C’est l’histoire d’une classique promise aux sprinteurs, mais qui s’offre de temps à autre aux baroudeurs. Le paradoxe de Paris-Tours c’est que même si elle se résume souvent en un match entre finisseurs, dont on a souvent dit qu’il s’agissait du Championnat du Monde, ce sont les exploits des attaquants qui ont marqué son histoire ces dernières années. Personne n’a oublié les victoires en solitaire de Richard Virenque ou Erik Dekker ou celle de Frédéric Guesdon, de Philippe Gilbert ou de Jacky Durand lors de sprints en petit comité. Aux côtés de ces habitués des grands exploits de baroudeurs, le nom de Thomas Voeckler (Team Europcar) n’aurait pas détonné. Bien au contraire, il aurait été une nouvelle preuve, si besoin y était d’en ajouter une, que Paris-Tours n’est pas qu’une simple classique destinée à se finir au sprint.
Pour vaincre, mieux vaut malgré tout se cacher le plus longtemps possible. Comme Erik Dekker et Richard Virenque l’ont fait en leurs temps, Thomas Voeckler adopte pourtant une tout autre tactique pour tenter de sauver sa saison une semaine après qu’il ait manqué une opportunité de ce type chez lui au Tour de Vendée. Le coureur dont le compteur de victoire reste bloqué à zéro cette saison, contre deux pour son compteur de clavicules cassées, fausse compagnie au peloton dès les premiers tours de roue. Il s’embarque alors, sans peut-être le savoir encore, dans une fugue qui durera près de 240 kilomètres. Pour se faire, Thomas Voeckler n’est pas seul. Il peut compter sur l’appui de Cesare Benedetti (Team NetApp-Endura), Yoann Paillot (La Pomme Marseille 13), Kevin Van Melsen (Wanty-Groupe Gobert) et Jelle Wallays (Topsport Vlaanderen-Baloise). Puis Julien Duval (Roubaix Lille Métropole) et Pierre Gouault (BigMat-Auber 93) les rejoignent dans une échappée qui, dans d’autres circonstances, n’aurait pas eu la moindre de chance de réussir.
Même s’il fait un temps à ne pas mettre un cycliste dehors en ce dimanche d’automne pluvieux, les conditions météo vont être favorables au groupe de tête. Les averses rendent les routes glissantes et gênent la progression du peloton qui a pourtant tout fait pour garder les fuyards sous contrôle après avoir lâché du lest et 6’40 » en début d’épreuve. Thomas Voeckler tente tant bien que mal de s’économiser jusqu’au moment où le peloton accélérera pour montrer le plus de résistance possible lors d’un bras de fer déséquilibré. Et ça marche ! Leur avance de 2’25 » à 42 kilomètres de l’arrivée n’a été réduite que d’une minute vingt kilomètres plus loin. Les nombreuses chutes perturbent l’avancée du peloton et l’organisation des équipes des finisseurs redonnant ainsi espoir aux fuyards matinaux.
Juste après la côte de Crochu, l’Alsacien provoque une première sélection ne gardant dans sa roue que Van Melsen et Wallays. Quelques kilomètres plus loin dans la côte de Beau Soleil, seul le pensionnaire de Topsport Vlaanderen-Baloise est encore dans sa roue. En dépit de la roublardise et de l’expérience du Français, le jeune Flamand ne doit pas être pris à la légère. Contrairement à Voeckler, lui a déjà triomphé sur l’avenue de Grammont. C’était en 2010 et Jelle Wallays était alors promis à un grand avenir en remportant Paris-Tours Espoirs. Depuis lors, sa carrière a été faite de hauts (3ème du Championnat de Belgique, vainqueur d’une étape du World Ports Classic) sans jamais trouver la constance. Gageons que ce succès acquis de fort belle manière aujourd’hui lui ouvrira de nouvelles portes.
Une fois arrivé sur l’avenue de Grammont après s’être assuré que le peloton ne reviendrait pas, le Flamand ne cède pas au chantage tactique de Thomas Voeckler et reste dans son sillage. L’Alsacien n’a d’autre choix que de lancer le sprint… et de s’incliner face à un coureur plus puissant. Jelle Wallays triomphe. Il s’offre à 25 ans une ligne de prestige à son palmarès et prive le coureur d’Europcar d’une victoire cette saison. La boucle est bouclée puisque la saison 2014 se termine comme elle avait débuté. Sur la course d’ouverture du calendrier, au GP La Marseillaise, un Flamand de Topsport Vlaanderen-Baloise, Kenneth Vanbilsen, privait déjà les tricolores d’un succès sur leurs terres.
Classement :
1. Jelle Wallays (BEL, Topsport Vlaanderen-Baloise) les 237,5 km en 5h26’18 » (43,6 km/h)
2. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) m.t.
3. Jens Debusschere (BEL, Lotto-Belisol) à 12 sec.
4. Roy Jans (BEL, Wanty-Groupe Gobert) m.t.
5. Heinrich Haussler (AUS, IAM Cycling) m.t.
6. Jempy Drucker (LUX, Wanty-Groupe Gobert) m.t.
7. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) m.t.
8. Pierre-Luc Périchon (FRA, Bretagne-Séché Environnement) m.t.
9. Guillaume Levarlet (FRA, Cofidis) m.t.
10. Jos Van Emden (PBS, Belkin) m.t.