On a beau se rapprocher un petit peu plus chaque jour de Milan, terme de la 98ème édition du Giro le dimanche 31 mai, la course rose s’éloigne toujours plus de la capitale lombarde tandis qu’elle repart ce matin de Montecatini Terme pour prendre la direction, cap au sud, de Castiglione della Pescaia (183 km). Les raccourcis ne sont pas envisageables sur un Grand Tour, et ceux qu’on nous soumet ici et là aux lendemains de journées nerveuses et compliquées qui ont donné lieu aux premières escarmouches entre les favoris ne sont pas convenables. Cinq étapes seulement sauraient-elles réduire déjà l’enjeu de la victoire finale à trois noms, ceux d’Alberto Contador (Tinkoff-Saxo), Fabio Aru (Astana) et Richie Porte (Team Sky) ? Si l’impression est trompeuse, il serait abject de résumer la suite des événements à ces trois-là.
Il n’empêche que Contador, Aru et Porte ont marqué les esprits par leur prise rapide d’initiative. Fabio Aru d’abord, lui qui épaulé par une solide formation Astana unie autour de sa jeune personne a provoqué la première confrontation il y a quarante-huit heures. Alberto Contador ensuite, qui a rétorqué sur les pentes d’Abetone vingt-quatre heures plus tard sans parvenir à faire davantage la différence sur ses deux adversaires les plus coriaces. Il s’est même effacé au sprint derrière Fabio Aru, concédant à son jeune rival 4 secondes de bonification qui permettent au grimpeur sarde de refaire la majeure partie du retard pris dans le contre-la-montre par équipes d’ouverture samedi (6 secondes). Richie Porte enfin, qui pour l’heure s’est contenté d’accrocher les bonnes roues sans faire de zèle, laissant les deux autres capter l’attention du plus grand nombre, conscient que le Giro ne se jouera pas avant les grands massifs dolomitiques et alpins.
En attendant, voilà déjà Alberto Contador, Fabio Aru et Richie Porte installés aux trois premiers rangs du classement général. Avec un avantage discutable s’agissant de l’Espagnol, dont le maillot rose a plus valeur de cadeau empoisonné si loin de Milan pour un coureur qui, sur aucun de ses six Grands Tours victorieux (ni même les deux qui lui ont été confisqués après son contrôle positif au clenbutérol en juillet 2010), n’a abandonné un maillot de leader une fois en avoir pris possession. Peut-être devra-t-il agir autrement cette fois-ci, car la route est encore longue et rude d’ici à Milan, et la pression qui accompagne le port d’un maillot rose – autant que les obligations médiatiques qui impactent sur la récupération – est une considération à ne pas prendre à la légère. Mais ça, on ne l’apprendra pas à Alberto Contador.
Alberto Contador, touché, refuse sur le podium d’endosser le maillot rose qu’on lui tend.
C’est donc fort de toutes ces considérations que le peloton poursuit aujourd’hui sa descente de la péninsule italienne par les routes de Toscane, dans une sixième étape qui se présente comme la seconde occasion de voir les purs sprinteurs s’affronter depuis le Grand Départ ligurien samedi dernier. Que cela plaise ou non aux cinq coureurs qui prennent la poudre d’escampette dans les premiers kilomètres de course, Eduard Grosu (Nippo-Vini Fantini) et Marek Rutkiewicz (CCC Sprandi Polkowice) d’abord, Marco Bandiera (Androni-Sidermec), Alessandro Malaguti (Nippo-Vini-Fantini) et Alan Marangoni (Cannondale-Garmin) ensuite. Dans la touffeur d’une belle journée ensoleillée, peut-être ces cinq-là espèrent que le peloton se préservera à la veille d’une étape marathon de 264 kilomètres. Mais il n’en sera rien.
Les sprinteurs ont beaucoup trop faim, à commencer par André Greipel (Lotto-Soudal), passé à côté de sa première occasion de lever les bras dimanche à Gênes (3ème). Passé les monts Métallifères, aux abords de la chaîne des Apennins, unique difficulté de cette journée plate pour l’essentiel, le train belge se met progressivement en route pour se rapprocher des cinq échappés, freinés par le vent de face, et les absorber sans un regard à 15 kilomètres de Castiglione della Pescaia. Les équipes Tinkoff-Saxo et Astana prennent alors le relais jusqu’aux 3 derniers kilomètres pour épargner à leurs leaders les indésirables incidents inhérents à ce type d’arrivée massive, avant de s’écarter au profit de nouveau d’une superbe formation Lotto-Soudal, parfaitement en ligne pour lancer comme il se doit le champion d’Allemagne vers la victoire d’étape qu’il est venu chercher, comme il l’avait fait lors de ses deux premières participations.
André Greipel avait gagné à Locarno en 2008 puis à Brescia en 2010, le voilà vainqueur ce soir à Castiglione della Pescaia, imprenable au sprint, au grand dam des Italiens Matteo Pelucchi (IAM Cycling) et Sacha Modolo (Lampre-Merida), ses seconds. Mais l’attention est déportée sur un incident survenu dans le dos de l’Allemand : une vague dévastatrice provoquée par la chute d’un coureur et qui affecte le Maillot Rose Alberto Contador en personne ! L’Espagnol, touché aux genoux et plus sérieusement à l’épaule gauche, refusera sur le podium d’endosser le maillot rose qu’on lui tend, incapable de passer son bras raidi le long du corps dans la manche de la tunique protocolaire. Il quitte la scène soucieux, le maillot rose à la main, laissant derrière lui une assistance inquiète. La route est encore longue, si longue…
Demain vendredi, la septième étape sera la plus longue de cette édition entre Grosseto et Fiuggi (264 km).
Classement 6ème étape :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) les 183 km en 4h19’42 » (42,3 km/h)
2. Matteo Pelucchi (ITA, IAM Cycling) m.t.
3. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) m.t.
4. Manuel Belletti (ITA, Southeast) m.t.
5. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) m.t.
6. Alessandro Petacchi (ITA, Southeast) m.t.
7. Elia Viviani (ITA, Team Sky) m.t.
8. Luka Mezgec (SLO, Giant-Alpecin) m.t.
9. Nicola Ruffoni (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
10. Davide Appollonio (ITA, Androni-Sidermec) m.t.
Classement général :
1. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) en 20h25’36 »
2. Fabio Aru (ITA, Astana) à 2 sec.
3. Richie Porte (AUS, Team Sky) à 20 sec.
4. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) à 22 sec.
5. Dario Cataldo (ITA, Astana) à 28 sec.
6. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 37 sec.
7. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) à 56 sec.
8. Mikel Landa (ESP, Astana) à 1’01 »
9. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 1’15 »
10. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 1’18 »
Classement par points :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 75 pt
2. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 73 pt
3. Marco Frapporti (ITA, Androni-Sidermec) 40 pt
4. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 40 pt
5. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 40 pt
6. Matteo Pelucchi (ITA, IAM Cycling) 35 pt
7. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) 34 pt
8. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) 26 pt
9. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 26 pt
10. Simon Clarke (AUS, Orica-GreenEdge) 26 pt
Classement de la montagne :
1. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) 15 pt
2. Pavel Kochetkov (RUS, Team Katusha) 15 pt
3. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) 14 pt
4. Edoardo Zardini (ITA, Bardiani-CSF) 14 pt
5. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 12 pt
6. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 10 pt
7. Axel Domont (FRA, Ag2r La Mondiale) 7 pt
8. Fabio Aru (ITA, Astana) 6 pt
9. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 6 pt
10. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 6 pt
Classement des jeunes :
1. Fabio Aru (ITA, Astana) en 20h25’38 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 35 sec.
3. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 1’13 »
4. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani-CSF) à 15’43 »
5. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 17’16 »
6. Tsgabu Grmay (ETH, Lampre-Merida) à 18’22 »
7. Fabio Felline (ITA, Trek Factory Racing) à 20’01 »
8. Jesus Herrada (ESP, Movistar Team) à 22’31 »
9. Kenny Elissonde (FRA, FDJ) à 23’51 »
10. Silvan Dillier (SUI, BMC Racing Team) à 25’45 »
Classement par équipes :
1. Astana (KAZ) en 60h39’05 »
2. BMC Racing Team (USA) à 43 sec.
3. Team Sky (GBR) à 2’23 »
4. Tinkoff-Saxo (RUS) à 3’43 »
5. Movistar Team (ESP) à 5’14 »
6. Cannondale-Garmin (USA) à 15’54 »
7. Lotto-Soudal (BEL) à 25’09 »
8. Orica-GreenEdge (AUS) à 30’22 »
9. Lampre-Merida (ITA) à 30’45 »
10. Bardiani-CSF (ITA) à 32’35 »