Dans une rare interview depuis l’arrêt de sa carrière, Tom Dumoulin est revenu sur son abandon du cyclisme, son palmarès de champion, la passion qu’il avait perdu, son côté fragile mentalement et sa nouvelle vie.
Le 23 janvier dernier, Tom Dumoulin annonçait, à 31 ans, la fin de sa carrière cycliste. Sa retraite sportive, aussi soudaine qu’inattendue, avait surpris le monde du cyclisme et certains n’hésitaient pas à évoquer un caprice de champion. C’est auprès de nos confrères hollandais du journal « NRC » que le champion néerlandais, l’un des plus titré de son pays, a accordé une longue interview. L’ancien champion du monde de contre-la-montre et vainqueur du Tour d’Italie en 2017 s’est confié sur l’arrêt de sa carrière, ses états d’âme et sa nouvelle vie loin du peloton. Extraits de cette interview.
Une fin de carrière précipitée et un divorce annoncé
Tom confie que sa victoire dans le Giro en 2017 et les acclamations de dizaines de milliers de fans sur la place Vrijthof à Maastricht après son succès annonçait déjà, la fin précoce de sa carrière : « Je ne savais pas alors ce que je sais maintenant. J’avais épuisé ce que je cherchais dans le cyclisme. Le sport de haut niveau est très beau, mais il faut aussi être un peu fou dans sa tête pour tenir longtemps ». Satisfait de sa décision d’arrêter le vélo, il a aussi évoqué un autre sujet bien connu des professionnels : « Je ne vais plus jamais accumuler cette fatigue chronique. Tous les cyclistes savent alors de quoi je parle » avant de poursuivre : « Vous vous levez, vous commencez à vous entraîner aussi longtemps et durement que possible ce jour-là, et quand vous rentrez chez vous, vous vous êtes tellement épuisé que vous êtes tout juste capable de faire la même chose le lendemain ».
Rapidement après le début de l’interview avec nos confrères, Tom Dumoulin annonce soudainement : « Je vais divorcer ». Une décision toute récente qui a surpris le champion hollandais : « Si tu m’avais dit ça il y a cinq mois, je ne t’aurais pas cru ». Un peu amer, il confie : « J’ai toujours espéré que je ne deviendrais pas l’un de ces cyclistes qui divorcent après avoir terminé leur carrière mais c’est malheureusement le cas de toute façon ». Après treize ans de mariage, le spécialiste du contre-la-montre va donc débuter sa nouvelle vie avec une séparation qu’il semble cependant bien gérer expliquant se sentir assez bien tout en avouant : « Il y aura peut-être encore une période où les choses seront tristes et douloureuses ».
Tom Dumoulin est désormais beaucoup plus serein
Décrit par nos confrères comme étant un homme complètement différent de l’image qu’il avait laissé au cours de sa carrière et de l’annonce surprise de sa retraite sportive, Tom Dumoulin assure : « Je pars d’une page complètement blanche et où je vais, je n’en ai aucune idée. Et j’aimerais qu’il en soit ainsi pendant un certain temps. Parce que ça fait du bien ». L’ancien coureur de la Jumbo-Visma savoure désormais une liberté retrouvée : « Le cyclisme est devenu si professionnel, les enjeux sont si élevés. Par conséquent, la formation devient de plus en plus structurée. Et ça ne correspond pas vraiment à ce que je suis. Non pas que j’ai arrêté à cause de ça. Sans structure, je n’aurais pas non plus continué jusqu’à 38 ans ».
Le natif de Maastricht explique qu’il entend profiter de cet éloignement du peloton pour se ressourcer et changer : « J’ai toujours trouvé le cyclisme stressant ». Il poursuit : « Le feu a été éteint. Je n’ai plus le besoin constant de me pousser à bout. Je veux être différent dans la vie, être plus gentil avec moi-même et pour les gens qui m’entourent. Pour se connecter davantage ». Celui qui était décrit comme ayant une certaine fragilité mentale qui lui a joué des tours est désormais beaucoup plus serein loin du stress du milieu du cyclisme professionnel.
Tom Dumoulin : Retour sur ce qui a fait sa « fragilité mentale »
Tom Dumoulin est toutefois revenu sur sa « force mentale » qui lui a permit de remporter le Tour d’Italie mais aussi qui l’a desservi dans différentes occasion, faisant naître l’image d’un coureur ayant une fragilité mentale. Il confie à nos confrères : « Ce que nous faisons ici ensemble maintenant, c’est réfléchir. Et j’ai essayé de le faire le moins possible à l’époque. Je n’ai pas réfléchi à la situation dans son ensemble : qui suis-je vraiment, où est-ce que je veux aller avec ma vie, comment est-ce que je veux être pour les autres ? Je suis heureux que ces questions ne me soient pas venues à l’esprit à l’époque, car je n’aurais pas gagné le Giro ».
Son arrivée dans la Jumbo-Visma n’a pas arrangé son état d’esprit car il confie qu’après quelques mois sous ses nouvelle couleurs, qu’il pensait : « Pourquoi est-ce que je continue à faire ça ? Quelle est la récompense ?, Est-ce que c’est forcément nécessaire ? Est-ce qu’il faut encore vouloir prouver ça ? ». Il confie aussi que le Tour de France 2020 a été une torture : « C’était vraiment, vraiment horrible. Je détestais tellement le vélo et je détestais tellement être là. Pendant presque tout le tour, j’ai roulé avec une grosse bosse sous les fesses. Et pourtant, j’ai pu aider l’équipe et je suis arrivé en septième position. Septième ! Je ne comprends vraiment pas comment c’est possible ».
Peut-être pas bien adapté pour être cycliste professionnel
Interrogé sur le fait qu’un coureur cycliste professionnel doive passer d’une course à l’autre sans réfléchir, le champion hollandais confirme : « Exactement. Je ne crois pas que l’on puisse être au top de son jeu et être mentalement en forme en même temps » avant d’ajouter : « C’est parce que je n’ai jamais choisi consciemment une vie de cycliste professionnel. J’ai toujours pensé : qu’y a-t-il d’autre dans la vie ? La plupart des coéquipiers n’ont pas compris ça non plus. Une partie de ma vie de cycliste a été ressentie comme un sacrifice pour moi. Je me suis dit : je fais ça maintenant, pour pouvoir avoir une vie normale plus tard ». Il avoue finalement : « Peut-être que je n’étais pas la personne la plus adaptée pour être cycliste professionnel pendant 15 ans, non. En effet, je ne suis pas fait pour cela ».
Tom Dumoulin souhaite toutefois conserver une image positive de sa carrière : « Pour l’instant, je veux être fier de ma carrière plus que tout autre chose. Parce que j’ai aimé 90 % de celle-ci. Laissez les autres 10 pour cent se reposer pour l’instant ». Il confie être toujours un compétiteur dans l’âme : « J’aime toujours faire de l’exercice. Si je vois un long escalier pendant une randonnée, je le monte en courant jusqu’à ce que je sois à bout et que mes jambes me brûlent ». Il a finalement évoqué ses activités post retraite ; « J’ai voyagé seul pendant six semaines au Costa Rica et aux Fidji, ce qui m’a beaucoup plu. Et, à la mi-novembre, je pars pour l’Himalaya, faire du VTT avec Bram Tankink ». En conclusion de l’interview, l’ancien coureur explique : « Je suis reconnaissant et heureux de ce que le cyclisme m’a appris, mais je veux maintenant me rapprocher de la personne que je suis à nouveau ».