Voilà donc Chris Froome (Team Sky) intronisé triple vainqueur du Tour de France. Et rien, ni personne, n’aura pu lui contester sa troisième couronne. Rien d’abord. Ni le brutal coup de frein de la file des véhicules ouvreurs en direction du Chalet Reynard, quand il s’était empilé avec les rares coureurs parvenus à répondre à son démarrage. Ce qui a donné lieu à l’image la plus saugrenue des Tours contemporains, quand le Maillot Jaune en personne s’était retrouvé sans monture, courant affolé sur plusieurs dizaines de mètres à travers la foule des grands jours. Rien ne se sera mis en travers de la route du Britannique. Pas même une glissade dans la descente de la côte de Domancy – là-même où il avait bâti une partie de son avantage vingt-quatre heures plus tôt dans le contre-la-montre –, ce qui l’avait contraint à se hisser au Bettex le maillot jaune écorché et le genou droit sanguinolant. Sur le vélo d’un autre.
Rien, donc, ni personne. Surtout personne. Trois semaines plus tôt à l’ombre du Mont-Saint-Michel, la liste des adversaires de Chris Froome s’étalait sur quelques lignes, ce qui ne laissait pas présager qu’on déroulerait si vite le tapis rouge au multiple vainqueur du Tour. Tapis dans lequel tous les autres se sont pris les pieds. Alberto Contador (Tinkoff) dès la mise en route manchoise, lequel a profité du passage en Espagne pour rentrer tout droit vers Madrid. Un choix de regagner son domicile imité quelques jours plus tard par Thibaut Pinot (FDJ), qui n’était plus dans son assiette après s’être goinfré de belles performances jusqu’alors. Même sentence pour Tejay Van Garderen, qui a laissé le leadership à Richie Porte (BMC Racing Team), 5ème à Paris, quand c’est la 2ème marche du podium que l’Australien aurait foulée sans une maudite crevaison à Cherbourg (1’45 »). Il en restait pourtant un sur lequel chacun comptait pour faire vaciller Chris Froome, mais Nairo Quintana (Movistar Team), même 3ème au final, n’a pas été à la hauteur.
Le Colombien, qui s’était habitué à seconder le Britannique sur chacun de ses Tours victorieux (2013, 2015), a couru après les sensations… et jamais devant Froome. L’infaillibilité d’un Team Sky à la cuirasse inébranlable n’aura d’ailleurs jamais permis aux présumés adversaires du Maillot Jaune de mettre en pratique la moindre stratégie visant à l’isoler. A l’exception d’un seul audacieux, guidé par son seul instinct, qui se sera armé d’une sacrée dose de bravoure pour faire le bas de la descente des Saisies à fond les ballons et gravir l’ascension de Saint-Gervais au même rythme que les marches du podium. Et ce garçon, c’est Romain Bardet (Ag2r La Mondiale). Resté comme les autres sous le joug des Sky durant la grande majorité du Tour, l’Auvergnat aura été le seul à parvenir à distancer Chris Froome (retardé ensuite par sa chute) pour conquérir la 2ème place du Tour de France. A la pédale et sans aucun bon de sortie.
André Greipel redoutait de conclure son premier Tour sans victoire d’étape.
L’audace. C’est elle aussi, et avant tout, qui aura poussé Chris Froome vers les sommets. Ou les vallées si l’on se réfère à sa descente acrobatique du col de Peyresourde qui lui aura permis de s’habiller de jaune dès Luchon. De l’audace encore, le Britannique n’en aura pas manqué en se lançant vent dans le nez vers Montpellier pour piquer au vif des adversaires qui n’avaient rien tenté dans les Pyrénées. Et quand bien même le Ventoux amputé de sa portion lunaire n’aura pas joué de rôle prépondérant dans la bataille pour le maillot jaune, Chris Froome aura éloigné définitivement ses adversaires dans les contre-la-montre. Ardéchois d’abord, haut-savoyard ensuite. Se contentant dans les Alpes d’accompagner ses attaquants sans jamais chercher à les pulvériser comme il avait pu le faire, il y a un an, à La Pierre-Saint-Martin. Une victoire élégante quand bien même à vaincre sans péril on pourrait triompher sans gloire.
Au-delà du troisième sacre de Chris Froome, le Tour 2016, ça aura été : un Grand Départ réussi au cœur de la Manche et de ses trésors culturels et historiques ; l’hégémonie retrouvée de Mark Cavendish, quadruple vainqueur au sprint et détenteur de son premier maillot jaune ; une défaite de Bryan Coquard face à Marcel Kittel qui tient à 28 millimètres ; les shows cantaliens et pyrénéens de Greg Van Avermaet ; une flamme rouge qui s’écroule sur le futur Maillot Blanc Adam Yates au Lac de Payolle ; Tom Dumoulin qui brave la grêle d’Arcalis avant de s’adjuger le chrono de la Caverne du Pont-d’Arc ; le retour à la victoire (trois fois) du quadruple Maillot Vert Peter Sagan, sacré Supercombatif ; une victoire flamande, celle de Thomas De Gendt, sur un demi-Ventoux ; la prime aux attaquants (Jarlinson Pantano, Ilnur Zakarin, Ion Izagirre) dans les Alpes ; la reconquête du maillot à pois par Rafal Majka ; et la victoire, in extremis, d’André Greipel (Lotto-Soudal) sur les Champs-Elysées.
Car avant de clore la 103ème édition du Tour de France, il restait à relier Chantilly à Paris (113 km). Et l’échappée pour la forme de Barta (Bora-Argon 18), Burghardt (BMC Racing Team), Costa (Lampre-Merida), Craddock (Cannondale), Feillu (Fortuneo-Vital Concept), Gougeard (Ag2r La Mondiale), Roy (FDJ) et Teklehaimanot (Dimension Data) n’aura pas privé les sprinteurs d’une explication sur la plus belle avenue du monde. Explication dont se seront passés en revanche Marcel Kittel (Etixx-Quick Step) et Bryan Coquard (Direct Energie), anéantis par une crevaison. Au bonheur d’André Greipel (Lotto-Soudal), qui redoutait de conclure son premier Tour sans victoire d’étape (en six participations). Le champion d’Allemagne aura contenu Peter Sagan pour s’adjuger son onzième bouquet sur le Tour. Comme une invitation, déjà, à se tourner vers la prochaine édition du Tour de France.
La 104ème édition du Tour partira de Düsseldorf, en Allemagne, le 1er juillet 2017.
Classement 21ème étape :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) les 113 km en 2h43’08 » (41,6 kmh)
2. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) m.t.
3. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
4. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Dimension Data) m.t.
5. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange) m.t.
6. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo) m.t.
7. Ramunas Navardauskas (LIT, Cannondale-Drapac) m.t.
8. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
9. Sam Bennett (IRL, Bora-Argon 18) m.t.
10. Reinardt Janse Van Rensburg (AFS, Dimension Data) m.t.
Classement général final :
1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 89h04’48 »
2. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 4’05 »
3. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 4’21 »
4. Adam Yates (GBR, Orica-BikeExchange) à 4’42 »
5. Richie Porte (AUS, BMC Racing Team) à 5’17 »
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 6’16 »
7. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 6’58 »
8. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) m.t.
9. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) à 7’04 »
10. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) à 7’11 »
Classement par points :
1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 470 pt
2. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 228 pt
3. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange) 199 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 178 pt
5. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 172 pt
6. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 156 pt
7. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 154 pt
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 136 pt
9. Chris Froome (GBR, Team Sky) 131 pt
10. Rafal Majka (POL, Tinkoff) 120 pt
Classement de la montagne :
1. Rafal Majka (POL, Tinkoff) 209 pt
2. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 130 pt
3. Jarlinson Pantano (COL, IAM Cycling) 121 pt
4. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) 84 pt
6. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) 76 pt
5. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) 62 pt
7. Stef Clement (PBS, IAM Cycling) 53 pt
8. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 36 pt
9. Kristijan Durasek (CRO, Lampre-Merida) 36 pt
10. Thomas Voeckler (FRA, Direct Energie) 33 pt
Classement des jeunes :
1. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) en 89h09’30 »
2. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) à 2’16 »
3. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) à 42’58 »
4. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 47’32 »
5. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 1h19’56 »
6. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 1h55’27 »
7. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 2h13’42 »
8. Eduardo Sepulveda (ARG, Fortuneo-Vital Concept) à 2h23’45 »
9. Alexey Lutsenko (KAZ, Astana) à 2h37’10 »
10. Patrick Konrad (AUT, Bora-Argon 18) à 2h41’50 »
Prix du Supercombatif :
1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff)
Classement par équipes :
1. Movistar Team (ESP) en 267h20’45 »
2. Team Sky (GBR) à 8’14 »
3. BMC Racing Team (USA) à 48’11 »
4. Ag2r La Mondiale (FRA) à 56’50 »
5. Astana (KAZ) à 1h16’58 »
7. Tinkoff (RUS) à 1h52’23 »
6. Trek-Segafredo (USA) à 2h00’16 »
8. IAM Cycling (SUI) à 2h10’03 »
9. Team Katusha (RUS) à 2h29’13 »
10. Lampre-Merida (ITA) à 2h35’18 »