Dans un peu plus d’un an, le cyclisme commémorera le cinquantième anniversaire de la première des cinq victoires du roi Eddy sur le Tour. 1969 … en ce jour, ou plutôt en cette nuit de juillet ’69, la Belgique suivait (faut se tenir au courant, tout de même !) les premiers pas de l’homme sur la lune. Un petit pas pour l’homme, etc. On vous l’a déjà faite.
Mais au plat pays, ce qui faisait l’actualité, c’était la victoire d’un certain Eddy Merckx (nom qui claquait comme un drapeau sous le mistral) sur la grande boucle. 30 ans depuis la dernière victoire belge. Vous me direz que cela en fait 41 depuis Lucien Van Impe …O rage, ô désespoir ! Mais bon, c’est pas le sujet.
Voici un nouveau bouquin sur Eddy Merckx. Cette fois, ce n’est pas une biographie, même si forcément, l’auteur suit l’ordre chronologique. Il s’attache à analyser dans un premier temps et de façon très pertinente ce qui a fait d’Eddy ce qu’il est devenu : l’éducation que lui ont donnée ses parents, en particulier le sens du devoir et l’éthique de travail. Son rapport à l’école et aux autres, sa personnalité et ses priorités.
Ensuite, l’auteur organise son récit à partir des principaux événements qui ont marqué la carrière d’Eddy Merckx.On retiendra notamment l’épisode des Tre Cime di Lavaredo. Nous sommes le 1er juin 68, pendant le Giro. Une étape de montagne dans les Dolomites, avec arrivée au sommet des Tre Cime, à 2 333 mètres d’altitude. Maillot rose sur les épaules de Michele Dancelli. Merckx, second à 2 minutes. Gimondi, Adorni, Motta, Zilioli en embuscade. 250 bornes, il pleut au départ de cette 11ème étape, et la météo va tourner au cauchemar. La tempête de neige en montagne ce jour-là laissera des traces dans l’Histoire du cyclisme. Ce jour-là, dans le blizzard, Merckx allait combler un retard de 10 (dix !) minutes en 30 KM sur les 6 échappés. Les images de l’arrivée sont devenues un classique : Merckx, que l’on devine à travers les flocons de neige, passe la ligne avant d’être recouvert de couvertures par les soigneurs. Motta et Zilioli prenaient 4 minutes, Gimondi en prenait 6. Des écarts faits en 30 bornes. Après cela, le cyclisme ne serait jamais plus pareil.
Dans un atelier d’ébénisterie cher à mon cœur, au-dessus des établis où les ouvriers travaillaient, pas de photos de femmes dénudées. Je me souviens d’une double page d’un journal sportif collée au mur. On y voit Eddy Merckx revêtu de maillot rose, avec en légende : « A 23 ans, le plus grand de tous les temps. » C’était quelques jours après les Tre Cime. A côté, la photo du sprint de Heerlen au championnat du monde ’67, où Eddy devance Jan Janssen.
W. Fotheringham revient aussi sur les débuts de la carrière de Merckx, ses difficultés avec L’empereur d’Herenthals, Rik Van Looy. On revit les victoires dans Milan San Remo (7 !) et comment elles furent obtenues. Les Liège-Bastogne (5), les Paris-Roubaix, etc.
Un large chapitre est consacré à son exclusion du Tour d’Italie, à Savone : la chronologie des événements, avant, pendant et après … Les vices de procédures, les erreurs, les décisions prises dans l’urgence. Le désespoir de Meckx, la « reconstruction » puis la participation au tour de France, celui de 1969, justement.
Vous revivrez avec la précision d’un reportage en direct l’étape qui reliait Luchon à Mourenx-ville-nouvelle. Etape de montagne, mais dont le dernier col, l’Aubisque, se trouvait à 70 KM de l’arrivée. Merckx a une avance de 8 minutes d’avance sur son second, au départ de l’étape. A l’arrivée, il l’a simplement doublée suite à une échappée solitaire de 140 KM. Comme dit l’auteur, pas parce qu’il DEVAIT le faire, mais parce qu’il POUVAIT le faire. Jacques Goddet, le directeur du tour de France, allait titrer le lendemain dans son édito : MERCKSISSIMO ! ».
Autre temps fort : le record de l’heure à Mexico en 1972. Cette année-là fut l’une des meilleures du cannibale : 127 courses, 50 victoires ( !). En terminant par le record de l’heure le 25 octobre. Faut-il encore des commentaires ? Certainement, pour mettre en évidence les éléments de ce qu’on appellerait aujourd’hui la « non-qualité » dans la préparation ainsi que dans le déroulement de l’épreuve. Peu importe, on retiendra l’impensable exploit dans les conditions où il fut réalisé, et la souffrance de Merckx quand on l’aide à descendre de son vélo …
Sont aussi mentionnés, bien d’autres événements significatifs de la carrière d’Eddy : la chute sur le vélodrome de Blois, ou encore celle à l’arrivée d’un Parsi-Nice à St Etienne. Sa rivalité avec Luis Ocana fait également l’objet d’une étude très fouillée. W. Fotheringham nous livre là un super bouquin sur Monsieur Merckx, sa carrière évidemment, mais aussi sur l’homme qui se cachait derrière Eddy.
Grande précision historique également, et pour terminer sur une note juste amusante (cela n’enlève rien à la qualité de l’ouvrage) : en page 174, nous revivons l’un des w-e ardennais (Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège). L’auteur écrit : « A la Flèche, qui arrivait dans la banlieue de Liège, à Marcinelle, le travail d’équipe connut, cette fois, quelques ratés ». Bon, pas grave, on pardonnera bien volontiers à W. Fotheringham : Marcinelle se trouve à une centaine de KM de Liège, ce qui pour la Belgique est à l’autre bout du pays. D’autre part, j’ai quelques amis carolos (On appelle affectueusement ainsi les habitants de la région de Charleroi) prêts à déposer plainte, parce que les relations entre liégeois et carolos … lol comme disent les jeunes.
Nous avons vraiment apprécié cet ouvrage. Allez, dans le top 5 des (nombreux) bouquins sur le cannibale. A demander au père Noël.
Eddy Merckx, Le Cannibale, William Fotheringham,traduit de l’anglais par Yannick Brolles aux éditions Ed. Talent Sport. Disponble au prix de 22 euros.