C’est une moto que les coureurs du Tour de France ont rapidement apprivoisée. Blanche, comme les ailes d’un ange. Une moto dont la simple évocation du nom suffit à soulager la conscience des coureurs en souffrance par ces temps de canicule : la moto fraîcheur. Depuis 2010, Christophe Sekula est au guidon de l’un des deux engins qui officient exclusivement à l’avant de la course, dans le but de ravitailler en eau les coureurs à l’attaque dont le véhicule ne serait pas en mesure de monter à leur hauteur. « Nous n’intervenons qu’à l’échappée, insiste le porteur d’eau motorisé. Quand l’écart est trop petit entre l’échappée et le peloton pour permettre aux directeurs sportifs de se placer derrière le groupe, les coureurs peuvent se servir en bidons s’ils en ont besoin. »
Chaque jour, les deux motos Vittel s’élancent devant la course pour faire le plein d’eau au camion réfrigéré qui les attend au point où le ravitaillement devient autorisé : kilomètre 50 en règle normale, kilomètre 30 par temps caniculaire. Quand Radio-Tour annoncera l’ouverture des ravitaillements, elles interviendront alors jusqu’à 20 kilomètres de l’arrivée (10 par forte chaleur). « Je charge douze bidons sur la valise, à l’arrière de la moto, mais je prends toujours une glacière dans laquelle je peux en rajouter une quinzaine, développe Christophe Sekula. Mais au bout d’une vingtaine de minutes, quand l’eau se réchauffe, il me faut renouveler mon stock en bidons frais. Pour cela je remonte jusqu’à notre voiture, située en tête de convoi. Puis je redescends à l’échappée avec de l’eau fraîche. »
Là, le coureur pourra se ravitailler en eau, les bidons, d’une contenance de 50 centilitres, étant remplis de Vittel, le fournisseur en eau de la Grande Boucle. « Si un coureur lève la main pour être ravitaillé et que son directeur sportif n’est pas là, je monte à sa hauteur. Et lorsque l’échappée est plus conséquente, je la remonte puis me laisse redescendre. Chacun peut alors se servir à sa guise. On doit être là pour les alimenter s’ils en ont besoin. »
C’est en montagne, quand l’accès pour une voiture devient plus difficile sur des routes étroites bordées de spectateurs, que la moto fraîcheur est la plus sollicitée. Se faufilant plus aisément sur sa Kawa, le Nordiste peut alors endosser d’autres responsabilités, se faisant le relais des directeurs sportifs pour porter aux coureurs un bidon récupéré auprès de son véhicule, voire même un ravitaillement solide ou un coupe-vent. « Il nous arrive en effet d’assister les directeurs sportifs sur des routes étroites, comme dans les Pyrénées, confie le pilote. Ça rend service à tout le monde et ça nous fait bosser. Nous récupérons également les déchets auprès des coureurs. Ils ne le font pas trop encore mais les mentalités commencent néanmoins à évoluer. »
Des missions complémentaires qui permettent aux deux motos fraîcheurs d’offrir d’autres services les jours où elles sont moins sollicitées – il leur arrive de ne jamais intervenir de la journée quand d’autres jours elles fournissent une quinzaine de bidons. Leur présence salutaire auprès des attaquants a permis aux ravitailleurs en eau de nouer des rapports privilégiés avec les coureurs.
De là à influer sur le résultat de la course, peut-être pas, mais Christophe Sekula aime souligner cette anecdote : « il y avait cinq échappés l’an passé entre Limoux et Foix. Avant le sommet du Mur de Péguère, sur une route étroite, Peter Sagan a demandé de l’eau. Mais alors que je m’apprêtais à le ravitailler, j’ai été bloqué par le régulateur. Sagan a dû attendre la fin de la descente pour avoir de l’eau. Et c’est précisément à ce moment que Luis-Leon Sanchez a porté son démarrage victorieux. Peut-être que si j’avais pu monter à la hauteur de Sagan plus tôt le final aurait été différent. Maintenant, avec des si… »