an dernier, c’est lui qui a poussé Trek à faire cette équipe. Il n’y a aucune ambiguïté. Si l’on est ici, c’est grâce à Fabian et sa saison exceptionnelle l’an dernier. Ce matin, nous étions à la maison du Tour des Flandres à Audenarde. En plus de la présentation au vélodrome de Roubaix, c’est un double symbole. C’est pour cela qu’on est là.
Quels seront les grands objectifs de Trek Factory Racing cette saison ?
Ce seront d’abord les classiques flandriennes avec Fabian. Les Ardennaises avec les Schleck puis le Tour avec eux. Le gros objectif c’est de retrouver un Andy Schleck très compétitif. Tout le monde fera le maximum pour qu’Andy retrouve son niveau. C’est un des gros objectifs de l’équipe. Frank sera de toute façon compétitif, comme il l’a toujours été. Il sera le même coureur après sa suspension qu’avant. On a aussi parlé du record de l’Heure de Fabian. Il y a aussi un titre de champion du monde à aller chercher avec lui. Mais le gros objectif ce sont les classiques belges.
Avec les départs de Chris Horner, de Tiago Machado et de Maxime Monfort, le bloc de coureurs de Grands Tours n’est-il pas affaibli ?
Nous avions l’habitude d’aller sur un Grand Tour avec Andreas Klöden également. Je pense à lui, car c’était un homme de Grands Tours qui apportait beaucoup à l’équipe. Certains anciens ont disparu ou ont changé d’équipe. Il y a une volonté de renouveau. Il y a des gars que l’on attend de voir comme Riccardo Zoidl ou Julian Arredondo. En plus des jeunes comme les frères Van Poppel qui aideront Giacomo Nizzolo à passer un cap dans le sprint. On a envie de créer un train pour qu’il puisse s’exprimer.
L’axe de recrutement, c’était la jeunesse ?
Il y a une volonté de tourner l’équipe vers l’avenir. Trek a un projet à long terme. Les jeunes, c’est l’avenir du vélo. Rajeunir l’équipe, c’est l’objectif de toute équipe avec un projet sur le long terme. On le voit aujourd’hui en France avec les Démare, Bouhanni, Pinot et même Gallopin qui gagnent des courses au plus haut niveau.
Est-ce la raison pour laquelle le contrat de Chris Horner n’a pas été prolongé ?
Chris a eu une proposition de Trek, mais il ne l’a pas acceptée. Nous lui avons fait une proposition. Elle était ce qu’elle était, mais c’était une proposition tout de même. Son manager demandait beaucoup plus, et manifestement il ne les a pas eus. J’ai su qu’il avait changé d’agent ces derniers jours (NDLR : il est désormais représenté par Baden Cooke, qui vient de mettre fin à sa carrière). La faute est à chercher à son niveau. Aujourd’hui, Chris, même s’il a gagné la Vuelta, ne peut pas espérer un très gros contrat dans la mesure où l’influence des points est moindre qu’il y a deux ou trois ans. C’est dommage pour lui, mais c’est bien pour le cyclisme.
Vous offrirez également une chance à des coureurs venus de l’Europe Tour, qu’attendez-vous d’un Riccardo Zoidl ou d’un Julian Arredondo ?
On attend qu’ils confirment leurs performances de l’an passé ! On va voir en début de saison où ils sont et comment ils se situent par rapport au collectif. Nous verrons leurs résultats. Riccardo Zoidl a montré l’an dernier qu’il était capable de beaucoup de choses, notamment vu la manière avec laquelle il a remporté le Tour d’Autriche. Il commencera au Tour Méditerranéen. Son objectif c’est le Giro. On va essayer de le mettre dans de bonnes conditions pour qu’il s’exprime. C’est la même chose pour Arredondo que je ne connais pas plus que cela et que je vais découvrir au Tour de San Luis.
Propos recueillis à Roubaix le 10 janvier 2014.