Il était rentré chez lui considérablement abattu, dimanche dernier, après un énième échec sur Gand-Wevelgem, victime d’une chute au moment fatidique. Démoralisé à l’idée d’aborder les huit jours capitaux de sa saison sans avoir engrangé le moindre succès. Ça ne lui était encore jamais arrivé. Mais Fabian Cancellara (Trek Factory Racing) s’est vite ressaisi, rapidement gagné par l’atmosphère inégalable qui transcende, le premier dimanche d’avril, toute la planète cycliste. S’il n’avait encore rien gagné, le champion n’a eu de cesse de semer depuis le début de l’année, 2ème de Milan-San Remo une fois encore, 6ème des Strade Bianche et 9ème du Grand Prix E3. L’heure semblait venue de récolter les fruits de son labeur dans une édition du Tour des Flandres à nouveau redessinée pour durcir un peu plus les 50 derniers kilomètres.
« Ces dernières semaines, je n’ai vu personne susceptible de me dominer de la tête et des épaules », lançait Cancellara il y a quarante-huit heures, admettant que Peter Sagan (Cannondale) et le solide bloc Omega Pharma-Quick Step de Tom Boonen seraient de sérieux adversaires. Les spécialistes avaient eux aussi jeté leur dévolu sur cette triplette-là. Et ce ne sera pas un hasard si aucun des trois grandissimes favoris ne déléguera un homme dans l’échappée matinale. Au terme d’une première heure sans heurts, la première échappée se forme autour de Wesley Kreder et James Vanlandschoot (Wanty-Groupe Gobert), Davide Appollonio (Ag2r La Mondiale), Stig Broeckx (Lotto-Belisol), Daryl Impey (Orica-GreenEdge), Raymond Kreder (Garmin-Sharp), Alexander Kuchynski (Team Katusha), Andrea Palini (Lampre-Merida), Taylor Phinney (BMC Racing Team), Jelle Wallays (Topsport Vlaanderen-Baloise) et Romain Zingle (Cofidis).
Dans ce pays de cyclisme qu’est la Flandre, la répétition des efforts dans les sévères pourcentages des monts, pavés ou asphaltés, établit naturellement la sélection. Sous un ciel couvert et finalement sec, les chutes aussi cisaillent le peloton mais épargnent les principaux favoris, prompts à entrer en scène sur les rampes du Koppenberg (600 mètres à 11,6 %), judicieusement rapproché à 45 kilomètres de l’arrivée, après un premier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg. Cette fois, les Omega Pharma-Quick Step mettent en route autour de Tom Boonen, dont on connaît l’affection pour le Taaienberg (530 mètres à 6,6 %), 9 kilomètres plus loin. Mais le Belge ne s’y agitera pas, occupé à tenir les roues de Fabian Cancellara et Peter Sagan, qui y forcent l’allure. En haut du Taaienberg à 35 kilomètres du but ne restent que treize coureurs.
Fabian Cancellara accélère dans le Vieux Quaremont, les OPQS sont mis en échec.
Isolés, Fabian Cancellara et Peter Sagan doivent composer avec le bloc OPQS formé par Tom Boonen, Zdenek Stybar, Niki Terpstra et Stijn Vandenbergh. Figurent aussi dans ce groupe John Degenkolb et Dries Devenyns (Giant-Shimano), Edvald Boasson-Hagen (Team Sky), Björn Leukemans (Wanty-Groupe Gobert), Sébastien Minard (Ag2r La Mondiale), Greg Van Avermaet (BMC Racing Team) et Sep Vanmarcke (Belkin). Et bien qu’en surnombre dans le peloton de tête, les Omega vont être mis en déroute. Ils se heurtent d’abord à une phase de temporisation de leurs adversaires dont profite Greg Van Avermaet pour démarrer à 30 kilomètres d’Audenarde, flanqué de Stijn Vandenbergh. L’attentisme du groupe des favoris permet d’un autre côté le retour d’une vingtaine de coureurs avant la dernière suite Quaremont-Paterberg.
Stijn Vandenbergh installé sur son porte-bagages, jeu d’équipe oblige, Greg Van Avermaet ne se démonte pas. Et c’est avec 40 secondes d’avance sur le peloton que le duo de tête entame l’ultime escalade du Vieux Quaremont (2200 mètres à 4 %). Ce sera le tournant de cette édition. Là, à 17 kilomètres de l’arrivée, Fabian Cancellara met les mains en haut du cintre et accélère. Sep Vanmarcke, épatant de constance sur les Flandriennes cette saison (4ème du Het Nieuwsblad, 3ème à Kuurne, 5ème de l’E3, 4ème de Gand-Wevelgem), est le seul à même d’accompagner le Suisse en direction du Paterberg (360 mètres à 12,9 %), peu après lequel le tandem Cancellara-Vanmarcke va fondre sur le duo Van Avermaet-Vandenbergh. Derrière eux Peter Sagan et Tom Boonen ont coincé. En dépit de l’avantage pris après le Taaienberg, le bloc OPQS est mis en échec. Tout entier ou presque, car il reste Vandenbergh pour éviter le désastre.
Mais le coureur d’Audenarde, même planqué dans les roues dans les 30 derniers kilomètres, est le plus sec des quatre. Sa tentative de la dernière chance à 3,5 kilomètres du but restera sans succès. C’est bien un quatuor qui se présente au ralenti dans la dernière ligne droite, retardant le plus tard possible le déclenchement du sprint, le vent soufflant de la droite. Vainqueur en solitaire du Ronde en 2010 et 2013, Fabian Cancellara s’était déjà présenté pour la gagne au sprint en 2011, battu par Nick Nuyens et Sylvain Chavanel. Lorsque le sprint est lancé, presque arrêté, à 200 mètres de la ligne, le Suisse choisit le côté le moins exposé au vent latéral. Sa détermination à accrocher une fois encore un monument à son palmarès fait le reste. Il égale à Audenarde le nombre de ses Paris-Roubaix victorieux, triomphateur d’un troisième Ronde.
Classement :
1. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) les 259 km en 6h15’18 » (41,4 km/h)
2. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
3. Sep Vanmarcke (BEL, Belkin) m.t.
4. Stijn Vandenbergh (BEL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
5. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) à 8 sec.
6. Niki Terpstra (PBS, Omega Pharma-Quick Step) à 18 sec.
7. Tom Boonen (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 28 sec.
8. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 37 sec.
9. Björn Leukemans (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 28 sec.
10. Sebastian Langeveld (PBS, Garmin-Sharp) à 43 sec.