Caroline, tu es partie aux Etats-Unis en début d’année après ton second titre de championne de France de cyclo-cross, qu’est-ce qui t’y a conduit ?
Je suis actuellement en 3ème année à l’école supérieure de commerce à Montpellier. Dans le cursus classique, tu dois faire un stage en entreprise de neuf mois minimum. Etant athlète de haut niveau, je pouvais directement aller en spécialisation mais je me serais privée d’une expérience professionnelle et d’une superbe expérience personnelle. Dans un premier temps, j’avais fait le choix de ne pas faire ce stage et après de nombreuses discussions avec l’école, mes proches et mon entraîneur, j’ai décidé de mettre en stand-by ma carrière ces neuf derniers mois.
Tu as choisi de faire ton stage chez SRAM, pourquoi ?
Je voulais effectuer mon stage dans une entreprise internationale afin d’améliorer mon anglais et découvrir le fonctionnement. SRAM est une grosse compagnie et je roule sur SRAM depuis des années, donc c’était l’idéal pour moi. Je remercie l’entreprise de m’avoir accueillie et permis d’avoir une expérience comme celle-ci.
En quoi a consisté ton stage aux Etats-Unis ?
Mon stage était constitué de deux parties. J’ai passé neuf mois au Colorado à Colorado Springs, et travaillé avec l’équipe roues, et notamment le chef produit. Fin juillet, j’ai effectué mon transfert au siège social à Chicago (Illinois), et je travaille actuellement dans le département marketing-communication.
Comment s’est passée ton année aux Etats-Unis, dans un pays que tu ne connaissais pas du tout ?
Elle a été mouvementée et pleine de surprises. Je suis arrivée depuis mars dans un pays inconnu, en étant vraiment limitée au niveau communication. J’étais épuisée chaque soir. Les informations arrivent en anglais, ton cerveau a besoin de les traduire en français, et c’est le même processus pour arriver à sortir quelques mots en anglais. J’étais en collocation avec une coureuse pro, Kelli Emmett. Ça a été vraiment exceptionnel de vivre avec elle durant cinq mois.
Et puis il y a eu un coup du sort…
Fin avril, après la Sea Otter Classic, lors d’une sortie vélo, je me suis fracturée le bras et me suis retrouvée plâtrée pour deux mois ! Et au bord de l’opération. J’ai fait un aller-retour forcé en France après des complications… J’avais déjà peu le temps de rouler en travaillant 40 heures par semaine et avec les déplacements, mais là je me suis retrouvée complètement immobilisée, incapable de faire du sport. Evidemment je vous laisse imaginer les dégâts : plus 6 kilos à mon poids de forme ! Ça n’a décidément pas été une année cycliste pour moi. Une semaine après avoir enlevé mon plâtre, je reprenais le vélo sur un gros vélo d’enduro que je me suis achetée et une bonne femme a reculé avec sa voiture et roulé dessus en prenant la fuite…
D’un point de vue social et culturel, comment est la vie aux Etats-Unis ?
Différente. Les gens sont ouverts et il est plus facile de créer des liens. Tout est différent et les Américains vivent nuit et jour ! Tu as besoin d’aller au supermarché à 11h le soir ? Tout est ouvert. J’adore vraiment la culture et les Etats-Unis. Je me vois bien vivre ici dans le futur. Mon anglais est vraiment meilleur maintenant et cela va beaucoup m’apporter au niveau personnel et professionnel. En revanche la vie française est définitivement plus facile. J’ai pu tester le système médical, et nous sommes vraiment chouchoutés en France. Je pense que beaucoup ne s’en rendent pas compte. Les Américains ont peu de vacances et travaillent beaucoup. On n’a définitivement pas la même vie !
Durant ces neuf mois outre-Atlantique, en quoi a consisté ton activité sportive ?
Ma vie sportive a été absente de février à août ! Des sorties de vélo pour me faire plaisir quand je n’avais pas de plâtre et quand j’avais le temps mais pas de réel entraînement et aucune compétition. Je regrette de ne pas avoir pu plus profité du Colorado car c’est définitivement le plus bel endroit que je connaisse pour se faire plaisir à VTT. Quand j’ai déménagé à Chicago, j’ai dû reprendre une hygiène de vie plus saine. Fini les burgers et les donuts ! Chicago est une superbe ville mais pour rouler ce n’est pas très intéressant. C’est plat et je roule tous les jours sur la piste cyclable qui longe le lac. Quarante-cinq minutes dans un sens, autant dans l’autre. Mais je n’ai pas le choix, je dois parfois me lever à 5h00 du matin pour être au boulot à 8h00. Je roule soit le midi, le soir, parfois les deux car il faut quand même que je place mes huit heures de travail. Je suis sans cesse à fond, pas une minute à moi, et quand je rentre le soir c’est repas et dodo ! C’est une expérience enrichissante car c’est dans ces moments-là que tu te rends compte et apprécie les bonnes choses et le temps libre.
Abordons maintenant la culture cycliste américaine. Diffère-t-elle vraiment de la nôtre ?
Au Colorado, les gens adorent le VTT et les sports en plein air. Je ne peux pas vraiment comparer le milieu compétitif car je n’ai pas couru de l’année. Par contre, ayant recommencé à m’entraîner et courir en cyclo-cross, je peux vous affirmer qu’ici c’est en pleine croissance et les gens adorent ça ! Tu te retrouves sur une course, tout le monde t’encourage et te donne un coup de main. Je n’ai pas d’équipe et je voyage toute seule mais les organisateurs me trouvent des « host housing », des personnes, des familles qui t’hébergent et prennent soin de toi tout le week-end. Les gens ouvrent leur porte et sont vraiment amicaux. Je ne ressens pas de rivalité entre les concurrents. Ils sont très proches et se font juste la guerre sur le vélo. Tu as besoin de quelque chose, même si tu ne fais pas partie du team, tu peux venir et ne pas te sentir indésirable. Les gens hurlent tout au long du parcours pour le premier et le dernier ! Il m’est arrivé de prendre des dollars au bord du circuit. C’est commun aux USA, attraper les dollars ou même boire une bière. J’ai teste à Las Vegas, ça fait drôle une bière en ravito ! Je m’éclate tous les week-ends, et je rencontre des gens fantastiques. Tout ça va réellement me manquer.
Comment est perçu le cyclo-cross aux Etats-Unis ?
Ils aiment cette discipline, qui est considérée comme une discipline à part entière. C’est bien le problème en France. La Fédération Française de Cyclisme ne veut pas de team spécifique pour le cyclo-cross alors que c’est en pleine croissance. En France on ne sait pas trop ou placer le cyclo-cross, c’est ni du VTT ni de la route mais ce n’est pas une discipline à part. Si tu veux être pro en cyclo-cross, tu as besoin d’être dans une équipe route. Aux Etats-Unis, il y a des équipes cyclo-cross.
Quelles ont été tes premières sensations en course pour ta reprise ?
Ma première course fut Las Vegas lors du salon de l’Interbike. Un véritable choc pour moi ! J’avais travaillé toute la journée debout dans le stand et prendre le départ de cette course, c’était juste un soulagement. Car pour être honnête, quand tu es athlète de haut niveau, étudiante, et que tu passes au statut employé « sédentaire », il y a des phases difficiles, au bord de la dépression. Retrouver toutes les petites routines, mettre son dossard, préparer son sac de course, reconnaître le circuit, vérifier la pression des pneus… J’étais déboussolée et je ne savais plus ce que je devais faire ! Va te faire mal sur un vélo quand ça fait huit mois que tu n’as pas fait un exercice intensif… Ce fut un gros choc mais positif, comme si mon moteur avait redémarré. Je suis loin d’être au sommet de ma forme mais les objectifs ne sont pas pour maintenant.
Tu utilises un pédalier spécial en cross. Peux-tu nous en dire plus ?
Effectivement, j’utilise un capteur de puissance Quarq, avec en association Garmin. Je suis vraiment ravie d’utiliser ce nouveau produit. La société fait partie du groupe SRAM maintenant et ce pédalier marche vraiment bien et reste léger. C’est un bon investissement et le rapport qualité-prix est vraiment intéressant. Je le conseille fortement. Il est utilisable sur route ou cyclo-cross et ils ont aussi un modèle dispo en VTT.
Quand rentreras-tu en France et quels seront ton programme et tes objectifs cet hiver ?
Je rentre le 16 novembre. Je pense courir à Rodez mais rien n’est sûr car je risque d’être fatiguée. On verra donc. Evidemment, je ferai mon retour à l’international à Coxyde le 26 novembre. J’aurai beaucoup couru ici aux Etats-Unis et la vie que je mène n’est pas de tout repos.
L’année 2012 est une année olympique. Etre du voyage à Londres fait-il partie de tes objectifs à VTT ?
Evidemment que j’ai cet objectif en tête. Si la France a deux places, la seconde est réellement ouverte. Julie Bresset est intouchable, mais derrière rien n’est fait. Cette année de repos forcé m’aura probablement fait du bien. J’étais usée l’an passé après la mauvaise expérience vécue au sein d’un team en Suisse en 2009.
Comment envisages-tu ton retour au VTT après une telle coupure ?
Je n’ai aucun repère quant à mon niveau, mais je fais tout ce que je peux pour revenir et j’ai une bonne récupération malgré l’absence de repos entre travail, entraînement et déplacements. Je suis déterminée et je compte bien montrer à tous ceux qui pensent que je suis « finie » que je n’ai pas dit mon dernier mot, loin de là !
Quel programme et quels objectifs as-tu en tête ?
Mon programme est américain jusqu’à mon retour en France. Ensuite je n’ai pas réellement regardé. On verra à mon retour ! Evidemment Coupes du Monde et les Championnats de France et du Monde en cyclo-cross.
Tu es à la recherche d’une structure, quel genre de team recherches-tu ?
Je n’ai pas été sur le circuit VTT cette année donc pour moi ce n’est pas évident d’avoir des contacts auprès des managers VTT. Je suis réellement à la recherche d’une équipe VTT afin d’être dans les meilleures conditions possibles pour évoluer au niveau international et performer. Avoir une bonne équipe, avec un staff professionnel et une bonne ambiance est une partie de la clef de la réussite. L’an passé, j’avais quasiment tout pour performer au sein de l’équipe de Michel Hutsebaut mais je n’ai pas été à la hauteur. Il y a des années sans mais 2012 sera un nouveau départ pour moi et je compte montrer qu’on doit encore compter sur moi !
Quel regard portes-tu sur l’éclosion de Julie Bresset et la montée en puissance de Pauline Ferrand-Prévot au haut niveau de la discipline ?
Julie Bresset, juste incroyable ! Je suis fière d’elle. Je l’aime beaucoup et on s’entend super bien. Elle va probablement encore faire plus mal l’an prochain et j’espère bien ! Ça permet de secouer les Françaises ! Quant à Pauline, on verra bien…
Propos recueillis le 13 octobre 2011.