Julien, vous êtes à la tête des équipes de France de cyclo-cross avec Pierre-Yves Châtelon. Quel bilan tirez-vous des Championnats d’Europe qui se sont déroulés à Losch le week-end dernier ?
C’est un bilan mitigé. On était parti avec l’objectif de ramener trois médailles. C’était potentiellement envisageable que ce soit avec les Dames, les Espoirs et les Jeunesse Dames. L’an dernier, on en avait ramené deux avec Lucie Chainel et Yan Gras. On est en deçà de ce que l’on pouvait espérer, mais ce n’est pas catastrophique pour autant. L’obtention d’une médaille reste fragile et la performance au haut niveau tient parfois à des détails. Mais on a quand même une densité de résultats dans le Top 10 ou dans le Top 20 qui est satisfaisante.
On a encore retrouvé les mêmes nations aux premières places…
Le constat reste le même que les autres années avec une domination des Belges et des Néerlandais. On est en second rideau derrière ces nations-là. Il reste du travail. Mais on rappelle que l’objectif reste le Championnat du Monde à Tabor, fin janvier début février. Les coureurs ont encore quelques semaines pour affiner leur condition physique et améliorer encore leurs qualités. Les Championnats d’Europe arrivent tôt dans la saison. C’est la même date pour tout le monde certes, mais on sent bien que les Belges et les Néerlandais sont prêts avant nous puisqu’ils ont une plus grosse densité de calendrier. Il n’y a rien d’inquiétant, on est dans le rythme quand même.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
Il ne faut pas nécessairement pointer quelque chose en particulier. Quand je parle de détails, ce sont des choses qui, à un moment donné, font que l’on a la médaille ou que l’on ne l’a pas. Chez les Juniors par exemple, il y a eu une petite erreur d’arbitrage et ils ont fait un tour de trop. Ils sont arrivés au bout de la course avec 50 minutes. Début novembre, nos coureurs ont un peu moins de cross que nos adversaires dans les jambes. Un tour, ça compte. On avait des Juniors qui n’étaient pas très loin du podium et qui pouvaient encore espérer, mais qui ont payé sur la fin de course. C’est ce genre de petites choses qui fait qu’il n’y a pas de podium, mais qu’ils n’en sont pas loin. Les détails, ce sont des choix tactiques techniques et mécaniques. Mais on ne se cache pas derrière cela et on ne se cherche pas d’excuses. Des fois, ça sourit et on a la médaille. D’autres fois, en ayant fait le même travail, on ne l’a pas, car nos adversaires nous sont supérieurs le jour J.
Avec une seule manche de Coupe du Monde auparavant, les jeunes ne manquent-ils pas de références vis-à-vis des autres crossmen et notamment des Belges et des Néerlandais ?
Ça joue forcément un peu. Les Belges et les Néerlandais sont en confrontation tous les week-ends. On le voit avec les Espoirs comme Wout Van Aert ou Mathieu Van Der Poel qui courent régulièrement avec les Elites et qui arrivent à les battre. Le niveau est donc très relevé. Nos jeunes arrivent régulièrement à se confronter entre eux, mais certainement pas au niveau international. C’est une piste à explorer, celle de faciliter l’accès à des courses de haut niveau. Le calendrier de courses en équipe de France est ce qu’il est. On aimerait pouvoir faire plus, mais on se limite pour l’instant aux Coupes du Monde et aux Grands Championnats.
Vous avez pris vos fonctions à la FFC cette année. Comment avez-vous vécu ce premier grand événement ?
Ce que je constate, notamment en qualité d’organisation, c’est qu’il n’y a pas de très grande différence avec un événement national. On pourrait presque dire que nos Coupes de France sont mieux organisées que les Championnats d’Europe. C’est malgré tout toujours assez impressionnant de rouler dans les pays de cyclo-cross comme la Belgique ou les Pays-Bas. J’étais aux Championnats du Monde à Hoogerheide en février dernier. L’engouement autour de la discipline est toujours surprenant. Sportivement parlant, je note que le niveau est hyper resserré. En quelques secondes, on peut perdre beaucoup de places et ce n’est pas évident de les reprendre ensuite. La moindre faute se paye cash. C’est l’excellence du haut niveau.
Quelle est la nature de votre collaboration avec Pierre-Yves Châtelon ?
J’ai pris la fonction d’Entraîneur National sur la route et en cyclo-cross. On travaille en duo avec Pierre-Yves. Il a une fonction de supervision et d’accompagnement des Espoirs et des Elites. En ce qui me concerne, je travaille avec les Juniors hommes et dames.
Les choses n’ont donc pas été totalement bouleversées par rapport à l’an dernier ?
Oui, peu de choses ont changé. Je viens simplement en renfort sur l’activité. La grosse difficulté que l’on a, c’est l’enchaînement entre les saisons de route et de cyclo-cross. Le 28 septembre, nous étions encore à Ponferrada pour les Championnats du Monde sur route. Le 12 octobre, nous étions à Besançon pour la première manche de Coupe de France de cyclo-cross. Cet enchaînement n’est pas évident à gérer si l’on veut être pertinents dans nos interventions. Cette nouvelle organisation nous permet de mieux nous répartir la charge de travail sur le cyclo-cross. Pierre-Yves était seul sur l’activité depuis le départ de Jean-Yves Plaisance il y a quelques années. Il avait besoin d’être épaulé. C’est un vrai fonctionnement à deux têtes. Nous sommes en contacts permanents pour conjuguer au mieux nos obligations sur la route et en cyclo-cross.
Vous venez du comité Rhône-Alpes. Vous avez dû retrouver bon nombre d’athlètes que vous connaissiez dans les sélections…
Oui, c’est le petit côté sympa, même si j’ai changé de casquette. Sur la Coupe du Monde de Valkenburg, il y avait quelques coureurs que j’avais côtoyés chez les jeunes, que j’avais déjà eus chez les Cadets ou les Juniors. En Rhône-Alpes, il y a une belle densité de coureurs capables d’intégrer l’équipe de France. Charge à moi d’enlever ma casquette Rhône-Alpes et de superviser l’intégralité du territoire national. Il y a d’autres régions possédant des talents dans cette activité.
Quel a été votre parcours avant de passer Entraîneur National à la FFC ?
Je suis originaire de Saint-Étienne. J’ai donc fait l’intégralité de ma carrière cycliste au sein de l’EC Saint-Etienne-Loire. Parallèlement, j’ai mené des études à la fac de sports de l’université de Strasbourg. J’ai gravi les échelons amateurs en même temps que le club grandissait. Je suis arrivé au plus haut niveau amateur avec en 2000 un stage chez Vincent Lavenu dans l’équipe Ag2r. Une belle expérience du haut niveau. C’est l’année où j’ai réussi le concours de prof de sports. Tout s’est enchevêtré que ce soit d’un point de vue sportif ou professionnel. Il a fallu faire un choix. J’ai refait une saison 2001 où je me suis fait plaisir. Puis je suis parti en Bretagne où j’ai occupé la fonction de Conseiller Technique Régional pendant quatre ans. Cela a été une énorme expérience, car c’est une terre de vélo avec des gens passionnés. J’ai beaucoup appris. J’ai alors eu l’opportunité de rentrer en Rhône-Alpes où j’ai occupé la même fonction pendant neuf ans.
Quelle était la nature exacte de votre rôle ?
La fonction de CTR est assez vaste. Il y a un vrai contact auprès des bénévoles, des clubs et des élus. C’est une action de supervision et de manager. En tant que CTR, on touche à toutes les disciplines : la route, la piste, le BMX, le cross-country, la descente, le trial, etc. En Rhône-Alpes, il y a beaucoup de licenciés. Le but était de créer autour de moi une équipe technique régionale pour être capable d’encadrer l’ensemble des sélections régionales et des stages. C’est un peu la même fonction qu’occupe le Directeur Technique National sur l’ensemble du territoire. C’est ce qui change vraiment. Je suis passé d’une activité généraliste où j’observais l’ensemble des disciplines à une activité où je ne suis en charge que deux dossiers : la route chez les Juniors et le cyclo-cross. Ce sont deux missions qui sont totalement différentes. L’autre chose qui change, c’est bien sûr le rayon d’action puisque j’ai désormais une vue sur l’ensemble du territoire national alors que je n’avais en charge que la région Rhône-Alpes auparavant.
Propos recueillis le 13 novembre 2014.