Comme un symbole, le nom de Nairo Quintana est porté disparu. Oublié. Tombé dans les abîmes de l’Histoire du cyclisme. Dans un communiqué de presse publié ce mardi par l’équipe Arkea-Samsic, Emmanuel Hubert, son manager, évoquait avec fierté la saison de ses coureurs, sans l’once d’une référence à son ancienne tête d’affiche colombienne. Ainsi, lorsque le breton s’est naturellement prononcé sur le bilan de ses leaders, c’est le nom de Warren Barguil qui est sorti en premier. Puis ceux de Nacer Bouhanni et Elie Gesbert. Et enfin les patronymes de Matis Louvel, Kevin Vauquelin, Amaury Capiot et Hugo Hofstetter. Mais rien, absolument rien, à propos de Nairo Quintana, pourtant auteur de quatre victoires cet hiver, soit le tiers des succès de l’équipe française cette année.
Annoncé comme l’incarnation du changement de dimension du Team Arkea-Samsic lors de son recrutement en 2020, Nairo Quintana quitte donc la formation bretonne par un trou de souris, sans la moindre célébration ni honneurs. Et son frère, Dayer, avec. Evidemment, sa disqualification du Tour de France constitue la cause de ce divorce sans pleurs ni cris entre « Nairoman » et son équipe. Contrôlé positif au tramadol et à deux de ses principaux métabolites, interdits par l’UCI depuis 2019, le colombien s’est d’abord retiré de la Vuelta à la veille de son départ, avant qu’il ne déclare le 1er octobre la rupture de son contrat, sans aucune précision concernant son avenir. « Je vous tiendrais informé de mon futur dans les prochaines semaines et prouver ainsi le coureur intègre que je suis » avançait-il simplement dans ce même message.
Or, un mois plus tard, cette question n’est guère éclaircie, et son agent se démène en privé à lui trouver une nouvelle équipe pour la saison 2023. Mais pourra-t-il seulement y parvenir ?
Nairo Quintana enfoncé par le TAS
Si Nairo Quintana souhaitait redorer son blason en espérant obtenir gain de cause en recours auprès du Tribunal Arbitral des Sports (TAS), le verdict a plutôt eu tendance à l’assombrir encore. Entendu par les juges le 12 octobre dernier à Lausanne quant à sa ligne de défense, Nairo Quintana n’a visiblement pas réussi à convaincre les membres du délibéré, puisque celui-ci a été prononcé en sa défaveur, le jeudi 3 novembre. Estimant que la disqualification du colombien du Tour de France par l’UCI était justifiée par le taux significatif de tramadol retrouvé dans son sang par les inspecteurs de la Grande Boucle. « Nairoman » ne retrouvera donc ni sa 6e place, ni la propreté de son image qu’il était parvenu à préserver jusque-là.
📄 Communiqué officiel de l'équipe Arkéa-Samsic pic.twitter.com/5vmBWhSGqB
— ARKEA-B&B HOTELS (@arkeabbhotels) October 1, 2022
Néanmoins, hormis ces conséquences, la confirmation de la condamnation de Nairo Quintana n’a pas d’incidence sur son aptitude à courir en compétition. Le 25 septembre, cinq semaines après sa disqualification, il a d’ailleurs endossé le maillot de sa sélection nationale pour disputer les championnats du monde (66e). Son absence sur le reste du calendrier de fin de saison relève, quant à elle, du choix de son équipe, symbolisé par la rupture de son contrat. Mais s’il retrouvait une équipe, le triple vainqueur d’étapes sur le Tour pourrait très bien courir en compétition.
En effet, si la consommation de tramadol est prohibée par « règlement médical de l’UCI dans le but de préserver la santé et la sécurité des coureurs », comme l’indiquait l’institution internationale dans un communiqué à ce propos, elle ne le sera pas avant l’exercice 2024 pour l’Agence Mondiale Antidopage (AMA). Ainsi, si cette pratique peut être sanctionnée dans le cadre d’une compétition, elle ne peut encore mener à une suspension. Mais le problème n’est pas là pour Quintana.
Nairo Quintana rejeté par le World Tour
En effet, dans sa défense, le colombien n’essaie même pas de jouer sur cette corde-là. Si son aptitude à courir constitue naturellement une bonne nouvelle pour l’ancien leader du Team Arkea-Samsic, elle ne peut être mise en avant par celui-ci tant elle est noyée dans un océan de coups rudes portés à sa réputation. Car en cyclisme comme dans tout autre sport, le recrutement reste dicté par la loi du marketing, raison d’être des équipes. Or, il est difficile pour un sponsor de se réjouir de la venue d’un récent condamné dans son effectif. L’image de marque en pâtirait fortement. Et Nairo Quintana s’y confronte effrontément.
Si l’agent de la star colombienne s’affaire pour éclaircir son avenir, l’horizon ne cesse de se couvrir de nuages. Si la piste d’une autre formation française, visiblement AG2R – Citroën Team, a un temps été évoquée, l’équipe de Vincent Lavenu a fermement défendu cette rumeur dans un communiqué. « L’équipe AG2R Citroën n’a jamais été en contact avec Nairo Quintana et son agent n’a jamais eu l’intention de le recruter » peut-on notamment y lire.
De même, les pistes Astana et UAE Emirates se sont finalement avérées sans issues. Pourtant toutes deux gérées par des hommes rattrapés par le dopage (respectivement Alexandre Vinokourov et Mauro Gianetti), elles auraient refusé les avances de Nairo Quintana. Il faut dire qu’outre son image ternie, l’âge du colombien ne l’aide pas non plus à booster son attractivité. A 32 ans, le meilleur jeune du Tour de France 2013 apparaît effectivement sur la pente descente, brillant sur les courses françaises de seconde classe mais désormais limité face aux cadors de la montagne. Comme son duelliste Christopher Froome sur les Tours 2013, 2015 et 2016, il semble aujourd’hui appartenir davantage au passé qu’à l’avenir.
Le retour au pays ou l’exil en Asie, uniques issues ?
Alors, s’il souhaite retrouver la tension de la compétition, Nairo Quintana devra peut-être retourner au pays ou s’isoler sur un autre continent, comme l’Asie.
En dépit d’une popularité intacte outre-Atlantique, la première possibilité paraît sévèrement restreinte par la disparition progressive des meilleures équipes colombiennes au cours des dernières années. Lorsque l’écurie Café Colombia, dans laquelle « Nairoman » a couru dans ses jeunes années, a mis la clé sous la porte en 2015, les roses de Manzana Postobon, invités sur la Vuelta en 2017, ont fermé la boutique au milieu de la saison 2019. Désormais, plus aucune formation sud-américaine ne pose les pieds sur le continent européen, frappées de plein fouet par la crise économique.
Alors il resterait peut-être la solution asiatique. A l’instar de Francisco Macebo, meilleur jeune du Tour 2000 et rattrapé par l’affaire Puerto, ou de Davide Rebellin, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège et suspendu deux ans en 2010/2011, il existe effectivement de nombreux exemples « d’anciens » salis partis se réfugier sur le continent asiatique. L’admiration que leur vouent les fans y occulte la part sombre de leur carrière, et le niveau des coureurs locaux leur permet de renouer avec l’excitation des premiers rôles. En plus, les émoluments destinés à de telles stars, vitrines parfaites des marques partenaires, sont relativement élevées. Enfin, le système d’ascension/rétrogradation mis en place par l’UCI a incité les écuries européennes à aller glaner de précieux points en Malaisie ou en Moyen-Orient.
Dès lors, le soleil de l’orient ne pourrait-il pas éclairer l’avenir de Nairo Quintana ? S’il continue de trouver portes closes en Europe, il pourrait bien y songer s’il ne souhaite pas conclure sa carrière d’une telle manière.