Voilà dix jours, soit depuis sa prise de pouvoir aux lacs de Covadonga, qu’on lui rabâche la même chose. « Craignez-vous le contre-la-montre individuel de Calp, à l’avant-veille de l’arrivée à Madrid ? » « Avec quelle avance, sur Chris Froome notamment, devez-vous l’aborder afin de conserver votre tunique leader ? » Face caméras, Nairo Quintana, car c’est bien de lui dont on parle, s’est toujours montré évasif sur le sujet. Mais son attitude offensive, ici et là, afin de porter son avance à 3’37’’ sur le Britannique de la Sky avant LE grand rendez-vous de vendredi, n’a trompé personne. Le Colombien de la Movistar a préféré anticiper le mouvement avant ce chrono tant attendu bien sûr, mais également avant la visite de la Vuelta au sommet de l’alto de Aitana (21 km à 5,9 %), samedi, considéré pour beaucoup comme le juge de paix de cette 71e édition.
Dans ce contexte, l’étape du jour, entre Requena et Gandia, est passée au second plan. Forcément. Elle aura ainsi permis à tous, ou presque, de « refaire du jus ». Presque tous, car cinq hommes ont bien tenté de bousculer l’ordre préétabli – Fumiyuki Beppu (Trek-Segafredo), Quentin Jauregui (AG2R-La Mondiale), Louis Vervaeke (Lotto-Soudal), Pierre Rolland (Cannondale-Drapac) et Mattia Cattaneo (Lampre-Merida) -, gaspillant ainsi quelques cartouches, avec pour seul espoir de profiter du laxisme d’un peloton déjà usé par dix-sept jours de course. Ils ont bien compté 6’52″ d’avance peu après le sommet du Puerto de Casa des Alto, la seule difficulté du jour au menu, à 130 bornes de Gandia (13,3 km à 3,8 %). Seulement, nul n’était décidé à les laisser filer…
Ainsi, sous l’impulsion des formations Etixx-Quick Step, BMC, Dimension Data et Giant-Alpecin, le peloton a refait son retard. Petit à petit. Sans s’affoler. Devant, Quentin Jauregui et Louis Vervaeke, conscients d’être face à une « mission impossible », ont bien tenté d’en remettre une couche tout près du but. En vain. Logique. Rarement à la fête sur ce Tour d’Espagne, à l’exception de Gianni Meersman (Etixx-Quick Step), déjà lauréat de deux étapes, ou de Jempy Drucker (BMC), victorieux en début de semaine, les sprinteurs ne voulaient pas laisser passer leur chance, d’où ce retour anticipé, à 11,5 kilomètres de l’arrivée.
Cette fois, c’était sûr, ils allaient se jouer la victoire, n’en déplaise à Jan Bakelants (AG2R-La Mondiale), parti seul dans les rues de Gandia. Une aubaine pour Lorenzo Mazin (FDJ), un des spécialistes de l’emballage final ? Pourquoi pas ! Oui mais voilà, dans la dernière ligne droite, le Français a décidé de prendre le train de la formation Etixx-Quick Step en marche. « Un mauvais choix », confiera-t-il après coup, au micro d’Eurosport, seulement dixième de l’étape. Le bon « choix », c’est le Danois Magnus Cort Nielsen (Orica-BikeExchange) qui l’a fait. Comme un vieux roublard. Du haut de ses 23 ans. Sa tactique ? Emboîter le pas de l’équipe Giant-Alpecin, à bloc afin d’emmener Niklas Arndt. Alors lancé à vitesse grand-V, jamais il ne craquera. Chapeau bas.
Déjà vainqueur d’étape sur le Tour du Danemark en 2016, Magnus Cort Nielsen n’a fait qu’ajouter sa petite touche à l’édifice majestueux construit par la formation Orica-BikeExchange lors de ce Tour d’Espagne. « Initialement, on visait le classement général », s’excuserait presque l’intéressé. Sauf qu’en plus du général – Esteban Chaves et Simon Yates figurent dans le top 5 -, l’armada australienne a déjà levé les bras à trois reprises ces trois dernières semaines grâce à Simon Yates, Jens Keukeleire et désormais Magnus Cort Nielsen. Du grand art.
Classement de la 18e étape
1. Magnus Cort Nielsen (Orica – BikeExchange) en 4h54’31
2. Nikias Arndt (Giant – Alpecin) mt
3. Jempy Drucker (BMC) mt
4. Daniele Bennati (Tinkoff) mt
5. Jonas Van Genechten (IAM Cycling) mt
6. Kiel Reinen (Trek-Segafredo) mt
7. Michael Schwarzmann (Bora-Argon 18) mt
8. Gianni Meersman (Etixx-Quick Step) mt
9. Kristan Sbaragli (Dimenson Data) mt
10. Lorenzo Manzin (FDJ) mt
Le classement général
1. Nairo Quintana (COL, Movistar Team)
2. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 3’37 »
3. Esteban Chaves (COL, Orica-BikeExchange) à 3’57’’
4. Alberto Contador (ESP, Tinkoff) à 4’02’’
5. Simon Yates (GBR, Orica-BikeExchange) à 6’03 »
6. Andrew Talansky (USA, Cannondale-Drapac) à 7’34 »
7. Samuel Sanchez (ESP, BMC Racing Team) à 8’12
8. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Drapac) à 8’13 »
9. Michele Scarponi (ITA, Astana) à 8’28 »
10. David De La Cruz (ESP, Etixx-Quick Step) à 8’52 »