C’est un pavé dans la mare qui a été lancé par le spécialiste du contre-la-montre, Alex Dowsett. Interrogé par nos confrères britanniques du magazine « Cyclingnews », l’ancien recordman de l’heure et spécialiste du gain aérodynamique, estime que les coureurs Filippo Ganna, champion du monde de contre-la-montre, et Remco Evenepoel utiliseraient une zone grise pour profiter d’un avantage aérodynamique peu fair-play. C’est un détail qui a échappé à de nombreux observateurs qui est à la base de ces accusations.
Ganna et Evenepoel favorisés par une zone grise du règlement
Si vous observez bien la photo montrant Filippo Ganna lors du contre-la-montre de Tirreno-Adriatico, vous trouverez peut-être un détail troublant dans l’image. Le coureur de l’équipe Ineos-Grenadiers est suivi par une voiture. Rien d’anormal ici. Cependant un détail est curieux. Sur le toit, on retrouve un grand nombre de vélos alignés. Pourquoi placer 10 vélos de rechange sur un contre-la-montre de 14 km alors que les autres voitures n’en embarquent qu’un seul ? Pour Alex Dowsett, la réponse est toute trouvée. Filippo Ganna utilise une zone grise pour bénéficier d’un avantage aérodynamique.
Taquin, Alex Dowsett a expliqué à nos confrères britanniques : « Je pense simplement qu’ils doivent avoir des pneus prototypes qui ont de grandes chances de crever, donc ils ont besoin de 10 vélos au cas où il y aurait une crevaison. C’est évidemment la raison pour laquelle il y a tant de vélos sur les galeries de toit » avant de préciser : « C’est une blague évidemment ». Plus sérieux, le spécialiste de l’aérodynamique explique : « C’est dans la [zone] grise – le gris étant la ligne entre ce qui est dans l’esprit du fair-play et ce qui est dans le règlement de l’UCI » avant d’ajouter : « Un skinsuit est un gain aérodynamique qui rend le coureur plus rapide, alors qu’il bénéficie d’une poussée par derrière…. Est-ce que c’est dans l’esprit du fair-play ? Il y a juste beaucoup de questions qui en découlent ».
Un gain aérodynamique existant, mais toutefois léger
Interrogé par nos confrères de « Cyclingnews », Richard Kelso, le professeur agrégé adjoint à l’Université d’Adélaïde doté de spécialités en mécanique des fluides, en aérodynamique et en ingénierie sportive a expliqué comment cette pratique générait un gain pour les coureurs : « La répartition de la pression autour de l’objet – dans ce cas, la voiture suiveuse – conduit à ce que l’air immédiatement devant soit légèrement poussé vers l’avant. Donc, cela signifie que plus gros sera le véhicule derrière le cycliste plus il poussera en fait l’air vers l’avant, de sorte que la vitesse du flux d’air autour du cycliste sera plus petite. C’est seulement petit, mais c’est suffisant ».
Un gain aérodynamique certes mais qui est toutefois assez minime. Le spécialiste de l’aérodynamique estime qu’avec une voiture chargée de 10 vélos roulant à une distance de 10 mètres du cycliste (la distance minimale réglementaire), le gain en réduction de traînée serait d’environ 0,23 %. Sur un contre-la-montre de 50 Km, le gain en temps serait de 3,9 secondes par rapport à une voiture ne chargeant qu’un vélo. Sur un contre-la-montre de 14 Km comme celui de Tirreno-Adriatico, le gain serait ainsi d’environ 1 secondes. Cela n’aurait rien changé au classement, mais cela soulève évidemment une question d’éthique sportive et de fair-play. Gageons qu’après ce pavé dans la mare, l’UCI statuera sur ces pratiques.