C’est peu dire que le maillot rose a mis du temps avant de choisir les épaules sur lesquelles il allait se fixer. Au terme d’une dernière semaine complètement folle, pleine de rebondissements et riche en suspense, c’est à Vincenzo Nibali (Astana) qu’appartient l’honneur de le porter à Turin, alors même qu’il ne l’a plus endossé depuis trois ans au terme du Giro 2013 à Brescia qu’il avait dominé d’un bout à l’autre. L’idole du public peut d’autant plus savourer sur ces 163 derniers kilomètres entre Cuneo et Turin que personne n’aurait pu croire à un tel revirement de situation il y a encore 72 heures, au moment d’aborder la première grande étape alpestre. Peu de monde aurait misé sur le champion d’Italie, qui semblait si fébrile dans les Dolomites le week-end précédent. Pourtant le deuxième Giro et le quatrième Grand Tour de sa carrière sont bel et bien au bout de cette 21ème étape d’un des Tours d’Italie les plus indécis de l’histoire.
Mais comme le Giro possède une dramaturgie qui lui est propre, cette dernière étape n’aura rien de la traditionnelle parade qu’on lui prédisait. À croire que le Tour d’Italie voulait être imprévisible jusqu’au bout. La pluie contraint d’abord les organisateurs à neutraliser les temps, bien avant que les coureurs franchissent la ligne du circuit piémontais pour la dernière fois. Une sage décision qui permettra aux acteurs du classement général des trois dernières semaines de faire relâche sur cette dernière étape et à Vincenzo Nibali de savourer d’autant plus une victoire finale inespérée. Bien sûr, la course va finir par reprendre ses droits, mais elle ne concernera tout au plus qu’une poignée de coureurs ayant suffisamment d’énergie pour livrer une dernière bataille dans les rues de la capitale automobile du nord de l’Italie.
Elle concernera en premier lieu Maarten Tjallingii et Jos Van Emden (Team LottoNL-Jumbo) qui auraient aimé venger le sort de leur leader Steven Kruijswijk en s’offrant une Trophée Baracchi sur le circuit final. Mais comme leur leader, les deux hommes sortiront bredouilles de cette dernière étape. Le Néerlandais, grand vainqueur des étapes des Dolomites, semblait quant à lui prêt à offrir à son pays, sa première victoire sur un Grand Tour depuis Joop Zoetemelk en 1980. Mais le coureur de 28 ans a vu ses espoirs de victoire finale se briser au moment même où il semblait avoir fait le plus dur. La chute dont il a été victime dans la descente du col Agnel vendredi restera le tournant majeur de cette édition du Tour d’Italie. Tant pis s’il n’est pas sur le podium final à Turin, contrairement à Esteban Chaves (Orica-GreenEdge) et Alejandro Valverde (Movistar Team), Steven Kruijswijk restera l’un des grands bonshommes de cette 99ème édition.
Vainqueur du sprint à Turin, Giacomo Nizzolo est logiquement déclassé au profit de Nikias Arndt
Le Néerlandais aurait pourtant eu toute sa place aux côtés de Vincenzo Nibali et n’aurait pas été ridicule dans ce maillot rose que le Sicilien endosse ce soir pour la deuxième fois. Steven Kruijswijk et Vincenzo Nibali ont vécu des destins diamétralement opposés dans les dernières 72 heures de cette course rose à suspense. Car quand le Néerlandais traversait un enfer dans les Alpes, le champion d’Italie renaissait de ses cendres alors même qu’il avait cédé 4’34 » à Kruijswijk dans les Dolomites et reculé au 4ème rang. Mais Nibali a donc fini par inverser la tendance, construisant son succès en deux temps, vers Risoul vendredi et dans le col de la Lombarde samedi. Plus encore que sa deuxième victoire sur le Giro, ce sont les circonstances dans lesquelles il l’a conquis qui marqueront l’histoire personnelle du champion italien.
Mais avant la traditionnelle cérémonie venant récompenser les différents lauréats des classements généraux annexes, il restait à désigner le vainqueur de cette 21ème et dernière étape. Et là encore, le Giro offrira aux suiveurs la dose d’adrénaline qu’il a su donner à chacune de ses étapes. Car même si les principaux leaders ne se sont dévoilés qu’au terme de la deuxième semaine dans cette étape des Dolomites redoutée avec ses 5400 mètres de dénivelé, il ne se sera pas passé une seule journée sans que le Tour d’Italie ne sombre dans l’ennui. Et cette étape ne déroge pas à la règle même si les sprinteurs les plus rapides de cette édition, Marcel Kittel (Etixx-Quick Step), André Greipel (Lotto-Soudal), voire Arnaud Démare (FDJ), ont déserté la course rose depuis bien longtemps pour diverses raisons.
Parmi les derniers sprinteurs encore en lice, Giacomo Nizzolo (Trek-Segafredo) faisait partie des principaux favoris pour ce dernier sprint. Parce qu’il a signé treize podiums sur des étapes du Tour d’Italie, sans jamais avoir connu la joie de la victoire, un succès du sprinteur lombard aurait été une belle conclusion à ce Tour d’Italie. Le sprinteur de Trek-Segafredo est bien le premier à couper la ligne au bout d’un final chaotique. Mais comme ce Giro n’est définitivement pas comme les autres, la victoire d’étape qu’il méritait tant ne tarde pas à lui être logiquement retirée. Coupable d’avoir changé de ligne et d’avoir tassé Sacha Modolo (Lampre-Merida) contre les barrières, Giacomo Nizzolo est finalement déclassé. La victoire revient donc à Nikias Arndt (Giant-Alpecin). Une conclusion qui résume à elle seule le tournant complètement fou qu’a pris la course rose cette année.
Classement 21ème étape :
1. Nikias Arndt (ALL, Giant-Alpecin) les 163 km en 3h48’18 » (42,8 km/h)
2. Matteo Trentin (ITA, Etixx-Quick Step) m.t.
3. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) m.t.
4. Alexander Porsev (RUS, Team Katuhsa) m.t.
5. Sean De Bie (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
6. Ivan Savitskiy (RUS, Gazprom-RusVelo) m.t.
7. Rick Zabel (ALL, BMC Racing Team) m.t.
8. Eduard Grosu (ROU, Nippo-Vini Fantini) m.t.
9. Jay McCarthy (AUS, Tinkoff) m.t.
10. Alberto Bettiol (ITA, Cannondale) m.t.
Classement général final :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 86h32’49 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 52 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’17 »
4. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 1’50 »
5. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 4’37 »
6. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) à 8’31 »
7. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) à 11’47 »
8. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 13’21 »
9. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) à 14’09 »
10. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) à 16’20 »
Classement par points :
1. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek-Segafredo) 209 pt
2. Matteo Trentin (ITA, Etixx-Quick Step) 184 pt
3. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) 163 pt
4. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 156 pt
5. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) 133 pt
6. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 103 pt
7. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 92 pt
8. Nikias Arndt (ALL, Giant-Alpecin) 88 pt
9. Alexander Porsev (RUS, Team Katusha) 80 pt
10. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 76 pt
Classement de la montagne :
1. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) 152 pt
2. Damiano Cunego (ITA, Nippo-Vini Fantini) 134 pt
3. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) 118 pt
4. Stefan Denifl (AUT, IAM Cycling) 109 pt
5. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 77 pt
6. Alexander Foliforov (RUS, Gazprom-RusVelo) 66 pt
7. Rein Taaramae (EST, Team Katusha) 62 pt
8. David Lopez (ESP, Team Sky) 54 pt
9. Michele Scarponi (ITA, Astana) 51 pt
10. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 42 pt
Classement des jeunes :
1. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) en 86h41’20 »
2. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 29’38 »
3. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) à 1h10’07 »
4. Davide Formolo (ITA, Cannondale) à 1h18’48 »
5. Joe Dombrowski (USA, Cannondale) à 1h24’25 »
6. Merhawi Kudus (ERY, Dimension Data) à 1h46’03 »
7. Carlos Verona (ESP, Etixx-Quick Step) à 1h57’26 »
8. Alexander Foliforov (RUS, Gazprom-RusVelo) à 1h58’06 »
9. Nathan Brown (USA, Cannondale) à 2h06’47 »
10. Tobias Ludvigsson (SUE, Giant-Alpecin) à 2h12’42 »
Classement par équipes :
1. Astana (KAZ) en 260h02’35 »
2. Cannondale (USA) à 6’57 »
3. Movistar Team (ESP) à 21’00 »
4. Ag2r La Mondiale (FRA) à 53’52 »
5. Team Sky (GBR) à 1h04’21 »
6. Etixx-Quick Step (BEL) à 1h37’53 »
7. Tinkoff (RUS) à 1h40’44 »
8. Team Katusha (RUS) à 2h06’36 »
9. Dimension Data (AFS) à 2h53’26 »
10. Lampre-Merida (ITA) à 3h15’00 »