De toute sa vie, Zdenek Stybar n’avait jamais reçu pareille ovation. Sur le podium des Championnats du Monde de cyclo-cross, l’acclamation qui l’a accompagné au moment où il se hissait sur la plus haute marche lui a fait saisir, tout doucement, qu’il allait enfin endosser le maillot arc-en-ciel après lequel il courait depuis déjà plusieurs années. A 24 ans, Zdenek Stybar est de la génération des Lars Boom et Niels Albert, ceux-là même dont il a été le dauphin en 2008 à Trévise et en 2009 à Hoogerheide. Après deux médailles d’argent, le Tchèque de l’équipe Telenet-Fidea rêvait de conquérir enfin l’or. Il en rêvait d’autant plus que l’édition 2010 des Championnats du Monde se disputait chez lui, sur ses terres enneigées du circuit de Tabor, en République Tchèque, dont il connaît chacun des 3100 mètres d’un tracé qu’il pourrait aborder les yeux fermés.
Il y a neuf ans déjà, la jolie cité médiévale de Tabor avait accueilli les Championnats du Monde. Zdenek Stybar n’était pas encore le double champion du monde Espoirs qu’il deviendrait en 2005 et 2006. Le circuit proposé était d’ailleurs assez différent. Repensé par l’organisation tchèque dans l’optique de ces Mondiaux, il avait toutefois été repéré pas plus tard qu’il y a trois semaines par Zdenek Stybar, qui y avait obtenu début janvier un nouveau titre de champion de République Tchèque. Le jeune homme savait donc tout des pièges à éviter et se sentait d’autant plus confiant en arrivant sur l’aire de départ ce midi qu’il sort d’une saison extrêmement fructueuse. Ces derniers mois, Stybar est devenu numéro un mondial de cyclo-cross en remportant la Coupe du Monde avec trois manches victorieuses. La suite était presque logique…
C’est pourtant une course très rude à laquelle s’attaquent les coureurs en début d’après-midi. La neige recouvre la prairie de Tabor et aux quelques endroits où le gel n’a pas pris, sur le circuit, c’est une boue collante qui s’est amoncelée pour venir encombrer les machines au fur et à mesure des passages, contraignant ainsi les concurrents à changer régulièrement de vélo. Il faut donc du temps pour parcourir ce tracé jonché de difficultés : emmarchements, planches, ponts, faux-plats, virages techniques… Et l’organisation va fixer le nombre de tours à neuf quand huit auraient suffi pour atteindre l’heure de course. Ce Mondial durera donc plus longtemps qu’à l’accoutumée, ce qui ne freine en rien les ambitions des uns et des autres. Au coup d’envoi, la course s’annonce très animée. Et Stybar n’hésite pas à lancer aussitôt les hostilités !
Francis Mourey a le podium dans les jambes, mais…
Sous les yeux de ses innombrables supporters, le champion tchèque tente de faire la différence dès le départ, mais il est victime d’un dérapage, doit déjà changer de vélo et remettre ainsi son combat à plus tard. Un groupe de sept coureurs se forme alors à la faveur des premiers tours de circuit. Les Tchèques Zdenek Stybar et Martin Bina y côtoient les Belges Sven Nys, Klaas Vantornout et Kevin Pauwels, le Suisse Christian Heule et le Français Francis Mourey. En revanche, le tenant du titre Niels Albert est repoussé en lointaine position. Hors du coup au terme de la première boucle, on ne le verra pas de la course. Voilà donc réunis aux avant-postes les hommes qui marqueront ce Championnat du Monde de cyclo-cross. Parmi eux, Francis Mourey semble avoir le podium dans les jambes, mais un passage aux stands pour changer de vélo aux environs de la mi-course va l’écarter de la tête…
C’est que devant on ne temporise pas beaucoup. Une fois encore, Zdenek Stybar tente d’accélérer un grand coup dans le troisième tour. Et une fois encore, il doit renoncer après un nouveau dérapage sur une section bourbeuse. Mais le Tchèque ne se résigne pas, et il parvient à repasser en tête dans la quatrième révolution pour cette fois porter une accélération fatale à ses adversaires. Le trou est creusé avant même la mi-course et il n’y a personne pour le combler, si bien que l’écart va augmenter progressivement. Seul aux avant-postes, porté par tout un peuple dans une incroyable cohue, Zdenek Stybar n’a plus qu’à gérer son avantage au fil des tours de circuit. Son avance se stabilise ainsi autour de la demi-minute tandis que se dessine à l’arrière un trio poursuivant bâti autour des Belges Sven Nys et Klaas Vantornout et du Tchèque Martin Bina.
La première place acquise à Zdenek Stybar sauf incident malencontreux, le podium se joue en deux temps. A deux tours de l’arrivée d’abord, Klaas Vantornout attaque ses adversaires et s’approprie la médaille d’argent. Pour le bronze, Nys et Bina vont se battre jusqu’au bout, mais c’est au sprint que Sven Nys va obtenir le métal, ceci pour la cinquième fois de sa carrière. Francis Mourey, à la poursuite de ce groupe tout au long de la course après son changement de machine, doit se contenter de la 5ème place quand il avait assurément les moyens d’approcher le podium. Pour le titre, il n’y aura en tout cas pas la moindre réclamation possible. Zdenek Stybar était tout simplement au-dessus du lot aujourd’hui. A 24 ans et après deux médailles d’argent, son tour est enfin arrivé. Et le Tchèque de recevoir son maillot arc-en-ciel dans une ovation qu’il n’oubliera jamais.
Classement :
1. Zdenek Stybar (TCH, République Tchèque) en 1h08’58 »
2. Klaas Vantornout (BEL, Belgique) à 21 sec.
3. Sven Nys (BEL, Belgique) à 38 sec.
4. Martin Bina (TCH, République Tchèque) à 40 sec.
5. Francis Mourey (FRA, France) à 56 sec.
6. Martin Zlamalik (TCH, République Tchèque) à 1’02 »
7. Christian Heule (SUI, Suisse) à 1’07 »
8. Radomir Simunek (TCH, République Tchèque) à 1’18 »
9. Gerben De Knegt (PBS, Pays-Bas) à 1’49 »
10. Bart Wellens (BEL, Belgique) à 2’13 »