Jusqu’à dimanche, Vélo 101 pose les enjeux en quatre thèmes de la 106ème édition de Milan-San Remo, premier monument du calendrier.
Les absences du Manie et de la Pompeiana suffisent-elles à exclure les non-sprinteurs de la lutte pour la victoire sur Milan-San Remo ? Sur une course aussi imprévisible, les finisseurs auraient tort de crier victoire trop vite, même si le retour du tracé mythique n’est pas pour leur déplaire. L’histoire leur a souvent donné raison, mais ils sont plusieurs à s’être imposés sur la Via Roma en déjouant les plans des hommes rapides.
Leurs chances sont minimes, certes, mais elles sont réelles ! Après tout, au moment de passer à côté de la célèbre cabine téléphonique qui marque le sommet du Poggio, il ne reste que 5,5 kilomètres à couvrir. Mieux, la descente qui s’en suit, réputée pour sa technicité et son étroitesse, dépose les coureurs à seulement 2,3 kilomètres du portique d’arrivée. C’est amplement suffisant pour laisser un espoir aux puncheurs qui ont un œil sur la Primavera.
Le champion du monde Michal Kwiatkowski (Etixx-Quick Step) ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Au lendemain du terme de Paris-Nice, le Polonais a mis le cap sur la côte ligure pour y reconnaître les 70 derniers kilomètres de la Classicissima qu’il n’a jamais terminée. Conscient du degré d’importance que revêt le Poggio, le coureur de 24 ans s’y est attardé. Il a grimpé ces 4 kilomètres à 3,7 %, mais il en a aussi reconnu la descente à deux reprises. Il n’a d’ailleurs pas caché son jeu. « La partie que j’ai préférée, c’est la descente du Poggio, avait-il affirmé après sa reconnaissance. Je l’ai faite deux fois et je l’ai adorée. Techniquement, elle est superbe. »
De là à prévoir une attaque de Michal Kwaitkowski peu avant le sommet pour filer à toute vitesse dans les lacets étroits qui mènent à San Remo, il n’y a qu’un pas que l’on serait fortement tenté de franchir. Cela vaut pour le Polonais, mais aussi pour d’autres puncheurs réputés pour leurs qualités de descendeurs comme Fabian Cancellara (Trek Factory Racing) ou Philippe Gilbert (BMC Racing Team).
Et si elle était la clé pour tous les non-sprinteurs ? Plus encore qu’une bonne montée, faut-il réaliser une bonne descente du Poggio ? En pratique, les choses sont plus compliquées qu’elles n’y paraissent. Chaque année, un petit groupe de concurrents parvient à atteindre la cabine téléphonique avec quelques secondes d’avance sur le reste de la meute, mais sur les quinze dernières éditions, seuls deux futurs vainqueurs ont basculé au sommet du Poggio dans le groupe de tête : Paolo Bettini en 2003, qui avait pu bénéficier de l’aide de son coéquipier Luca Paolini, et Simon Gerrans en 2012 dans un trio que complétaient Fabian Cancellara et Vincenzo Nibali.
Dans l’histoire récente, ils sont encore moins nombreux à avoir bâti leur victoire dans la Cipressa (6 km à 3,9 %). Placée à plus de 20 kilomètres de l’arrivée, la montée la plus difficile sur le papier, depuis la suppression du Manie, ne possède plus qu’un rôle anecdotique. La raison ? Ces 16 kilomètres entre son sommet et le pied du Poggio. Dernier homme en date à y avoir échoué, Vincenzo Nibali (Astana) ne se fait plus guère d’illusion. « J’ai compris qu’il était impossible de rejoindre l’arrivée seul depuis la Cipressa, affirmait-il auprès de la Gazzetta dello Sport mercredi. Tout ce que vous gagnez, c’est d’arriver cuit au pied du Poggio. Ou alors il faut tenter le coup à quatre ou cinq motivés. » Motivé, le Sicilien ne l’est visiblement plus. Et si c’était pour mieux faire parler ses qualités de descendeur dans le Poggio ?