Comme les circuits de Liévin (2005/2010) et de Pontchâteau (2008/2009), celui du Mingant à Lanarvily aura vu triompher deux fois Francis Mourey (FDJ) dans le cadre d’un Championnat de France. A 30 ans, et après un premier succès ici-même en 2007, le Franc-Comtois a décroché dans le Finistère son sixième titre de champion de France. Bien épaulé au départ par ses coéquipiers Steve Chainel et Arnold Jeannesson, le champion s’est rapidement isolé pour creuser des écarts définitifs à compter du troisième des neuf tours de circuit. Le voici donc reparti pour un an avec le maillot bleu-blanc-rouge de champion de France sur les épaules, auquel Francis Mourey a toujours su faire honneur. Celui qui s’apparente comme l’un des meilleurs spécialistes français de la discipline, toutes générations confondues, rêve maintenant d’arc-en-ciel.
Francis, à la différence de vos cinq autres titres nationaux, celui-là a été acquis sur la base d’une vraie course d’équipe dans les premiers tours ?
Nous avions établi une tactique de course avec les coureurs de la FDJ. Il nous fallait faire un très bon départ pour essayer d’écrémer la course. Au bout d’un tour, j’ai vu que John Gadret n’était pas loin derrière, mais je possédais l’avantage d’avoir Arnold Jeannesson dans sa roue. J’ai insisté pour gagner ce duel. Ce n’est qu’au bout de trois tours que l’écart a commencé à augmenter. J’ai alors géré ma course, j’ai fait attention à ne pas tomber dans les trois descentes glissantes et piégeuses. Pour le reste, ça se jouait à la puissance et pour moi ça s’est bien passé durant les trois quarts de la course.
Les trois quarts seulement ?
En réalité, durant les trois premiers tours, j’ai eu très peur. Les jambes ne répondaient pas super bien au début. Comme sur tout championnat, il y a le stress et ce maillot à aller chercher. Il fallait que ça se mette en place mais ça a été assez difficile au début. Après, j’ai pu faire la course avec mes sensations et sans faire d’erreurs, c’est ça le principal.
Ca a été un titre plus facile à obtenir que les autres ?
Non, je pense au contraire que ça a été l’un des titres les plus durs. J’ai souffert durant les trois premiers tours et John Gadret n’était qu’à 10 secondes derrière moi. Je n’avais pas le droit à l’erreur. C’était un parcours très physique, très lourd, sans phases de récupération. La prairie était très difficile, les montées aussi, il fallait aborder les trois descentes bien concentré et le reste était en montée. Le seul point de récupération que je m’autorisais était la route de la ligne d’arrivée.
Et par rapport à 2007, où vous vous étiez déjà imposé à Lanarvily ?
A l’époque, le circuit était plus roulant, moins usant. Je savais que Lanarvily était un circuit physique. Le beau temps est revenu pour la course mais la pluie des derniers jours a rendu le circuit très lourd. C’était parfois très difficile de faire avancer son vélo.
Vous attendiez-vous à une importante rivalité ?
Je savais que des coureurs venaient aussi sur ce Championnat de France avec de gros moyens et l’intention de gagner. Quand j’ai su que John Gadret revenait au cyclo-cross avec pour objectif de le gagner, je savais qu’il allait être un très gros client. En me levant ce matin, je savais que ça allait être un championnat difficile à aller chercher.
En prenant la tête d’entrée, ça l’était encore plus ?
Sur un cyclo-cross, tout le monde part pour une heure intense. Je voulais durcir la course dès le départ pour user mes adversaires. Dans ma tête, je me dis toujours que si j’ai mal aux jambes, il en est de même pour les autres. Si j’avais été battu, ça aurait été par plus fort que moi, mais je suis arrivé ici avec la conviction d’avoir fait le travail à 100 % pour y arriver.
Tout le monde, dans l’équipe, disait que ce maillot tricolore devait rester à la FDJ. Avouez-le, vous ne vouliez tout de même pas le concéder à un autre ?
Je suis à la FDJ parce qu’elle me fait confiance et j’essaie de lui retourner cette confiance. Nous étions quatre au départ et le principal était que le maillot reste à la FDJ. Personnellement, le maillot bleu-blanc-rouge était l’un de mes objectifs. Mais il arrivera bien un jour où je le perdrai, et si ça avait dû être aujourd’hui, j’aurais préféré que ce soit au profit d’un de mes coéquipiers.
Pour qui ont été vos pensées au franchissement de la ligne d’arrivée ?
J’ai eu une pensée très particulière envers Mickäel, un copain de 34 ans que j’ai enterré jeudi. Il a combattu un cancer durant dix mois, c’était un ami avec qui je roulais beaucoup. J’ai aussi eu une pensée pour la FDJ, pour le travail qu’elle effectue pour nous. Et puis j’ai eu une pensée pour ma famille, pour les sacrifices qu’elle consent à faire depuis une dizaine d’années, surtout en ces périodes de fêtes.
Avec six titres de champion de France, vous n’êtes plus qu’à une victoire du record, y pensez-vous ?
Je n’y pensais pas ce matin parce que j’étais encore un peu loin. Maintenant, si je gagne l’année prochaine, je l’égaliserai. On y pensera l’année prochaine mais je ne fais pas du vélo pour battre ou réaliser des records. Je commence à en faire sans le vouloir. L’année prochaine, je viendrai à Quelneuc pour gagner un septième titre de champion de France sans penser au record.
Comment vous sentez-vous dans la perspective du Championnat du Monde ?
Ca se présente comme d’habitude. Le travail effectué jusqu’à présent était pensé pour le Championnat de France. Je vais maintenant entrer dans un dernier cycle de travail pour le Championnat du Monde. Nous allons réaliser une bonne semaine de stage à Pontchâteau. La condition est aussi bonne voire meilleure que les années passées. Comme tous les ans, l’objectif sera le podium aux Championnats du Monde. En cela, ça ne se présente pas trop mal.
Le podium, c’est votre objectif ?
Cela fait deux/trois ans que j’approche le podium. J’avais terminé 3ème en 2006 à Zeddam, j’ai fait 5ème en 2009 à Hoogerheide et en 2010 à Tabor. Je n’ai pas eu de contrecoup en Coupe du Monde ou en cross international, j’espère que ça ne va pas arriver dans les trois semaines à venir. Ma marge de progression est bonne, mon travail est bon, il ne faut simplement pas tomber malade ni tomber à l’entraînement. Mais je pense que cette année le podium est accessible.
Propos recueillis à Lanarvily le 9 janvier 2011.