C’est un métier de l’ombre qui s’est inopinément retrouvé sous le feu des projecteurs samedi alors que démarrait le Tour de France. Un chauffeur de bus distrait et c’est la demi-catastrophe. Une erreur humaine qui a valu au bus de l’équipe Orica-GreenEdge de se retrouver planté dans le portique d’arrivée. « Ce chauffeur a vécu la pire journée de sa vie, affirme Sébastien Pineau. Avant comme après cet incident. Il s’est perdu en route et j’imagine assez bien qu’il a stressé toute la journée de peur de ne pas être à temps sur la ligne d’arrivée et de mettre son équipe dans l’embarras. Ce portique, on le connaît tous. On passe dessous toute l’année, mais jamais dans la dernière heure de course. Lui devait être tellement soulagé d’en finir avec sa galère qu’il ne s’est pas méfié. »
Sébastien Pineau sait de quoi il parle. Le frère aîné de Jérôme parcourt environ 100 000 kilomètres par an au volant de son Van Hool, l’un des deux bus de l’équipe Omega Pharma-Quick Step. « J’ai débuté comme soigneur il y a dix ans chez Brioches La Boulangère, raconte-t-il. Puis j’ai été amené à conduire le bus de Bouygues Telecom sans être chauffeur attitré. En 2011, j’ai appris que l’équipe Quick Step recherchait un chauffeur à temps plein. J’ai sauté sur le poste. »
S’il masse toujours son frère pour dépanner, de temps en temps, Sébastien Pineau, 37 ans, est désormais exclusivement chargé du bus de la formation belge, un mastodonte de 11 mètres de long et 3,70 mètres de haut parfaitement équipé. Le véhicule est pourvu de treize places assises. Il dispose d’un salon avec accès direct sur une mini-cuisine (avec machine à café et frigo). A l’arrière, après les deux douches, un deuxième salon se transforme en espace massage le matin grâce à une banquette rétractable. Responsable de tous ces espaces (entretien, vérification des radios), Jérôme Pineau endosse surtout un rôle premier – bien que parfois déconsidéré – puisque appliqué à définir les grandes lignes du programme du lendemain.
Le nez dans les cartes, il donne aux directeurs sportifs le temps de route entre l’hôtel et le bus, lesquels définissent l’heure de départ. « Sur le Tour je tâche d’emmener l’équipe sur le parking coureurs 1h15 avant le départ, explique Sébastien Pineau. Là, je tire le rideau et je descends pour laisser les directeurs sportifs faire le briefing avec les coureurs. J’ai aussi en charge cette année d’accompagner Mark Cavendish au départ, de lui ouvrir le chemin, car Mark est quelqu’un de sensible qui aime sentir une présence autour de lui. »
Une fois la course partie, le chauffeur a pour mission de rallier l’arrivée, où il attendra ses gars en mettant les douches en place et en préparant les boissons de récupération, les collations, et les home-trainers pour la récupération active. C’est sur l’itinéraire séparant le départ de l’arrivée que les choses peuvent se compliquer. « On réalise un métier particulièrement stressant puisque de nous dépend la bonne organisation de l’équipe. Mais quand on voit certains transferts qu’on nous impose, jusqu’à 340 kilomètres entre un départ et une arrivée, on arrive parfois au dernier moment sur la ligne. Ça ne se voit pas mais ce sont souvent de petits exploits que l’on accomplit. »
« Dès que j’arrive sur le parking, j’envoie un message aux DS pour leur dire où je suis placé, poursuit Sébastien Pineau. Le temps est compté sur le Tour, alors il faut le réduire au maximum. » Quand les coureurs arrivent, Seb se met à leur disposition. A bord du bus, une fois tout le monde douché, c’est le retour vers l’hôtel. Il se retrouve alors seul avec les coureurs, le directeur sportif et le médecin. « Je vis alors des moments forts et privilégiés, admet-il. Quand on est chauffeur du bus, on a la température du groupe chaque jour. On est aux premières loges quand il y a la victoire. On est là aussi quand il y a la déception. Je voulais garder le contact avec les coureurs. C’est cela que je recherchais par ce métier. »