Thierry, c’est un peu de déception de ne pas avoir gagné sur les Champs-Elysées ?
Oui bien sûr, nous aurions aimé gagner. Mais quand on regarde le sprint, on voit que Kristoff était aussi très fort. On a un petit peu mal géré le dernier kilomètre mais c’est sans regrets.
En prenant un peu plus de recul, quel bilan tirez-vous de ce Tour de France, avec une victoire comme l’année dernière mais où vous finissez avec plus de coureurs ?
Oui, mais finir avec trois ou huit coureurs ce n’est pas très important. Ce qui compte, c’est d’avoir été acteurs sur le Tour. Nous l’avons été l’année dernière sur la première semaine et c’était plus compliqué après, mais cette année on fait un beau Tour en allant chercher une étape. Tardivement mais l’essentiel était de le faire.
Le fait de finir à huit, sur un Tour où il y a eu beaucoup d’abandons, cela veut dire que vos coureurs se sont bien battus, comme Rudy Molard qui n’était pas bien en première semaine ?
Oui, Rudy est l’exemple type du coureur qui s’est battu. C’était une vraie momie pendant pratiquement 15 jours sur ce Tour car il était tombé dès le départ. Il s’est accroché, il a bien traversé les Alpes, c’était plus compliqué dans les Pyrénées car il a payé un peu tout cela mais on avait huit coureurs motivés et impliqués et s’ils sont tous à Paris ce n’est pas par hasard.
C’est un peu la suite logique de l’année dernière où tout le monde avait aussi voulu aller au bout ensemble…
Oui, là c’était pareil, ils voulaient tous rejoindre Paris avec des résultats. On espérait gagner dès la première semaine, on ne l’a pas fait, mais ils ont été persévérants. Nous ne sommes pas passés loin à Valence, on a conclu à Pau, donc c’est un beau Tour.
Diriez-vous que le fait de passer à huit coureurs a changé des choses au niveau de la sécurité ?
Très sincèrement non. Le peloton est un peu moins conséquent mais cela ne change pas la façon de courir. Cela change quand on a un maillot à défendre, cela fait un coureur de moins pour protéger un leader, pour emmener un sprinteur. Et si en plus on a des malades et des chutes… On le voit avec une équipe comme Ag2r qui a eu plusieurs abandons et qui s’est vite retrouvée démunie.
Certains préconisent sept coureurs, vous en pensez quoi ?
Pourquoi pas six ou cinq pendant qu’on y est… Non, il ne faut pas oublié qu’avec huit ou neuf coureurs, chacun a un rôle bien précis dans une équipe, les équipiers ont un rôle important. C’est ingrat mais très important dans le dispositif d’une équipe.
Nous avons vu des rouleurs dominer en montagne. Pensez-vous que nous sommes partis pour une domination de ce profil de coureurs dans les années à venir ?
Oui, mais dans les Grands Tours cela a toujours existé. Les vainqueurs ont toujours eu des facultés à rouler relativement vite dans les chronos. On a eu les Quintana, mais à ce moment-là il faut faire des Grands Tours plus montagneux. C’est aux organisateurs de faire de temps en temps des Tours peut-être plus compliqués à gérer pour les rouleurs pour avoir d’autres vainqueurs.
Il y a une tendance à réduire le nombre de kilomètres contre-la-montre, à les faire moins plats, mais finalement cela ne change pas grand chose…
Non cela ne change pas grand chose. Ce que l’on voit c’est que les étapes qui sont raccourcies, qui ne font que 100 kilomètres mais qui sont difficiles produisent autant voire plus d’écart que les grandes étapes donc c’est aux organisateurs de proposer des parcours adéquates.
Qu’avez-vous pensé de l’étape de 65 kilomètres du col du Portet ?
Le départ était nouveau, pourquoi pas, mais cela n’a pas changé la donne. On voit que ça a bougé car les leaders peuvent prendre des risques dans le dernier col, ils savent qu’ils vont passer. Après il faut être bien mais sur des étapes concentrées comme ça c’est pas plus mal.
Dans l’idée de rénover le cyclisme, ou d’apporter des améliorations pour le spectacle, certains évoquent la possibilité d’avoir un remplaçant. Qu’en pensez-vous ?
On est ouvert à tout, pourquoi pas innover un petit peu mais c’est en contradiction. Ce n’est jamais par hasard s’il manque des coureurs dans une équipe, dû à des chutes ou des maladies. C’est peut-être aussi à cause d’un placement qu’il chute, une maladie due à un manque de précaution, ce sont plein de petites choses qui s’accumulent qui font que l’on perd des coureurs. Cela fait partie du jeu donc c’est aussi aux équipes de s’organiser en fonction.
On voit aussi certains coureurs qui malheureusement, comme Richie Porte ou Dan Martin, chutent trop régulièrement pour que ce soit uniquement par hasard…
Ce sont souvent les mêmes coureurs qui tombent, ce sont souvent les mêmes coureurs qui ont des crevaisons, ce n’est pas du hasard. Cela fait partie du jeu et quand on a des coureurs qui ont des « désavantages », il faut aussi jouer dessus pour leur faire perdre du temps.
Si on se projette sur la suite, pouvez-vous faire un point sur l’état de santé de Thibaut Pinot ?
Thibaut va de mieux en mieux. Il s’entraîne correctement, il a retrouvé des sensations qu’il n’avait pas eu depuis longtemps, et il va passer sur le Tour de Pologne avant d’aller sur la Vuelta.
Donc ce sera lui votre leader sur la Vuelta ?
Oui, après il ne vient pas sur la Vuelta dans l’optique du général. Il vient d’abord pour reprendre confiance, se faire plaisir, aller chercher des étapes. Il y aura moins de pression que sur un Giro ou un Tour. Et si au bout de huit ou dix jours tout est bien aligné, pourquoi ne pas penser au général, mais ça viendra après.
Y a-t-il des coureurs du Tour qui vont doubler ?
On peut penser qu’un Rudy Molard, s’il récupère bien dans les prochains jours, sera aussi sur la Vuelta.