Steve, vous faites votre retour en cyclo-cross avec une structure que vous avez montée vous-même, le Cross Team by G4. Comment est-elle née ?
Ça fait quatre ou cinq ans que l’idée de faire quelque chose pour le cyclo-cross trotte dans ma tête et celle de mon épouse Lucie. J’avais fait mes gammes en Juniors et Espoirs et je voulais passer professionnel en cyclo-cross. Par défaut, comme aucune structure n’existait pour ma discipline de cœur, je suis passé pro sur la route. Après avoir connu une saison vraiment difficile, j’ai décidé de prendre les choses en main courant juin et nous avons voulu monter notre propre structure uniquement dédiée au cyclo-cross.
N’aurait-il pas été plus simple d’intégrer une structure déjà existante ?
Mon souhait c’était d’intégrer une vraie équipe spécialisée. J’ai eu des contacts avec des équipes belges, mais les réponses ont tardé à arriver. J’avais également envie de manager, je voulais voir ce que j’étais capable de faire. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir pu trouver des partenaires techniques et financiers qui nous ont vraiment aidés.
Cette casquette de manager est nouvelle pour vous. Comment se concentrer sur l’aspect sportif dans ces conditions ?
Jusqu’au 1er octobre, j’ai été très occupé par ce côté team manager. Depuis le début du mois et jusqu’aux Championnats du Monde, j’ai vraiment la casquette de coureur. Je ne suis ni le président du club, ni le secrétaire, ni le trésorier. Je suis juste à l’instigation du projet et je gère les relations avec les partenaires. Quand il faudra monter au créneau pour défendre nos idées auprès de la fédération et de l’UCI, je reprendrai alors ma casquette de passionné.
Comment les contacts ont-ils été établis ?
Je suis quelqu’un de fidèle. Lucie l’est également. Quand elle est devenue championne de France il y a quatre ans, Geoffroy Lequatre montait sa société, G4, et on n’a pas hésité à l’aider. J’ai donc commencé par démarcher ces gens-là. Je leur ai expliqué mon projet. Ils ont tout de suite adhéré à cette idée d’avoir une équipe tournée à 100 % vers le cyclo-cross. J’ai aussi eu l’opportunité de discuter avec Alain Chazal qui a aidé Vincent Lavenu à monter son équipe il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui, c’est lui qui nous aide le plus financièrement. Mais il a avant tout répondu à l’homme et n’a pas raisonné qu’en termes de budget sponsoring.
Vos partenaires sont-ils purement privés ?
Non, nous sommes également aidés par les collectivités territoriales. Nous avons une réelle identité vosgienne et lorraine. Le département des Vosges nous suit à 100 %. Le budget d’une équipe de cyclo-cross avec les déplacements, les équipements, ça chiffre très vite ! Aujourd’hui, si on veut monter en Continentale d’ici deux ou trois ans comme c’est notre objectif, il nous faut trouver un million d’euros. D’ici là, nous axerons notre communication sur l’hiver afin de montrer que le cyclo-cross a un bel avenir. Notre but est de montrer que l’on peut faire autant de belles choses en terme de publicité sur les six mois d’hiver que sur la route.
A terme, vous voulez donc vous rapprocher du modèle belge des équipes BKCP-Corendon, Telenet-Fidea, Sunweb-Napoleon Games ou Vastgoedservice-Golden Palace.
C’est exactement ça. Prenons exemple sur eux puisque ce sont eux qui ont les jeunes talents et qui ont les titres ! Il y a certaines choses qui ne sont pas terribles, mais il y a beaucoup de choses qui sont bonnes. J’ai envie de copier ce modèle et de le mettre à ma sauce. D’ici deux ou trois ans, j’ai envie d’avoir des coureurs qui sont rémunérés uniquement pour faire du cyclo-cross. D’avoir des coureurs à qui on fout la paix pendant la période estivale, de manière à ce qu’ils ne se préparent que pour l’hiver. Il y a énormément de choses à faire, surtout quand on voit le nombre de Cadets, de Juniors, de Dames qui s’intéressent à la discipline et qui sont au départ de la Coupe de France.
Pour l’heure, qui ce projet concerne-t-il ?
A la base, nous voulions créer un team, proche de ce que l’on trouve en VTT, afin de pouvoir recruter deux personnes qui auraient gardé leur licence dans leur club affilié tout en courant avec mon épouse et moi pendant l’hiver. Malheureusement, il y a un vide juridique, tant au niveau fédéral qu’au niveau international, qui empêche la création de structures spécialisées comme cela se fait en VTT. Notre objectif cet hiver, c’est de faire connaître l’équipe, de montrer notre ambition et tout simplement de montrer que l’on est capables de le faire. Cette année, il n’y aura donc que Lucie et moi. Dès l’année prochaine, nous voulons intégrer deux ou trois coureurs. Idéalement en étant présent dans chaque catégorie. D’ici deux ou trois ans, notre ambition est d’avoir une dizaine de coureurs rémunérés avec des salaires convenables.
Comment l’équipe a donc été enregistrée ?
En tant que club FFC inscrit au comité régional de Lorraine. Il y a trop de contraintes au niveau fédéral pour intégrer les Divisions Nationales. Je vais me battre pour que ma structure et toutes celles qui souhaitent se monter aient une appartenance au cyclo-cross. Car le vide juridique dont je parlais vaut aussi pour les équipes belges qui sont enregistrées comme des équipes Continentales sur la route.
N’avez-vous pas l’impression d’aller à contre-courant dans un monde du cyclo-cross français qui semble décliner ?
C’est exact. C’est dommage d’être justement à contre-courant quand beaucoup de jeunes ont envie de continuer en cyclo-cross. Beaucoup veulent passer professionnels, mais sont dans une impasse car ils savent qu’il n’y aura rien derrière. J’ai envie de dire aux Cadets et Juniors que cette structure pourrait changer le cours de leur carrière. Qu’elle pourrait leur permettre de gagner leur vie en faisant du cyclo-cross. Nous avons déjà perdu Quentin Jaurégui, passé sur la route. Qui sait si un jour nous ne perdrons pas Clément Venturini ou Fabien Doubey ?
La Coupe de France s’ouvre ce week-end à Albi, mais vous n’y serez pas. Pourquoi ?
La Coupe de France ne fait pas partie de notre programme. La première manche se déroule à 900 kilomètres de chez nous. La deuxième à Quelneuc, c’est à 800 kilomètres. En revanche, nous serons à Flamanville le 30 décembre. Nous sommes pratiquement frontaliers avec la Suisse où se déroulent des cyclo-cross internationaux avec des prize money et des contrats de départs intéressants. Le niveau est lui aussi beaucoup plus intéressant que les confrontations franco-françaises. Même si la Coupe de France est une bonne chose, je pense qu’il serait possible d’organiser un vrai circuit français comparable à ce que l’on trouve en Suisse ou en Belgique avec les organisateurs de Nommay, Dijon, Liévin, La Mézière, etc. Seulement, chacun fait son petit bout de chemin égoïstement. Si on veut des médailles internationales, ça passe par une vraie cohérence. Aujourd’hui, il n’y en a pas dans le calendrier.
En négligeant le circuit français, ne craignez-vous pas de ne pas pouvoir accomplir l’objectif que vous vous êtes fixé cette année, celui de faire connaître votre team ?
Pas du tout. Les réseaux sociaux, les sites internet sont là. Vingt-cinq courses belges sont diffusées à la télévision pendant la saison et seul le Championnat de France est diffusé sur les chaînes publiques chez nous. Quand je suis présent sur les Coupes du Monde ou sur l’EKZ Cross Tour en Suisse, tous les jeunes viennent voir comment ça se passe. L’objectif c’est de se faire connaître même au niveau international et ça passera par la République Tchèque, le Luxembourg, etc.
Et en Belgique ?
C’est encore compliqué de rentrer dans le système. Pour l’instant, rien n’est signé. Cela ne nous empêchera pas de nous rendre là-bas. C’est un gros terrain d’expression pour nos sponsors et en tant que coureurs.
Revenons-en au domaine purement sportif. Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour cette saison où vous revenez à votre discipline de cœur ?
Nous ne nous en sommes pas fixés. Évidemment, nous aurons deux courses importantes dans l’année, le Championnat de France et le Championnat du Monde. J’ai envie, et Lucie également, de me faire plaisir au maximum pendant l’hiver. En Coupe du Monde, j’ai terminé 18ème à Las Vegas et j’espère rentrer dans le Top 15 à Valkenburg. Vu que je pars en fond de grille, il faut que je remonte au classement UCI en pensant à mettre un maximum de points. Sur des épreuves qui m’intéressent vraiment comme Zolder le 26 décembre, j’envisage un Top 10. Je vais tout faire pour être le plus performant possible sur tous les cyclo-cross auxquels je vais prendre part. Je n’ai pas de grosse saison de route après janvier et je n’ai pas de grosse saison de route dans les pattes au moment d’entamer la saison de cyclo-cross.
La route est donc définitivement laissée de côté ?
Les neuf années que j’ai passées sur la route m’ont montré que la discipline répondait à une logique d’entrepreneuriat, d’entreprise. On considère le coureur comme un pion et comme un objet pub. J’en suis très déçu et je suis fier de revenir en cyclo-cross pour accompagner un maximum de gens, tout en les respectant, sans les utiliser comme ça peut se faire sur la route.
On vous sent amer par rapport à ce monde. C’est ce qui vous a poussé à rompre votre contrat avec Cofidis au mois d’août ?
Nous avons convenu d’une rupture à l’amiable. Pour rompre mon contrat, Yvon Sanquer comme moi avons su nous montrer adultes et responsables. Nous avons fait preuve d’intelligence pour que la séparation se fasse bien. Ça se passait mal depuis le mois de février. J’ai été recruté là-bas par Nacer Bouhanni. Je comptais énormément sur lui. Je pensais que c’était un ami. Aujourd’hui, chacun trace son chemin de son côté. C’est à l’image de ce qui se passe dans le monde de la route. C’est chacun pour sa peau. Les relations amicales n’existent plus. C’est aussi la raison pour laquelle nous voulons faire du Cross Team by G4 une structure familiale.
Propos recueillis le 6 octobre 2015.