Il règne à Montréal un doux parfum de Mondial. S’il faut se montrer patient pendant deux semaines pour découvrir le circuit de Florence, celui de Montréal vient combler notre frustration en même temps qu’il nous offre une opportunité de faire un état des lieux, quinze jours avant le grand rendez-vous annuel. Plus encore que celui de Québec, le GP de Montréal ressemble typiquement à un circuit de Championnat du Monde. Long de 12 kilomètres, le tracé est à boucler à 17 reprises, avec à chaque fois, la côte de Camillien Houde (1,8 kilomètre à 8 %) en début de parcours, et la côte de la Polytechnique (780 mètres à 6 %) à 6 kilomètres de l’arrivée, sans compter l’arrivée en faux plat montant. S’il est très typé mondial, c’est aussi parce que c’est ici même qu’Eddy Merckx remportait le troisième de ses maillots irisés en 1974.

Qui dit Mondial, dit course extrêmement tactique. Là où on a eu droit à une course de mouvement formidable vendredi à Québec, celle-ci sera moins débridée, mais pas moins passionnante. Avant de laisser l’explication finale avoir lieu, Valerio Agnoli (Astana), Zach Bell (Canada), William Clarke (Argos-Shimano), Danilo Hondo (RadioShack-Leopard), Adriano Malori (Lampre-Merida), Sergio Paulinho (Team Saxo-Tinkoff) et Ruben Perez (Euskaltel-Euskadi) vont s’offrir une escapade à l’avant de la course. Ils ne vont bien sûr pas flâner en cours de route, mais le peloton leur laissera pratiquement 5 minutes d’avance avant d’accélérer l’allure. Le tempo imposé est tel qu’une bonne partie des coureurs va craquer. Surtout sur un circuit si usant. Le peloton est sans cesse en file indienne et il est normal de voir les sept coureurs échappés, rapidement revus par le peloton.

Les organismes sont fatigués et un groupe de sept peut reprendre les devants à deux tours et demi de la fin. Suivant l’accélération de Gorka Izagirre (Euskaltel-Euskadi) dans la côte de la Polytechnique, Tim Wellens (Lotto-Belisol), Cyril Gautier (Team Europcar), Jésus Herrada (Movistar Team), Alexandr Kolobnev (Team Katusha), Damiano Cunego (Lampre-Merida) et Daniel Oss (BMC Racing Team) vont prendre quelques longueurs d’avance. Leur escapade ne durera qu’un demi-tour, puisque, six kilomètres, plus loin ils sont repris, avec l’accélération d’Alberto Contador (Team Saxo-Tinkoff) suivi par Jan Bakelants (RadioShack-Leopard) et Tejay Van Garderen (BMC Racing Team).

Comme à Gand-Wevelgem, Sagan s’envole en solo dans le final

C’est alors que Peter Sagan (Cannondale) dont les équipiers ont mené la chasse derrière les fuyards de la première heure, est pour la première fois mis personnellement à contribution. Au prix d’un gros effort, le Slovaque revient sur le groupe Contador. Les compagnons de fugue du coureur de 23 ans n’ont pas nécessairement envie de l’amener sur la ligne. S’ils ne coupent pas totalement leur effort, le cœur n’y est plus et le groupe est finalement repris, sous l’impulsion de la formation FDJ.fr qui abat un travail collectif énorme pour Arthur Vichot. Une fois les fuyards repris, les attaques fusent à nouveau et c’est Michael Albasini (Orica-GreenEdge) qui coupe la ligne seul en tête au moment où la cloche sonne.

Le Suisse ne possède qu’une poignée de secondes d’avance et il ne fait aucun doute qu’il sera repris à la moindre accélération. C’est chose faite sous l’impulsion de Robert Gesink (Belkin) qui se verrait bien faire le doublé après sa victoire à Québec. Le Néerlandais place un démarrage puissant que même Christopher Froome (Team Sky) ne peut suivre. Si finalement un groupe recolle au sommet de l’avant-dernière difficulté, ils ne sont plus qu’une dizaine à être en lice pour la victoire dans cette 4ème édition. Parmi ceux-là figure encore un certain Peter Sagan qui a déjà fait forte impression. Tout le monde se méfie du Slovaque comme de la peste, et les tentatives se multiplient. Froome, Gesink et Ryder Hesjedal (Garmin-Sharp) tenteront tour à tour leur chance : sans succès.

Il y a un vieil adage qui dit que la meilleure défense, c’est l’attaque. Sagan met le dicton en application et sort en solitaire lui aussi. Ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve dans cette situation. Il avait déjà dû faire avec cette grandissime pancarte de favori dans le dos à Gand-Wevelgem. Le prodige avait alors surpris ses adversaires en attaquant dans le final pour finir en solo. À Montréal, il applique la même recette avec le même succès. L’écart se porte rapidement à une vingtaine de secondes et ses poursuivants seront incapables de combler l’écart, même si Simone Ponzi (Astana) et Ryder Hesjedal viennent mourir sur ses talons. En remportant en solitaire le GP de Montréal, Sagan envoie un signal fort pour Florence : le grand favori pour le titre mondial, c’est lui, et il peut gagner de plusieurs manières différentes.

Classement :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) en 5h20’07 »
2. Simone Ponzi (ITA, Astana) à 4 sec.
3. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp)
4. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
5. Filippo Pozzato (ITA, Lampre-Merida) à 7 sec.
6. Rui-Alberto Faria Da Costa (POR, Movistar Team) m.t.
7. Enrico Gasparotto (ITA, Astana) m.t.
8. Lars-Petter Nordhaug (NOR, Belkin) à 9 sec.
9. Ion Izagirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.
10. Jan Bakelants (BEL, RadioShack-Leopard) m.t.