Amina Lanaya est directrice générale de l’UCI et véritable bras droit de David Lappartient. La franco-marocaine de 41 ans a accordé un entretien fleuve à nos confrères du quotidien « Ouest-France » durant laquelle elle a longuement évoqué ses inquiétudes liées au dopage dans le cyclisme tant au niveau médical qu’au niveau technologique. Elle a notamment parlé de certaines pistes pour lutter contre la fraude dont certaines sont surprenantes. Celle qui est entrée dans la puissante fédération sportive en 2006 en tant que juriste et qui a gravi tous les échelons jusqu’à atteindre le poste de directrice générale en 2018 a donné une interview aussi rare qu’intéressante.
Amina Lanaya
L’UCI profondément marquée par le cas Armstrong
La directrice générale de l’UCI est tout d’abord revenu sur le cas Armstrong qui l’a beaucoup affecté et qui, selon elle, aurait pu faire que l’UCI ne se relève pas : « Oui, oui… Je travaillais au service juridique à l’époque. Je connaissais bien Hein Verbruggen, Pat McQuaid, ainsi que le directeur du service juridique, mon mentor. Tout ce qui a été écrit, les accusations de corruption, de collusion avec des dirigeants de l’UCI, m’a profondément choqué. Il n’y a jamais eu la preuve de tout cela, et je pense que ce n’était pas vrai. Je l’aurais su, je l’aurais vu, senti. Pour moi, cet homme est un manipulateur. Il a manipulé tout le monde, y compris son sport ».
Marquée par la manière dont le coureur américain a berné pendant des années l’Union Cycliste Internationale, Amina Lanaya a poursuivi : « Il a ouvert des marchés de sponsoring à des grandes marques comme Nike, permis peut-être la mondialisation du cyclisme, mais il a fait beaucoup de mal. On aurait pu mourir. Les budgets engagés dans la lutte antidopage ont pour but de rendre notre sport le plus propre possible, mais aussi de se dégager de cette image de tricherie qui a été, notamment, salie par Armstrong. On est dans l’obligation d’être plus blanc que blanc. On ne pourra jamais dire que demain, notre budget antidopage passe de 10 à 1 million d’euros. On devra toujours faire plus et ce ne sera jamais assez ».
Infiltrer le peloton et payer des indics pour dénoncer les tricheurs
La franco-marocaine a par ailleurs évoqué les limites du testing rappelant que les tricheurs ont toujours une longueur d’avance, car ils connaissent les périodes de test. Aussi, la responsable estime que cette méthode ne doit plus être la source principale de lutte contre le dopage. Elle insiste sur le fait que la lutte contre le dopage dans le cyclisme doit aussi se faire sur la base « d’information fiables glanées en amont ». Amina Lanaya déclare ainsi qu’il est nécessaire de changer de méthode, en donnant « confiance à ces gens qui pourraient parler et donner des informations » et renvoyer ces informations à l’ITA (l’Agence internationale de lutte contre le dopage qui a notamment créé une unité cyclisme en 2021).
La directrice générale poursuit son idée : « Je suis peut-être extrême dans ma façon de penser, mais je crois qu’il faut infiltrer. Infiltrer le peloton, infiltrer certaines équipes, payer des indics. Est-ce juridiquement possible ? Cela reste à voir, mais c’est la seule façon d’y arriver. C’est l’effet dissuasif. Quand on commencera à avoir des cas positifs chez des gens qui se croient intouchables, radio peloton fonctionnera alors très vite dans le sens inverse […] Il faut des effets dissuasifs, marquer le coup, que les tricheurs sentent qu’on est là, juste derrière eux, et pas seulement avec trois ou cinq tests par an ».
Le dopage mécanique aussi dans le viseur de l’UCI
Amina Lanaya a par ailleurs aussi évoqué le problème de la fraude mécanique. La responsable a confirmé avoir aussi visualisé ces vidéos de « roues qui tournent toutes seules » mais que malgré le fait que l’UCI ait enquêté sur ces images, elle avoue qu’il est « difficile d’avoir une preuve à partir d’images révélées à postériori et de sanctionner quelqu’un ».
La directrice générale a toutefois indiqué que l’agence disposait d’une « nouvelle tablette X-Ray portative ». Celle-ci serait plus performante et maniable. Ella a par ailleurs souligné l’importance de renforcer les contrôles et de « mettre un tag sur les vélos en cours de course ». La directrice a aussi précisé que l’agence espérait aussi « infiltrer les réseaux » pour trouver les tricheurs technologiques tout en concluant que l’agence se donnait les moyens pour cela.