Francis, vous avez remporté à Lignières votre dix-huitième manche du Challenge National. Le parcours vous convenait-il ?
Pas vraiment. C’était un parcours plutôt bizarre pour pouvoir faire des écarts. Il y avait énormément de virages. Il n’y avait pas beaucoup d’endroits qui permettaient réellement d’exprimer sa puissance et de faire la différence. C’étaient des enchaînements de virages, et qu’on soit avec les meilleurs mondiaux ou avec les meilleurs Français, franchir un virage c’est pareil pour tout le monde. Tout le monde les passe à la même vitesse, ce n’est pas là qu’on lâche ses adversaires. La difficulté, elle était donc là : pouvoir rouler vite pour creuser un écart dès qu’on en avait l’occasion.
Où avez-vous choisi de faire la différence ?
La seule partie assez roulante et physique, c’était finalement la partie de route. C’est là que j’ai décidé d’accélérer dans le deuxième tour. Si ça avait suivi, j’aurais tenté autre chose, mais j’ai tout de même fait l’écart. Derrière, on a vu un très grand Matthieu Boulo. Il ne lâchait rien mais je savais que, lorsque j’aurais 15 secondes d’avance, si je persistais à rouler à ce rythme, ce serait à lui de rouler plus vite encore pour boucher le trou. Mais de mon côté, avec un si faible écart, je n’avais pas le droit à l’erreur.
Vous êtes très vite rentré dans le sujet en attaquant dès le deuxième tour, qu’est-ce qui a motivé cette attaque rapide ?
Je voulais faire un très bon départ, mais la première ligne droite était gravillonneuse. On dérapait dès qu’on appuyait un peu trop fort sur les pédales. Certains ont mieux réussi à gérer cela que moi. Je suis rentré dans les pâtures en 4ème ou 5ème position, mais dans les premiers virages j’ai ressenti un peu d’excitation de la part de certains coureurs. Ça frottait trop à mon goût, c’est pourquoi au deuxième tour j’ai décidé d’accélérer fort sur la route. Je voulais franchir les virages à mon rythme. Sur un circuit comme ça, il ne fallait pas commettre d’erreur. On avait plus de risque de perdre du temps sur des erreurs qu’en allant vite dans les virages.
Les passages de sable, notamment celui dans le manège, ont semblé manqué d’adhérence. Vous avez-vous-même chassé de la roue à cet endroit…
La meilleure trajectoire était à l’intérieur mais on ne la prenait qu’après un virage à l’extérieur. Pour bien prendre cette trajectoire il fallait traverser un espèce de champ de bosses. Sur un tour, je me suis raté : la roue avant a glissé et j’ai dû poser le pied par terre. Je ne me suis raté que sur un tour sur les dix, c’est sans conséquence, mais cette partie était vraiment difficile à passer. Le sable était très dur.
Vous attendiez-vous à ce que Matthieu Boulo soit votre adversaire le plus coriace ?
Bien sûr. J’avais coché quatre/cinq noms et Matthieu en faisait partie. Je savais qu’il marchait assez bien. En Coupe du Monde, il entre dans les 20/25 premiers avec nous. C’était un coureur à suivre et sur un parcours comme celui de Lignières, il a montré qu’il avait de bonnes qualités.
Vous semblez être bien entré dans votre hiver avec deux 4èmes places en Coupe du Monde et une victoire éclatante au Challenge National, comment êtes-vous physiquement ?
Je suis bien. Je me suis bien senti sur les deux premières Coupes du Monde mais moins bien à Lignières. Peut-être est-ce le circuit qui voulait cela mais j’ai senti que j’avais de la force et moins de tonicité. J’ai fait un gros mois de septembre, j’ai bien travaillé pour être prêt en début de saison, maintenant je pense que je vais prendre un peu de repos pendant une dizaine de jours avant de reprendre un cycle de travail intensif en vue de la prochaine Coupe du Monde, le 26 novembre.
Vous aurez 31 ans en décembre, combien d’années allez-vous encore dominer le Challenge National ?
Quand je vois ce que fait encore Sven Nys à 35 ans, je me dis que j’ai encore quelques années devant moi. J’espère pouvoir maintenir ce niveau-là pendant encore quatre ou cinq ans. Tant que je me fais plaisir, c’est l’essentiel. J’ai fait une série de quatorze manches victorieuses consécutives au Challenge, on va essayer de faire mieux ! Si je réussis à refaire ça, je serai très heureux, mais je sais que derrière moi ça pousse. Les jeunes sont là et un jour ils me mettront dehors. Mais c’est motivant.
A votre palmarès, il ne manque que le titre de champion du monde. Qu’est-ce qui continue à vous y faire croire ?
J’y crois toujours. Mes deux fils rouges, sur une saison, ce sont les Championnats de France et du Monde. En passant par les Coupes du Monde et les Challenges Nationaux. Pour l’instant, je vise des podiums en Coupe du Monde : j’ai fait deux fois 4ème. J’aurais bien aimé monter sur le podium en République Tchèque. A Tabor, j’ai été retardé sur la ligne par un cameraman. C’est comme ça. J’ai surtout prouvé que j’avais le niveau, maintenant à moi de pousser le destin pour pouvoir me hisser sur le podium. J’espère que ça marchera mieux sur la prochaine partie de la saison. Tant que je suis dans les cinq meilleurs mondiaux, je me dis que la gagne n’est pas si loin que ça. J’espère que l’hiver se passera bien jusque fin janvier.
Le Championnat du Monde de Coxyde, dans les dunes, est cette année très particulier, comment allez-vous le préparer ?
Ça fait à peu près dix ans que l’on fait des Coupes du Monde sur ce circuit, même si je l’ai boycotté certaines années parce que je n’aime pas trop cela. J’ai été obligé d’y retourner quand j’ai su que le Championnat du Monde aurait lieu là-bas. Sans vraiment aimer ça, j’ai déjà réussi à faire deux manches de Coupe du Monde à Coxyde dans les cinq premiers. Je me battais toujours pour la victoire avec les meilleurs. Le sable, c’est spécial, il faut beaucoup de puissance et beaucoup de technique. C’est pourquoi nous allons faire des stages avec la FDJ pour améliorer les trajectoires. Pour être champion du monde à Coxyde, il faudra énormément de puissance et de fraîcheur.
Comment vont se passer ces stages ?
Nous allons aller à Coxyde deux jours avant la première manche de Coupe du Monde fin novembre. Pas pour travailler la puissance mais la technique du sable. Essayer de comprendre la position qu’il faut avoir sur le vélo. En décembre, nous ferons un stage à Pen-Bron, en Loire-Atlantique, avec la FDJ. Nous serons au bord de la mer. En janvier, nous ferons un dernier stage d’une semaine dans le sable.
Avez-vous toujours des choses à apprendre ?
On a toujours des choses à apprendre et à améliorer, même si j’évolue parmi les meilleurs mondiaux depuis cinq ou six ans. 90 % des saisons sont identiques en termes de préparation. Au début de chaque saison, je repars à zéro. Je regarde où se passeront mes deux principaux objectifs, les championnats, et j’adapte ma préparation en fonction des circuits. Pour Quelneuc, je vais plus travailler la puissance dans les faux-plats montants. Il faut adapter ses muscles à la répétition des efforts par rapport à ce que l’on veut faire, et puis ça permet de modifier ses entraînements d’une année sur l’autre, même si sur le fond ça reste assez similaire.
Propos recueillis à Lignières le 30 octobre 2011.