Francis, le 1er janvier, vous quitterez la FDJ après douze ans pour rejoindre Fortuneo-Vital Concept. C’est une page qui se tourne…
C’est comme ça. On sait comment fonctionnent les contrats. J’ai eu la chance de passer douze belles années dans cette équipe. C’est une aventure qui se termine, mais une nouvelle aventure commence avec Fortuneo-Vital Concept. Je sais qu’elle va durer moins longtemps (il rit), mais j’espère faire au moins deux ou trois ans avec eux. J’ai été très bien accueilli, je me suis bien intégré. La motivation est là. Ça peut relancer ma carrière et m’amener à viser d’autres objectifs.
Quand on sait l’implication de l’équipe FDJ dans le cyclo-cross, votre départ est presque un symbole.
Depuis que l’équipe a été créée en 1997, ce sera la première année sans un coureur FDJ au départ du Championnat de France. Je ne sais pas où est leur objectif sportif. C’est vrai que c’est surprenant de voir un encadrement comme celui-là négliger la discipline au point de ne plus avoir de cyclo-crossman alors que Marc et Yvon Madiot et Martial Gayant ont fait beaucoup pour le cyclo-cross.
N’est-ce pas un signe inquiétant pour l’avenir de la discipline en France ?
Je ne dirais pas cela. D’autres équipes viendront, comme c’est le cas pour Fortuneo-Vital Concept. C’est une question de cycle. C’est à la fédération de s’inquiéter. Elle devrait se demander pourquoi des personnes mordues de cette discipline comme Marc n’investissent plus ? Pourquoi elles se retirent ?
Quelles réponses donnez-vous à ces questions ?
Cela reste une question d’argent. La discipline n’étant pas télévisée, elle n’intéresse pas les sponsors. En France, c’est malheureux, mais beaucoup ne pensent qu’au Tour de France à l’évocation du mot vélo. En trois semaines de Tour, une équipe peut remplir ses objectifs marketing. Alors qu’il y aurait tellement de belles choses à montrer à la télévision ! Mais le cyclo-cross en France n’est pas mort, il existe de très beaux circuits. Il faut simplement que la fédération se pose des questions. Il faudrait déjà se mettre autour d’une table et discuter de la manière dont on pourrait promouvoir la discipline auprès des médias. Ça ne coûte pas grand-chose. On peut filmer un cyclo-cross avec dix à quinze caméras. On a déjà vu des manches de Coupe de France diffusées localement, comme ce fut le cas à Besançon ou à Saint-Etienne-lès-Remiremont, ou sur Internet, comme ce sera le cas pour les Championnats de France où toutes les épreuves seront diffusées.
Est-ce par là que la solution peut se trouver ?
Pourquoi pas. Tout le monde ou presque a accès à Internet désormais. Regarder du sport sur son ordinateur n’est pas encore une coutume, mais pratiquement. Cela existe déjà pour le VTT où les manches de Coupe du Monde sont diffusées. Je le répète, il n’y a qu’une chose qui pourra intéresser les sponsors, c’est la retransmission. Si on se met à diffuser les manches de Coupe de France et les cross internationaux, les sponsors arriveront et l’argent arrivera.
BeIn Sports diffuse pourtant les Coupe du Monde, mais le week-end dernier à Coxyde, seuls deux Français étaient alignés au départ…
Oui, mais pourquoi les cyclo-cross de Pierric et de La Mézière n’ont pas été diffusés ? Avec dix caméras mobilisées pour le week-end, ils auraient trouvé leur public. Avec tous les sponsors potentiels en Bretagne, cela aurait pu fonctionner. Beaucoup de gens ne savent pas ce qu’est le cyclo-cross. Mais s’ils le voient à la télévision ou sur Internet, ils pourront être poussés à se rendre sur les circuits.Et la machine sera lancée.
Dans ce cas, ne faudrait-il pas que tous ces cyclo-cross soient intégrés à une Coupe de France élargie ?
Cela fait plusieurs années que l’on en parle. Aux Championnats du Monde à Hoogerheide en janvier 2014, avec quelques coureurs, nous avions demandé une table ronde avec les responsables de la fédération et le directeur technique national. Tout était mis en place. Nous avions contacté les organisateurs de cross internationaux en France, ils avaient approuvé l’idée de se regrouper pour former un grand challenge. Steve Chainel avait même eu des contacts avec TV Vosges pour essayer de mettre en place un partenariat afin que toutes ces courses soient diffusées. Mais depuis deux ans, nous attendons une réponse de la fédération. Nous n’avons jamais eu de contact avec eux. Je pense que c’est une simple question de volonté. La fédération n’a pas de politique de cyclo-cross, car ce n’est pas une discipline olympique. C’est pourquoi nous n’avons pas les moyens. C’est dommage, car nous pourrions faire de belles choses.
En s’inspirant du modèle belge ?
Les Belges ont compris le système. Si on schématise, la course passe en quelque sorte au second plan. Ce qui intéresse les spectateurs d’un cyclo-cross belge, c’est la fête, les chapiteaux, l’ambiance. Certains ne voient pas l’ombre d’un coureur. Il n’est pas rare de voir chez les VIP des personnes en mocassins ou en talons aiguilles ! En France, nous n’y arrivons pas. C’est un projet qui me tient à cœur. Après ma carrière, j’espère faire comprendre à la fédération qu’il y a quelque chose à faire. Nous avons 200 Cadets au départ d’une Coupe de France, c’est plus que dans n’importe quel autre pays.
La taille du territoire et la longueur des déplacements à prévoir peut-elle empêcher un tel projet de prendre forme ?
Je crois que c’est un faux problème. Prenez l’exemple d’un cyclo-cross en Belgique francophone, vous avez très peu de spectateurs. C’est vrai que le territoire français est grand. Mais si vous faites dix cyclo-cross internationaux, les meilleurs Français feront le déplacement, et les jeunes peuvent très bien faire les cross qui sont proches de chez eux. Qui plus est, les cyclo-cross sont soit dans l’Est, soit en Bretagne, soit dans le Nord. Nous n’allons pas souvent dans la partie sud du pays. Le problème vient peut-être pour les coureurs qui sont aux extrémités. Quoiqu’il arrive, en Élites, nous courrons quelque part tous les week-ends. Nous ne sommes plus à 200 kilomètres près.
Propos recueillis à Bruz le 25 novembre 2015.