Si la pluie froide n’a pas cessé de s’abattre toute la journée sur un circuit de Zolder transformé en champ de bataille, les gouttes qui perlent sur les joues de Sanne Cant sont bien des larmes. Elles auraient pu être de joie, elles auraient dû l’être plus correctement, si le Championnat du Monde couronnait les athlètes les plus méritants sur la saison. Or en ce jour à part dans la saison, le mérite a la mémoire plus courte, ce qui vaut chaque année aux prétendants au maillot arc-en-ciel d’avancer prudemment qu’un titre mondial, c’est avant tout une course d’un jour. Avec sa réalité du moment.
Les larmes qui ruissellent sur le visage de Sanne Cant trahissent l’immense déception de la Belge, passée une fois encore à côté du titre mondial – Pauline Ferrand-Prévot l’en avait privée au sprint il y a un an à Tabor. A 26 ans, celle qui a su tirer profit de l’absence tout l’hiver de PFP comme de Marianne Vos, toutes les deux blessées, se présentait à Heusden-Zolder en qualité de favorite. Avec pour arguments de poids une seconde victoire finale en Coupe du Monde (trois manches victorieuses), un troisième sacre européen et un septième titre national. Mais ce soir le maillot irisé manque toujours à la collection de Sanne Cant, qui n’aura trouvé que le bronze dans les tranchées flamandes.
La n°1 mondiale avait pourtant encore toutes les chances d’accomplir son rêve alors qu’elle entamait le tour final au sein d’un groupe de tête qu’on avait trop vite et trop longtemps voulu réduire à quatre. Démarquées depuis la première des quatre boucles, la Belge Sanne Cant mais aussi la Néerlandaise Sophie De Boer, la Britannique Nikki Harris et la Française Caroline Mani s’étaient elles-mêmes laissé aller à penser que le titre mondial et la course aux médailles ne se résumeraient plus qu’à elles.
Aussi avait-on vu, dans les ornières gorgées d’eau boueuse, les quatre de tête tâcher l’une après l’autre de tirer la couverture à soi. Caroline Mani d’abord avait audacieusement pris la course à son compte dans le deuxième tour. Puis Nikki Harris, plus convaincante, s’était octroyée dans le tour suivant des longueurs d’avance suffisamment dangereuses pour voir Sanne Cant sortir de sa réserve et gommer l’écart. A l’approche du dernier tour, Cant, De Boer, Harris et Mani étaient à nouveau toutes les quatre réunies. Mais leur acharnement à vouloir se démarquer sans y parvenir avait profité à une cinquième fille revenue de loin : la Néerlandaise Thalita De Jong.
Sacrée championne des Pays-Bas, 4ème de la manche de Coupe du Monde de Zolder en décembre, 2ème il y a une semaine à Hoogerheide, Thalita De Jong aura su refaire en trois tours un retard qui lui semblait préjudiciable après un bien mauvais départ. Repoussée de 21 secondes après le premier tour, la Néerlandaise a su garder son sang-froid pour se rapprocher progressivement du quatuor de tête, revenir à 18 secondes à mi-course, et combler tout son retard au prix d’un troisième tour épatant. A 22 ans, celle qui vient de quitter la catégorie Espoir venait donc de revenir dans le coup à l’entame du dernier tour. Et elle n’allait rien céder aux coups de boutoir de Sanne Cant, démenée devant un public auquel elle rêvait d’offrir le premier maillot arc-en-ciel de ces Mondiaux. Le premier tout court pour la Belgique dans l’histoire du cyclo-cross féminin.
Mais il y avait cette indécrottable Thalita De Jong, et la Néerlandaise aura été concluante dans le tour final, bouclé en un temps record (elle aura amélioré ses temps au tour d’un bout à l’autre de la course, réalisant le dernier tour près d’une minute plus vite que le premier !) avec au bout un premier titre mondial. Distancée à la pédale dans la boue flamande, Sanne Cant butait encore pour la médaille d’argent dans son bras de fer avec Caroline Mani, qui s’en allait pour sa part conquérir son premier podium à ce niveau, le troisième de la journée pour le compte des Bleus.
Classement :
1. Thalita De Jong (PBS, Pays-Bas) en 41’03 »
2. Caroline Mani (FRA, France) à 14 sec.
3. Sanne Cant (BEL, Belgique) à 24 sec.
4. Sophie De Boer (BEL, Belgique) m.t.
5. Nikki Harris (GBR, Grande-Bretagne) à 32 sec.
6. Sabrina Stultiens (PBS, Pays-Bas) à 36 sec.
7. Eva Lechner (ITA, Italie) à 46 sec.
8. Kaitlin Antonneau (USA, Etats-Unis) à 1’12 »
9. Christine Majerus (LUX, Luxembourg) à 1’25 »
10. Sanne Van Paassen (PBS, Pays-Bas) à 1’44 »