Il ne fait pas bon être sprinteur sur ce Tour d’Espagne. Au matin de la cinquième étape, pas une seule arrivée ne s’est terminée par un sprint massif classique. Certes, il y a bien eu ce final aux plages d’Orihuela, dimanche dernier, qui a souri à Chris Sutton (Team Sky), mais la bosse à 500 mètres de l’arrivée a perturbé le jeu des Mark Cavendish (HTC-Highroad) et autre Tyler Farrar (Garmin-Cervélo). Il faudra attendre vendredi et la septième étape pour voir un profil d’étape totalement adapté aux sprinteurs. L’on comprend mieux maintenant pourquoi Mark Cavendish n’a pas voulu se faire violence hier, lui qui s’est dit « épuisé, à bout de forces » après son abandon. D’autant plus qu’aujourd’hui, l’étape proposée allait éreinter encore un peu plus les organismes des coureurs.
Entre la Sierra Nevada et Valdepenas de Jaen, 187 kilomètres sont à parcourir dans une région accidentée. Le profil est en dent de scie, il n’y a que très peu de place pour la récupération aujourd’hui. Mais surtout, c’est l’arrivée à Valdepenas de Jaen qui impressionne. Un véritable mur de 900 mètres avec des passages à plus de 25 %. Une difficulté à ranger dans la catégorie des « raidars extrêmes ». Une catégorie très fermée où ne se trouve pas le mur de Huy, trop facile, mais plutôt les côtes de Montelupone et autre alto de Aïa, que l’on retrouve respectivement sur les routes de Tirenno-Adriatico et le Tour du Pays Basque. Deux bosses dans lesquelles Joaquim Rodriguez (Team Katusha) a déjà forgé plusieurs de ses succès par le passé. Alors aujourd’hui, le Catalan est le grandissime favori.
A contrario, les Denis Menchov (Geox-TMC) ou encore Bradley Wiggins (Team Sky) peuvent perdre du temps aujourd’hui sur un final qui ne leur convient pas, eux qui sont davantage « diesel » et au punch limité. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cette étape. Les purs grimpeurs, maîtres des pourcentages à deux chiffres doivent saisir toutes les opportunités pour grappiller du temps sur les grimpeurs-rouleurs afin d’aborder le contre-la-montre individuel de Salamanque avec un matelas confortable comme avance, d’autant plus que l’arrivée à la Sierra Nevada hier n’a pas provoqué de sélection. C’est donc à une étape haletante à laquelle nous nous attendons aujourd’hui, avec comme point d’orgue cette montée spectaculaire à Valdepenas de Jaen.
David Moncoutié joue son va-tout dans l’alto de Valdepena mais sera rejoint à 600 mètres de l’arrivée.
Et l’on ne s’est pas trompé. Le début d’étape est très mouvementé, marqué par de nombreuses offensives dont une de 25 coureurs qui se forme après trente kilomètres de course ! Une échappée qui a de la « gueule », puisque l’on retrouve par exemple Rein Taaramae (Cofidis), Christophe Le Mével (Garmin-Cervélo), Greg Van Avermaet (BMC Racing Team) ou encore Tiago Machado (RadioShack). Comme prévu, le peloton voit d’un mauvais œil ce groupe et ne laisse pas plus d’une minute d’écart. Au fil des kilomètres, le groupe de tête explose sous l’effet des attaques des uns et des autres. Si bien qu’à 70 kilomètres de l’arrivée, seul Michael Albasini (HTC-Highroad) est en tête. Et derrière, le peloton ne semble toujours pas d’accord pour lever le pied. Il n’y a aucun temps mort aujourd’hui, l’étape est usante.
A vingt kilomètres de l’arrivée, le peloton arrive au pied de l’Alto de Valdepana, une côte de neuf kilomètres à six pourcents de moyenne. Là, ils reprennent les derniers échappés. Comme l’an passé, le train est très soutenu dans cette difficulté. La team Katusha donne le tempo et affiche les ambitions de Joaquim Rodriguez. Le peloton s’égrène et l’on aperçoit déjà Igor Anton (Euskaltel-Euskadi) en queue de groupe. Puis, à un kilomètre du sommet, David Moncoutié (Cofidis) place un contre suite à l’attaque de Dyachenko (Astana). Le meilleur grimpeur du Tour d’Espagne des trois dernières années fait vite le trou. Il passe en tête au sommet du col et compte 30 secondes d’avance à cinq kilomètres de l’arrivée. Il aborde le terrible dernier kilomètre avec une avance d’une quinzaine de secondes, comme Rigoberto Uran (Team Sky) l’an passé.
Et comme l’an passé, les premières rampes du mur sont fatales à l’échappé. Moncoutié se fait reprendre à 600 mètres de l’arrivée suite à l’accélération fulgurante de Daniel Moreno (Team Katusha). Comme sur le Tour de Burgos, Moreno emmène dans sa roue Rodriguez. Seuls deux cyclistes peuvent suivre le duo de la Katusha : Wout Poels (Vacansoleil-DCM) et Vicenzo Nibali (Liquigas-Cannondale). A 300 mètres de la ligne, l’Italien craque et Moreno s’écarte. Purito n’a plus qu’à placer son démarrage foudroyant pour s’imposer sans que quiconque n’ait pu l’inquiéter sur des pentes qu’il dompte à la perfection. Wout Poels termine à une impressionnante deuxième place, quatre secondes derrière Rodriguez. Les principaux favoris accusent onze secondes de retard, hormis Wiggins et Brajkovic (RadioShack) qui finissent avec vingt secondes de concédées, et surtout Daniel Martin (Garmin-Cervélo) que l’on attendait aux avants-poste et qui finit 30ème. Igor Anton, lui, traîne toujours son spleen et ajoute 57 secondes de plus à son retard déjà conséquent. Le Maillot Rouge reste sur les épaules de Sylvain Chavanel (Quick Step), mais son avance n’est plus que de neuf petites secondes sur Daniel Moreno.
Demain, la sixième étape entre Ubeda et Cordoue (193,3 km) devrait permettre le retour au calme des favoris.
Classement cinquième étape :
1. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) les 187 km en 4h42’54 »
2. Wout Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) à 4 sec.
3. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 5 sec.
4. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 7 sec.
5. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 8 sec.
6. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack) m.t.
7. Jakob Fuglsang (DAN, Team Leopard-Trek) m.t.
8. Nicolas Roche (IRL, AG2R La Mondiale) m.t.
9. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) m.t.
10. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana) m.t.
Classement général :
1. Sylvain Chavanel (FRA, Quick Step) en 18h02’34 »
2. Daniel Moreno Fernandez (ESP, Team Katusha) à 9 sec.
3. Joaquin Rodriguez Oliver (ESP, Team Katusha) à 23 sec.
4. Jakob Fuglsang (DAN, Team Leopard-Trek) à 26 sec.
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 33 sec.
6. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana) à 36 sec.
7. Maxime Monfort (BEL, Team Leopard-Trek) à 38 sec.
8. Sergio Pardilla (ESP, Movistar Team) à 43 sec.
9. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 44 sec.
10. Marzio Bruseghin (ITA, Movistar Team) à 52 sec.