Quand un organisateur de Grand Tour couche sur le papier les lignes de son épreuve, il s’imagine sans doute, dans un coin de la tête, ce qui pourra se tramer quand viendra le moment de vivre en vrai les étapes imaginées. De la fiction à la réalité, pourtant, il y a un monde. Encore plus en matière de sport, et ô combien davantage en matière de cyclisme, où rien n’est jamais acquis par avance. Ce Tour d’Italie, les organisateurs italiens l’avaient rêvé passionnant. Mais dans leurs rêves les plus fous, ils ne l’auraient probablement pas imaginé aussi captivant. A tel point qu’il en aura même été déroutant. Les favoris ne se seront guère ménagés durant trois semaines, en permanence sur le pied de guerre, et rares auront été les étapes durant lesquelles on se sera ennuyé. Des attaques, des surprises, des retournements de situation… Rien d’académique.
Un élément est particulièrement révélateur : le nombre d’arrivées au sprint. Loin de nous l’idée d’avancer qu’une arrivée au sprint nuit au spectacle, bien au contraire, mais il est clair que ce Giro aura été si animé et si délicat à saisir que bien des occasions de s’expliquer sont passées sous le nez des purs sprinteurs. Aux Pays-Bas, les victoires de Tyler Farrar (Garmin-Transitions) et Wouter Weylandt (Quick Step) ne s’étaient produites que devant un peloton morcelé par les chutes et les coups de bordures. A son retour sur le sol italien, le paquet avait été berné par l’échappée de Jérôme Pineau (Quick Step). Il y en a heureusement eu un tout petit peu pour les sprinteurs mais la victoire de Matthew Goss (Team HTC-Columbia) à Cava de Tirreni a été obtenue au sommet d’un bon faux-plat. Seul Tyler Farrar, encore lauréat à Bitonto, peut se vanter d’avoir vaincu au sprint les purs spécialistes dans un véritable emballage massif.
Deux ou trois arrivées massives dignes de ce nom, c’est très peu pour un Grand Tour. D’ailleurs, bien des sprinteurs ont tourné les talons, se demandant bien ce qu’ils étaient venus faire sur cette course hostile à leurs qualités. Tyler Farrar, Alessandro Petacchi, Matthew Goss, Robbie McEwen et d’autres sont déjà rentrés à la maison. Mais d’autres sprinteurs se sont accrochés, convaincus de pouvoir encore tenter leur chance dans une étape en dernière semaine de course. Car le Tour d’Italie, avant de retourner braver les plus hauts sommets des Dolomites demain et après-demain, savoure aujourd’hui une toute dernière journée de répit entre Levico Terme et Brescia (156 km). C’est une étape plane et ensoleillée – il est vrai que les conditions météos auront également joué un rôle en défaveur des sprinteurs sur ce Giro – qui peut s’achever au sprint.
Marangoni et Kaisen, deux échappés limités dans leurs mouvements.
Les coureurs du Tour d’Italie sont épuisés, c’est évident, et les deux dernières étapes de montagne sont si effrayantes qu’ils ne seront pas nombreux à vouloir s’échapper aujourd’hui, préférant garder des forces pour affronter les derniers sommets de la course rose. En fait, on ne trouvera que deux volontaires aujourd’hui pour mettre un peu d’animation en tête de course, l’Italien Alan Marangoni (Colnago-CSF Inox) et le Belge Olivier Kaisen (Omega Pharma-Lotto). Ces deux-là prennent la fuite après 21 kilomètres, espérant que le peloton ne se pressera pas après eux. Mais les sprinteurs ont tellement envie d’en découdre enfin, les uns auprès des autres, dans le final de cette dix-huitième étape, qu’ils ne laisseront jamais les deux échappés croire en leurs chances. L’avantage du duo de tête est limité à 2’50 », pas une seconde de plus, et les équipes de sprinteurs prennent très tôt la situation en main, contrôlant les écarts avec vigilance.
Deux équipes se montrent plus motivées que les autres, à l’avant du peloton, en l’occurrence le Team HTC-Columbia d’André Greipel et le Team Sky de Greg Henderson. Vainqueur d’une étape du Giro en 2008 et de quatre étapes de la Vuelta en 2009, l’Allemand André Greipel est le coureur le plus victorieux de la saison avec onze victoires au compteur. Mais il n’a pas eu l’occasion de s’exprimer à sa convenance dans ce Tour d’Italie et il souhaiterait mettre à profit cette dernière étape de plaine pour prouver qu’il est bien l’un des meilleurs sprinteurs du monde. Il va en avoir l’occasion. Après une longue échappée, Alan Marangoni et Olivier Kaisen sont repris à 2 kilomètres de l’arrivée, s’effaçant alors au profit des finisseurs, dont les équipes œuvrent ardemment à l’avant du peloton. Des images devenues rares ces dernières semaines…
André Greipel n’en a pas perdu ses automatismes pour autant. Dans les derniers hectomètres, c’est lui qui parvient à se dégager quand le sprint est lancé. Aussitôt, il prend plusieurs longueurs d’avance que personne ne parviendra à gommer. Et le super sprinteur germanique s’adjuge ainsi sa douzième victoire de l’année, sa sixième dans un Grand Tour. Voilà donc une dernière journée de calme qui s’achève sur la route du Tour d’Italie. Dès demain, les choses sérieuses reprendront pour définir qui des derniers candidats à la victoire finale saura faire la différence. L’Espagnol David Arroyo (Caisse d’Epargne) abordera l’antépénultième étape du Giro doté du Maillot Rose de leader. Mais la montagne qui nous attend désormais devrait lui barrer la route d’un succès final dans le Tour d’Italie. Ivan Basso (Liquigas-Doimo) et Cadel Evans (BMC Racing Team) sont en revanche pressentis pour un duel fascinant.
Demain vendredi, la dix-neuvième étape se disputera entre Brescia et Aprica (195 km).
Toutes les photos du Giro.
Classement 18ème étape :
1. Andre Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) en 3h14’59 »
2. Julian Dean (NZL, Garmin-Transitions) m.t.
3. Tiziano Dall’Antonia (ITA, Liquigas-Doimo) m.t.
4. Greg Henderson (NZL, Team Sky) m.t.
5. Danilo Hondo (ALL, Lampre-Farnese Vini) m.t.
6. Graeme Brown (AUS, Rabobank) m.t.
7. Lucas-Sebastian Haedo (ARG, Team Saxo Bank) m.t.
8. Michiel Elijzen (PBS, Omega Pharma-Lotto) m.t.
9. Fabio Sabatini (ITA, Liquigas-Doimo) m.t.
10. William Bonnet (FRA, Bbox Bouygues Telecom) m.t.
Classement complet
Classement général :
1. David Arroyo (ESP, Caisse d’Epargne) en 76h26’37 »
2. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) à 2’27 »
3. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) à 2’44 »
4. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 3’09 »
5. Carlos Sastre (ESP, Cervélo TestTeam) à 4’41 »
6. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 4’53 »
7. Alexander Vinokourov (KAZ, Astana) à 5’12 »
8. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) à 5’24 »
9. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) à 9’21 »
10. Robert Kiserlovski (ITA, Liquigas-Doimo) à 9’32 »
Classement complet
Classement par points :
1. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 106 pt
2. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 91 pt
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) 78 pt
4. Jérôme Pineau (FRA, Quick Step) 74 pt
5. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) 68 pt
6. Filippo Pozzato (ITA, Team Katusha) 67 pt
7. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) 65 pt
8. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) 64 pt
9. Greg Henderson (NZL, Team Sky) 64 pt
10. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) 61 pt
Classement de la montagne :
1. Matthew Lloyd (AUS, Omega Pharma-Lotto) 29 pt
2. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) 25 pt
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 25 pt
4. Ludovic Turpin (FRA, Ag2r La Mondiale) 20 pt
5. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) 17 pt
6. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) 17 pt
7. Xavier Tondo (ESP, Cervelo TestTeam) 16 pt
8. Rubens Bertogliati (SUI, Androni Giocattoli) 16 pt
9 Simone Stortoni (ITA, Colnago-CSF Inox) 16 pt
10. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo Bank) 15 pt
Classement des jeunes :
1. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) en 76h29’21 »
2. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 6’48 »
3. Dario Cataldo (ITA, Quick Step) à 11’26 »
4. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 12’40 »
5. Francis De Greef (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 25’53 »
6. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) à 25’57 »
7. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 29’55 »
8. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 41’08 »
9. Rigoberto Uran Uran (COL, Caisse d’Epargne) à 47’41 »
10. Branislau Samoilau (BLR, Quick Step) à 1h01’58 »
Classement par équipes :
1. Liquigas-Doimo (ITA) en 228h11’41 »
2. Rabobank (PBS) à 7’48 »
3. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 27’12 »
4. Caisse d’Epargne (ESP) à 32’27 »
5. Ag2r La Mondiale (FRA) à 33’35 »
6. Team Saxo Bank (DAN) à 39’25 »
7. Team Katusha (RUS) à 50’43 »
8. Team Sky (GBR) à 53’49 »
9. Cervélo TestTeam (SUI) à 57’28 »
10. Androni Giocattoli (ITA) à 1h11’22 »