Il est celui entre les mains duquel sont systématiquement passés tous les maillots distinctifs du Tour de France depuis dix ans. Ce privilège, Fabrice Pierrot le doit à la fonction qu’il occupe. Il est floqueur des maillots de leaders, un métier qu’il exerce au sein de la société OF-X, spécialisée dans le marquage textile, sur de nombreuses courses du calendrier, à commencer par celles d’ASO. Tout au long du Tour de France, c’est donc lui qui habille les quatre leaders des classements récompensés par un maillot : le jaune du général, le vert des points, le blanc à pois rouges de la montagne et le blanc des jeunes.
Dès l’arrivée de l’étape, Fabrice Pierrot est chargé d’habiller rapidement les coureurs qui rejoignent le podium. Prioritairement pour le protocole, où ils enfileront chacun une tunique réalisée à cette fin exclusive. Pour une question de timing très serré, chaque équipe possède son maillot pré-imprimé derrière le podium. Il s’agit d’un maillot manches longues qui se ferme dans le dos à l’usage de la cérémonie protocolaire. « J’évalue la taille du coureur qui recevra le maillot jaune mais ceux qui le reçoivent sortent rarement de nulle part, précise le Vosgien. Bien souvent on les a rencontrés au préalable sur d’autres courses. On sait s’il faut leur donner du M, du L ou du XL. » Encore que certains auraient bien besoin d’une taille intermédiaire. C’est le cas de Chris Froome (Team Sky), dont le maillot protocolaire est trop étriqué en M mais trop flottant en L. « A Froome il faudrait du M et demi », estime Fabrice Pierrot.
Sa première mission accomplie, c’est à l’écart du podium, dans un camion dédié au flocage des maillots, que le floqueur intervient. Cette fois, c’est le véritable maillot jaune qu’il va marquer du sceau de son possesseur. Ayant pris contact avec l’entourage du leader du classement général pour connaître sa taille (quatre choix disponibles : S, M, L et XL), Fabrice applique les transferts préparés en amont du Tour, selon les logos fournis par chacune des équipes, et qui viendront s’appliquer sur le rectangle blanc – l’équivalent d’une feuille A4 – laissé libre pour l’empreinte du nom du groupe sportif. Il faut environ une minute pour imprimer chaque face, devant et derrière pour chacun des maillots distinctifs, conçus en polyester. La fibre est teinte selon des angles identiques à la teinture utilisée au cours de la fabrication de la tunique. Le transfert est définitif : « tant que le maillot vit, le marquage vit. »
Chaque jour, le Maillot Jaune (et les autres porteurs de maillots distinctifs) reçoivent un maillot manche courte, un maillot manche longue et un gilet sans manche aux couleurs de leur groupe sportif. Ils perçoivent en outre un imperméable pour la durée de leur bail. Tous ces maillots seront remis le lendemain au départ par les services sportifs d’ASO voire par Fabrice Pierrot lui-même, qui affirme : « quand les coureurs me voient, c’est bon signe pour eux. » Le floqueur reste présent au départ au cas où un changement de taille serait demandé ou, plus rarement, qu’il faille réaliser un maillot à la hâte si son porteur ne prenait pas le départ.
Artiste s’il en est, Fabrice Pierrot s’est permis quelques libertés de temps à autres. Il y a deux ans, le champion du monde Thor Hushovd, en jaune, avait bénéficié des liserés arc-en-ciel sur son maillot jaune. Possesseur du maillot à pois dimanche dernier pour grimper le Mont Ventoux, le 14 juillet, Pierre Rolland arborait quant à lui un petit liseré bleu-blanc-rouge.