Ce n’est pas encore le printemps attendu, mais les coureurs présents lors des deux dernières éditions de Milan-San Remo ne feront pas la fine bouche. Comme c’est devenu de coutume ces dernières années, la pluie s’invite au départ de Milan pour le premier monument de la saison. Elle ne quittera le peloton qu’au cours des 50 derniers kilomètres sur les 293 kilomètres de la course, auxquels il faut ajouter huit kilomètres de fictif afin de renouer avec le tracé historique. Tous les mythes que l’on rattache à Milan-San Remo seront visités aujourd’hui, à commencer par la Via Roma, de retour sur le parcours pour la première fois depuis 2008. Comme un symbole, c’est elle qui décidera de l’issue de cette 106ème édition de la Classicissima, comme elle l’a souvent fait au cours de l’histoire de la Primavera.
D’endroits mythiques il n’y a donc pas manqué aujourd’hui. Le premier étant le tunnel du Turchino, celui-là même qu’avait franchi en tête Fausto Coppi en 1946 avant de rallier San Remo en vainqueur. Près de 70 ans plus tard, ce sont Jan Barta (Bora-Argon 18), Julien Bérard (Ag2r La Mondiale), Matteo Bono (Lampre-Merida), Tiziano Dall’Antonia (Androni Giocattoli), Adrian Kurek (CCC Sprandi Polkowice), Sebastian Molano (Colombia), Serge Pauwels (MTN-Qhubeka), Andrea Peron (Team Novo Nordisk), Stefano Pirazzi (Bardiani-CSF) et Maarten Tjallingii (Team LottoNL-Jumbo) qui passent en tête au même endroit. La comparaison s’arrête là pour les dix hommes qui posséderont jusqu’à dix minutes d’avance. Mais cet avantage n’aura de cesse de décroître à partir de cet instant, à 140 kilomètres de l’arrivée.
Leur avance s’est réduite comme peau de chagrin à l’entame de la zone des capi marquant généralement le début des hostilités. Avec moins de 2 minutes d’avance, l’échappée commence à se désunir tandis que le peloton s’agite. Il n’est pas encore question d’accélération des favoris, mais certaines équipes avancent leurs pions. En l’absence du Manie, les possibilités de dynamiter la course se sont réduites. Les trois brèves ascensions le long de la côte ligure sont exploitées par quelques audacieux. Régulièrement décrié pour sa tactique souvent défensive, le Team Sky va cette fois tout mettre en œuvre pour scinder le peloton. Dans la descente du Capo Berta, Luke Rowe, Ben Swift et Geraint Thomas filent à toute allure pour rejoindre les hommes de tête. La jonction ne tarde pas à s’opérer et ils abordent la Cipressa en tête.
BMC et Sky tentent d’anticiper le sprint, sans y parvenir. John Degenkolb en profite
Le coup d’audace se transforme en coup d’épée dans l’eau après que l’avant-garde du peloton soit revenue sur eux dès les premières rampes, mais le Team Sky ne range pas ses ambitions au placard. Lars-Petter Nordhaug revient aux avant-postes pour mener un train soutenu qui met dans le rouge les finisseurs et notamment son compatriote, Alexander Kristoff (Team Katusha). Les Britanniques trouvent de précieux alliés avec les BMC Racing Team. Alessandro De Marchi supplée Nordhaug et augmente encore le tempo pour ses deux leaders, Greg Van Avermaet et Philippe Gilbert, mais les finisseurs s’accrochent toujours. Au sommet, les deux équipes changent leur fusil d’épaule. Plutôt que d’attendre le Poggio, elles envoient à l’avant deux de leurs outsiders : Geraint Thomas côté Team Sky, Daniel Oss côté BMC Racing Team.
Malheureusement, les 16 kilomètres qui séparent la Cipressa du pied du Poggio leur sont fatals. Derrière le Britannique et l’Italien, le peloton a mis du temps à s’organiser, mais les Katusha d’Alexander Kristoff s’attachent à réduire un écart monté à 30 secondes avant le pied de la dernière difficulté. Ce sont encore eux qui imposent un rythme élevé dans l’ultime côte du parcours pour éviter tout changement de rythme. On s’attendait à une explication entre puncheurs. On restera sur notre faim dans une montée du Poggio décevante. Les quelques escarmouches qui viennent agiter le peloton restent sans incidence. Geraint Thomas bascule en tête à la cabine téléphonique, mais les écarts sont hyper resserrés. Greg Van Avermaet qui s’est dévoilé à 500 mètres du sommet fait la descente à fond, mais avec un peloton d’une vingtaine d’unités dans son dos, le Belge ne se fait plus d’illusion. C’était écrit : Milan-San Remo se jouera au sprint.
La configuration du final est la même que l’an dernier, à ceci près que le peloton abandonne le Lungomare Italo Calvino pour son retour sur la Via Roma. Comme c’était déjà le cas il y a un an, Luca Paolini emmène le peloton à la flamme rouge avec Alexander Kristoff dans sa roue. Le Norvégien est en passe de faire bégayer l’histoire quand l’Italien, sollicité depuis le bas du Poggio, doit s’écarter à 200 mètres de la ligne. Le vainqueur sortant est contraint de lancer lui-même le sprint. Mais le faux-plat montant qui précède le portique le fait coincer. Il ne lui manque que quelques mètres pour signer le doublé. Dans les 25 derniers mètres, John Degenkolb (Giant-Alpecin) parvient à trouver les ressources pour remonter le Scandinave. 2ème de Paris-Roubaix et vainqueur de Gand-Wevelgem l’an dernier, il s’offre à 26 ans, son premier monument.
Classement :
1. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) les 293 km en 6h46’16 » (43,3 km/h)
2. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
3. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) m.t.
5. Niccolo Bonifazio (ITA, Lampre-Merida) m.t.
6. Nacer Bouhanni (FRA, Cofidis) m.t.
7. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) m.t.
8. Davide Cimolai (ITA, Lampre-Merida) m.t.
9. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Soudal) m.t.
10. Edvald Boasson-Hagen (NOR, MTN-Qhubeka) m.t.