La plupart des ouvrages consacrés au cyclisme ces derniers temps nous content les champions qui ont marqué leur époque, récente ou plus lointaine, voire le côté obscur du métier, des malhonnêtetés en tout genre pour gagner encore et encore.
Avec « Gregario », de Charly Wegelius, voilà un livre d’un autre genre. Né en avril 1978 en Finlande, le coureur anglais fut professionnel de 2000 à 2011. Ce n’est pas si loin de nous, mais bien des personnes n’en ont jamais entendu parler. Pourtant, il est passé par des équipes de premier plan : Mapei, Liquigas, Silence-Lotto, Omega Pharma…
Charles Wegelius grandit dans une Angleterre qui n’a pas encore chopé le virus du vélo (rien à voir avec l’engouement de maintenant !). A ce moment, pour un jeune d’avenir, la voie royale est de s’expatrier… en France. Ce sera chez Jean-René Bernaudeau, au Vendée U. Dix-sept victoires en 1996 chez les Juniors, un bel avenir, avant un retour au pays en 1999 dans une équipe financée par la fédération britannique, la WCCP (Wolrld Class Performance Program). Il est alors approché par la Mapei, comme jeune coureur, une consécration. Un peu comme si la Sky vous téléphonait ce soir.
Dans ce livre très touchant, Charly Wegelius nous raconte son histoire, celle d’un coureur qui n’a jamais gagné une course pro (à l’exception de victoires en contre-la-montre par équipes). Typé grimpeur, il a fait le domestique, le porteur d’eau, le gregario. Il a couru quatorze Grands Tours et participé à de nombreux succès de ses leaders. Serhiy Honchar 2ème du Giro 2004 grâce au travail de Charly qui, dans l’avant-dernière étape, une étape de montagne, lui permet de conserver sa 2ème place pour 2 secondes ! Ou encore Danilo Di Luca, vainqueur du Giro en 2007.
Ce livre nous éclaire sur la vie d’un coureur professionnel, sportif de haut niveau donc, mais qui n’est pas le champion. Prendre conscience de la fragilité du métier, avoir et garder les bons contacts, penser au lendemain, éviter la blessure qui peut ruiner une carrière, la souffrance et la fatigue permanentes, être respecté par ses congénères… Charly Wegelius nous parle aussi de son taux d’hématocrite naturellement élevé qui lui a valu une interdiction de départ sur un Tour de Lombardie, avant d’être réhabilité par les médecins. Et aussi de la polémique des Mondiaux de Madrid en 2005 où, moyennant rétribution, il s’est mis davantage au service de la sélection italienne qu’au service des Anglais, de toute façon pas dans la course pour une victoire. Mais on connaît la problématique du Championnat du Monde : vous courez toute l’année pour votre équipe de marque et un jour par an il faut oublier tout ça. Demandez à Joaquim Rodriguez de vous raconter le final du Championnat du Monde 2013 à Florence avec Alejandro Valverde (Espagnol, comme lui) et Rui Costa (Portuguais mais équipier de Valverde)…
Aujourd’hui, Charly Wegelius n’a pas quitté le monde du cyclisme. Il est l’un des directeurs sportifs de la Cannondale-Drapac.
« Gregario » (Editions Globe) par Charly Wegelius. 282 pages. 22,50 €. – www.editions-globe.com