Van Aert et Van der Poel absents, un champion inédit
C’est une première depuis 8 ans. L’anneau arc-en-ciel ne sera ni ravi par Wout Van Aert, ni porté par Mathieu Van der Poel. Si le forfait du néerlandais est dû à une blessure au dos lancinante, l’absence du belge est le fait d’une priorité donnée à la route, privilégiant sa fraîcheur pour les classiques printanières. Le petit cannibale avait pourtant emporté 8 des 9 courses auxquelles il avait participé cet hiver, écrasant systématiquement la concurrence. Le champion du monde 2022 ne sera donc pas le meilleur cyclocrossman de la saison. Mais il sera le plus méritant. Enfin, la fameuse tunique reviendra à un puriste de la discipline, à l’un de ceux qui écume un par un les circuits hivernaux, nettoyant chaque soir la boue maculant son corps. Le dernier champion de cette caste est le belge Sven Nys, sacré en 2013 à Louisville, aux Etats-Unis. Ce dimanche, il aura enfin un successeur.
Van Aert et Van der Poel ne défendront pas leurs chances sur cette édition des mondiaux de cyclocross | © UCI
La Belgique contre Pidcock et Van der Haar
Encore peu internationalisé, le cyclo-cross est l’apanage d’une poignée de nations, pour ne pas dire d’UNE nation. En effet, à l’image de l’histoire récente de la discipline, les Belges ont encore dévoré la Coupe du Monde, ne laissant que des miettes à leurs adversaires. C’est bien simple, sur les 15 manches disputées cette saison, les hommes du plat pays ont remporté 12 victoires, trustant même 34 marches du podium sur les 45 possibles ! Loin d’être le simple fait du seul Wout Van Aert, cette hégémonie est due à une véritable culture de ce sport au sein de la gent masculine, les champions n’hésitant pas à délaisser la route pour se consacrer pleinement aux sous-bois, au contraire de notre chère France. Cette saison, ils sont même 5 vainqueurs belges différents en Coupe du Monde : l’infernal Wout Van Aert, évidemment, mais aussi les sérieux Quinten Hermans, Toon Aerts, Michael Vanthourentout ainsi qu’Eli Iserby, vainqueur du classement final. Naturellement, ces quatre hommes constituent des favoris notables de la course de dimanche, surtout s’ils parviennent à courir ensemble.
Toutefois, le « plat pays » ne sera pas le seul à prétendre au Graal. De remarquables individualités se dressent effectivement en obstacles sur son chemin. Notons tout particulièrement deux hommes : le britannique Tom Pidcock et le néerlandais Lars Van der Haar. C’est bien simple, excepté Mathieu Van der Poel, ils ont été les deux seuls à côtoyer les Belges sur les podiums, tout particulièrement en fin de saison. Sur l’ultime manche d’Hoogerheide (Pays-Bas), ils ont même talonné Eli Iserbyt à l’arrivée, ne cédant que pour deux et trois infimes secondes. Surtout, ils sont tous deux parvenus à ravir la victoire aux bleus-ciel, du côté de Tabor (République Tchèque) pour Lars Van der Haar, et par deux fois, à Rucphen (Pays-Bas) et Hulst (Pays-Bas) pour Tom Pidcock.
Le britannique Tom Pidcock sera le principal challenger des belges à Fayetteville | © UCI
Notons d’ailleurs que toutes ces manches citées n’ont pas eu lieu sur le territoire belge, tout comme ces mondiaux, délocalisés aux Etats-Unis. Sans la ferveur de leur public national, les flandriens semblent donc plus friables, plus fragiles et plus vincibles, pour le plus grand bonheur de leurs adversaires et du suspens. Si vous manquerez un duel Van Aert – Van der Poel ce week-end, vous assisterez en revanche à une lutte à 5 ou 6. Et c’est encore mieux !
Les Français en quête d’accessits
Les Français ne viseront probablement pas l’or à Fayetteville, ni même une place sur le podium si l’on parle des élites. Du côté tricolore, il faudra savoir savourer un top 10, une belle performance au regard de la hiérarchie. S’il ne leur est absolument pas promis, cet accessit paraît cependant à la portée des bleus, à la vue de leur potentiel et de leurs résultats cette saison. Chez les hommes, Joshua Dubau, récent lauréat du championnat de France, semble en effet avec cet objectif dans les jambes. 9e des deux dernières manches UCI qu’il a disputé, à Flamanville et Namur, le rémois est notre meilleure chance du côté des hommes. Mais il ne faut pas non plus oublier Clément Venturini, nettement plus frais que ces adversaires, à la forme croissante en cette fin de saison. Ces championnats du monde pourraient effectivement conclure idéalement la préparation du quadruple champion de France de la discipline. Si son horizon n’est composé que de route, ses yeux savent s’attarder sur l’échéance imminente, qu’il n’a plus disputée depuis 2016.
Chez les femmes, la tenace Hélène Clauzel en est également capable. Sa régularité lui a d’ailleurs permis de se classer dans le top 10 du classement final de la Coupe du Monde (9e), faisant même figure d’intrue au milieu d’une horde de néerlandaises. Ces six top 10 en manche cette saison peuvent naturellement renforcer ces espérances.
Mais pour de plus hautes ambitions, c’est vers les catégories de jeunes qu’il faudra se tourner. D’abord du côté des Espoirs féminines, avec les jeunes Line Burquier (18 ans) et Amandine Fouquenet (20 ans), respectivement 4e et 5e de la Coupe du Monde cette saison. Consacrée par un titre de championne de France élites en ce mois de janvier, la première nommée affiche une forme époustouflante, prête à affronter ses aînées sans complexes. « Si je ne me mets pas trop la pression, je n’y vais pas pour faire de la figuration, je vais tout faire pour être bien, et si je suis mal c’est que ça devait se passer comme ça » a-t-elle déclaré à nos confrères de DirectVélo.
Enfin, la pépite Louka Lesueur, récent champion de France de la discipline et suivi par la Groupama-FDJ, jouera les premiers rôles sur la course Juniors masculine. S’il n’est jamais parvenu à battre le néerlandais David Haverdings cette saison, il a en revanche affiché une belle régularité en coupe du monde, lui offrant la deuxième place du classement final. A Fayetteville, il visera fièrement une médaille.
Le jeune Louka Lesueur constitue la principale chance de médaille française sur ces mondiaux | © Louka Lesueur
Les Etats-Unis, un rare exode hors d’Europe
Ce n’est que la deuxième fois que ces championnats du Monde n’auront pas lieu au sein du Vieux Continent ! La première, c’était déjà aux Etats-Unis, à Louisville, en 2013. Pourtant, les Américains sont encore très discrets dans la discipline. Les anonymes Gage Hecht et Curtis White, respectivement 31e et 34e de la dernière édition de la Coupe du Monde, en sont les principaux ressortissants en la matière. C’est donc sans stars locales que les Américains assisteront aux débats pour l’arc-en-ciel.Le circuit cyclocross de Fayetteville | © UCI
En fait, c’est un passionné, Brook Watts, qui a placé son pays sur la carte du calendrier international de cyclo-cross, en y incluant aujourd’hui trois manches de Coupe du Monde, à Waterloo, Iowa et Fayetteville. C’est ce dernier circuit qui a donc été retenu pour l’organisation de ces seconds mondiaux de l’histoire aux Etats-Unis. Cet homme est d’ailleurs le concepteur du théâtre de notre dimanche. Inspiré de fameux circuits belges ou néerlandais, comme ceux de Namur, de Valkenburg ou de Ruddervoorde, il a transformé le parc du Centenaire de Fayetteville en terrain de jeu pour cyclocrossman. Montées raides, virages techniques, escaliers et valons, tout y est pour faire le plaisir des fadas de la discipline. Long de 3,10 kilomètres, ce circuit sera le juge de paix d’une saison bien animée.
Brook Watts est à l’origine de ces mondiaux, et de leur circuit | © UCI
Par Jean-Guillaume Langrognet