Trek, le constructeur de vélo qui équipe l’équipe cycliste professionnelle Trek-Segafredo, a interrogé Paraic McGlynn, l’expert en ajustement de vélo de l’entreprise américaine « Cyclologic », qui travaille fréquemment avec des athlètes d’endurance de haut niveau. Dans une interview, celui qui préfère le terme « analyse du cycle », nous explique comment les réglages sont effectués pour chaque coureur et l’ensemble des éléments pris en compte. Un processus très rigoureux et souvent méconnu qui mêle de nombreuses études scientifiques, mais aussi de la biomécanique. Son expertise en aérodynamique et en biomécanique a joué un rôle dans le développement du nouveau Speed Concept. Explications…
© Cyclologic
Un processus rigoureux qui fait appel à des technologies scientifiques
Paraic McGlynn est l’homme qui réalise les ajustements de vélos de l’équipe américaine de cyclisme, Trek-Segafredo depuis huit ans désormais. Le spécialiste de l’analyse du cycle explique, dans un article paru dans le blog du site web du fabricant de vélo « Trek », toute la science derrière ces ajustements subtils. « Nous avons dans notre équipe une personne qui termine un doctorat en biomécanique et nous avons un docteur en physiothérapie qui a vérifié tout ce que nous faisons » explique-t-il avant de poursuivre : « Nous sommes fondés sur toutes les données scientifiques existantes. Nous sommes fondés sur les meilleures pratiques du point de vue de l’évaluation physique. Tout ce que nous faisons n’est pas basé sur notre opinion sur les choses, il est basé sur des faits vérifiables sur la façon dont nous abordons l’optimisation des athlètes ».
L’expert explique que lorsqu’un coureur se présente, la première chose sur laquelle il se concentre est de passer en revue ses antécédents médicaux. Il travaille pour cela avec un kinésithérapeute de grande expérience, car la base fondamentale de son travail est de comprendre d’abord le corps en évaluant la flexibilité de tous les groupes musculaires clés. Pas uniquement ceux qui créent la force, mais aussi ceux qui stabilisent. Une étude de la structure osseuse est aussi réalisée. Cette évaluation de la combinaison souplesse et force permet de rechercher des asymétries structurelles majeures. Une fois ce travail réalisé, l’étape suivante consiste à réaliser une cartographie de la pression, via des vidéos, afin de déterminer comment le corps de l’athlète interagit avec le vélo.
Un raisonnement critique pour un réglage optimal du vélo
L’expert en ajustement de vélo explique qu’une fois cette étude préliminaire réalisée, il passe à l’étape de raisonnement critique : « Nous avons les antécédents dans les évaluations physiques, nous avons les évaluations des pieds, nous avons l’analyse vidéo, l’analyse du mouvement et la cartographie de la pression dans la selle et/ou dans les chaussures. Ensuite, sur la base de ces éléments, nous utilisons un processus appelé raisonnement critique, et dans ce raisonnement critique, nous identifions une hiérarchie de ce que je veux travailler ».
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Le spécialiste explique alors l’ultime étape du processus : « Ensuite, s’il s’agit d’un athlète sur lequel nous nous concentrons pour les contre-la-montre, nous l’amenons au vélodrome. Nous effectuons des tests d’aérodynamisme sur le vélodrome, où nous recherchons une position durable et une bonne mécanique respiratoire, grâce à un processus propriétaire spécial permettant de suivre la façon dont il respire lorsque nous changeons de position. Ensuite, nous les emmenons sur la route et nous nous assurons que la position est réalisable dans le monde réel. Puis, chaque jour, lorsqu’ils iront rouler au camp et qu’ils reviendront, j’attendrai de recevoir des commentaires sur la position, le changement de selle et la nouvelle position aérodynamique ».
Deux types de positions selon les besoins
Paraic McGlynn explique, par ailleurs, qu’il existe une différence fondamentale entre un coureur professionnel et un amateur : « Parce que ces athlètes sont si finement réglés, nous apportons parfois de petits changements sur cette base. Lorsque vous effectuez un changement sur un athlète de ce niveau, parce qu’il a des millions et des millions de répétitions dans une position, ce n’est pas comme travailler sur un athlète de loisir où vous pouvez faire des changements relativement importants parce qu’il n’y a pas autant d’adaptation en jeu. Avec les athlètes du WorldTour, vous devez être très mesuré et très spécifique sur ce que vous faites et sur l’ampleur des changements. Parfois, il s’agit d’un processus progressif. Vous ferez de petits changements au cours d’un camp ou d’une saison ».
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L’expert explique par ailleurs qu’il existe deux types de positions pour les coureurs. L’une est à visée performance pure alors que la seconde est davantage liée à un travail de récupération après une blessure par exemple : « Il existe deux types de positions. Il y a la position optimale, dans laquelle l’athlète n’a aucune limite et nous poussons la position à ses limites, pour ainsi dire. Ou bien les athlètes ont ce que nous appelons une « position accommodée », et une position accommodée doit évoluer avec l’athlète au fur et à mesure qu’il perd de sa forme ou qu’il reprend des forces ».
Un travail de réglages optimal avant-gardiste
Paraic McGlynn indique aussi qu’il rencontre entre 2 et 4 fois chaque coureur dans l’année pour effectuer des optimisations. Le professionnel de l’ajustement de cycle explique qu’il est plus facile de travailler avec des coureurs sur des années, car il dispose de beaucoup de données sur eux qu’avec de nouveaux coureurs, surtout s’ils sont habitués à des équipements différents. Le spécialiste assure enfin que de nombreux coureurs professionnels n’ont pas d’ajustements aussi fins de leur vélo que celui qu’il propose et que bien souvent, les ajustements réalisés sont faits de manière subjective.
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« Le défi que pose parfois la formation des monteurs est que les gens ont tendance à avoir des préjugés dans toutes les situations où ils se trouvent. Et beaucoup de monteurs ont des spécialités, comme la dynamique des pédales, les semelles, ou tout ce qui les passionne le plus. Je pense que la qualité la plus importante pour un monteur est d’être très bon dans tous les domaines. Il faut être très bon dans les évaluations physiques, il faut être très bon dans l’observation du corps. Et ce qui est peut-être le plus sous-estimé dans le travail avec les athlètes professionnels, c’est qu’il faut être un excellent communiquant et savoir lire le langage non verbal des athlètes ».