Au moment de quitter Utrecht que Rohan Dennis (BMC Racing Team) aura traversé hier à toute vitesse pour s’accaparer le premier maillot jaune, le Tour retient déjà son souffle dans ce plat-pays qui n’en manque guère. Plutôt que de rejoindre Anvers par le Bradant-Septentrional, la course s’offre un crochet par la Zélande, dont les îles sont rattachées au continent par des digues fortement exposées au souffle du large. C’est dans ces territoires morcelés, entre terre et mer, que doit se jouer le deuxième acte d’un Tour de France parti sur le grand plateau. Au départ d’Utrecht pour une première étape en ligne de 166 kilomètres, l’alerte aux coups de bordures est déclenchée dans toutes les équipes alors qu’il est dit que les conditions climatiques se dégraderont à mesure que l’on s’approchera du littoral de la mer du Nord.
Tout laisse à penser que de premières têtes vont tomber dans cette zone parmi les plus exposées des Pays-Bas. Et que si sprint il y a aura sur l’île artificielle de Neeltje Jans, au cœur du Delta de Zélande, il ne sera certainement pas massif. Cette étape à très haute tension, tous les favoris l’ont cochée. Et comme si le ciel était de connivence avec la trame de l’histoire, c’est au moment précis où sont rejoints les rescapés d’une échappée lancée à quatre dès le départ par Armindo Fonseca (Bretagne-Séché Environnement), Jan Barta (Bora-Argon 18), Stef Clement (IAM Cycling) et Perrig Quémeneur (Team Europcar), que le temps se gâte. A 60 kilomètres de l’arrivée, le ciel menaçant du littoral néerlandais déverse brusquement ses flots puisés dans la mer agitée. Le vent déchaîné ajoute à la dramaturgie. Tous les éléments naturels sont réunis pour que le Tour s’enflamme et que les lignes bougent une première fois entre les favoris.
Une première alerte a déjà rententi quelques kilomètres plus tôt. A 105 kilomètres de l’arrivée, ce sont les Tinkoff de Contador, relayés par les Sky de Froome et les Movistar de Quintana, qui ont mis la pression sur le peloton sans surprendre le moindre de leurs adversaires. Et donc sans insister. Mais lorsque la pluie et le vent s’en mêlent à l’approche des polders, il suffit d’un rond-point, d’un mauvais placement, pour qu’un trou se creuse à sa sortie. A 55 kilomètres de l’arrivée, une première cassure vient de déchirer le peloton, éloignant de la tête de course Quintana et Valverde (Movistar Team), Bardet et Péraud (Ag2r La Mondiale), Mollema (Trek Factory Racing) et Rodriguez (Team Katusha), puis plus loin une seconde avec pour principaux distancés Nibali (Astana), Pinot (FDJ) et le Maillot Jaune Rohan Dennis !
Alberto Contador et Chris Froome écartent leurs adversaires de 1’28 ».
De ce grand balayage ne subsistent en tête que vingt-cinq coureurs, parmi lesquels Tony Martin (Etixx-Quick Step), Fabian Cancellara (Trek Factory Racing) et Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) pour le gain du maillot jaune, Mark Cavendish (Etixx-Quick Step), André Greipel (Lotto-Soudal) et Peter Sagan (Tinkoff-Saxo) pour celui de l’étape, Alberto Contador (Tinkoff-Saxo), Chris Froome (Team Sky), Rigoberto Uran (Etixx-Quick Step) et Tejay Van Garderen (BMC Racing Team) pour le compte du classement général à long terme, et Warren Barguil (Giant-Alpecin) et Tony Gallopin (Lotto-Soudal) quant à la présence française. Sont là aussi Kreuziger, Kwiatkowski, Oss, Renshaw, Rogers, Schär, Sieberg, Stannard, Stybar, Thomas, Van Avermaet et Bennati, lequel sera le seul à sauter dans le final, sur crevaison.
La guerre des nerfs qu’avait laissé imaginer la nature de cette première étape en ligne est donc ouvertement déclarée dans les 50 derniers kilomètres. Et Contador et Froome, sortis du jeu avant même d’avoir pu s’exprimer il y a un an, prennent là un malin plaisir à écarter le tenant du titre Vincenzo Nibali, dont le groupe se relève sur les digues traversant la mer pour attendre celui plus fourni de Nairo Quintana. Mais la minute qui sépare déjà ce groupe tombé dans l’embuscade tendue par le tandem Contador-Froome du petit peloton de tête ne se comblera jamais. Elle va même s’accroître pour atteindre à l’arrivée, sur cette route étonnante tracée au cœur de la mer, un retard de 1’28 ». Avec un nouvel avantage pour Chris Froome, qui profite de la fracture du peloton de tête dans le sprint final pour prendre 4 secondes de plus à Alberto Contador, à qui il avait déjà pris 8 secondes hier dans le contre-la-montre.
Un moindre mal quand on sait ce soir Pinot à 1’19 » de Froome, Nibali à 1’21 », Quintana à 1’40″… Loin déjà d’un maillot jaune qui retrouve ce soir, et pour la vingt-neuvième fois en six éditions distinctes – un record pour un coureur n’ayant jamais remporté le Tour –, les épaules de Fabian Cancellara. Pour ce faire, le Suisse 3ème hier du chrono d’Utrecht aura dû se faire violence dans le sprint final pour accrocher la 3ème place et les bonifications qui vont avec, au détriment d’un Mark Cavendish 4ème lâché trop tôt par Mark Renshaw et finalement remonté par André Greipel et Peter Sagan, la victoire d’étape revenant à l’Allemand. Sa septième à ce jour. Ce soir le Tour de France a déjà retrouvé ses plus beaux acteurs. Et ses rebondissements dont cette étape n’est que le premier d’une longue série.
Demain lundi, de nouvelles actions sont à attendre en Belgique entre Anvers et le Mur de Huy (159,5 km).
Classement 2ème étape :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) les 166 km en 3h29’03 » (47,6 km/h)
2. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) m.t.
3. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) m.t.
4. Mark Cavendish (GBR, Etixx-Quick Step) m.t.
5. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) m.t.
6. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
7. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.
8. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) m.t.
9. Tony Martin (ALL, Etixx-Quick Step) m.t.
10. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) m.t.
Classement général :
1. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) en 3h44’01 »
2. Tony Martin (ALL, Etixx-Quick Step) à 3 sec.
3. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 6 sec.
4. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) à 33 sec.
5. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 35 sec.
6. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) à 42 sec.
7. Rigoberto Uran (COL, Etixx-Quick Step) m.t.
8. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 44 sec.
9. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 48 sec.
10. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.
Classement par points :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 55 pt
2. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) 39 pt
3. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) 35 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Etixx-Quick Step) 26 pt
5. Tony Martin (ALL, Etixx-Quick Step) 25 pt
6. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 23 pt
7. Rohan Dennis (AUS, BMC Racing Team) 20 pt
8. Jan Barta (TCH, Bora-Argon 18) 20 pt
9. Stef Clement (PBS, IAM Cycling) 17 pt
10. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) 16 pt
Classement des jeunes :
1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) en 3h44’07 »
2. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) à 27 sec.
3. Michal Kwiatkowski (POL, Etixx-Quick Step) à 1’13 »
4. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 1’19 »
5. Rohan Dennis (AUS, BMC Racing Team) à 1’20 »
6. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) à 2’01 »
7. Georg Preidler (AUS, Giant-Alpecin) à 2’19 »
8. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 2’21 »
9. Arnaud Démare (FRA, FDJ) à 2’32 »
10. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) à 2’45 »
Prix de la combativité :
1. Michal Kwiatkowski (POL, Etixx-Quick Step)
Classement par équipes :
1. BMC Racing Team (USA) en 11h13’27 »
2. Etixx-Quick Step (BEL) à 4 sec.
3. Team Sky (GBR) à 51 sec.
4. Tinkoff-Saxo (RUS) à 1’04 »
5. Giant-Alpecin (ALL) à 1’50 »
6. Lotto-Soudal (BEL) à 1’57 »
7. Movistar Team (ESP) à 4’22 »
8. Astana (KAZ) à 5’06 »
9. FDJ (FRA) à 5’22 »
10. MTN-Qhubeka (AFS) à 5’46 »