Il est aux premières loges du Tour de France depuis une trentaine d’années, offrant aux cadreurs qu’il véhicule le parfait point de vue qui leur permettra de nous faire vivre au plus près les plus belles actions de la course. Mais il est une image qui a défrayé la chronique jeudi alors que Richie Porte (BMC Racing Team), Chris Froome (Team Sky) et Bauke Mollema (Trek-Segafredo) étaient en approche du Chalet Reynard. Vu de la caméra de Dominique Kowalski, on imagine la moto piler brusquement, et l’on voit le coureur australien lancé dans son sillage s’encastrer dans le coffre, entraînant avec lui les deux coureurs qui lui filaient le train.
Ça, c’est pour la partie visible de l’action, celle fournie par les images de France Télévisions. Ce qui s’est passé devant, c’est donc Fabrice Roche, l’expérimenté pilote (59 ans, 32 Tours de France, tous au direct) reconnu comme un immense professionnel, qui nous le raconte aujourd’hui. « Je me trouvais devant le groupe Porte, Froome et Mollema. Il y avait énormément de monde, si bien que nous ouvrions la route aux coureurs. Soudain, Richie Porte a placé une accélération à un endroit où il y avait vraiment beaucoup de public. J’ai anticipé en accélérant quand je suis tombé dans la file des motards photographes qui me précédaient et s’agglutinaient devant. » Le pilote n’a pas eu d’autre alternative que de freiner brusquement. « Tout est allé très vite. J’ai tapé la moto qui se trouvait devant moi. Et Richie Porte m’a instantanément percuté. Avec Froome et Mollema. »
Ce qui s’est passé, c’est avant tout la combinaison de plusieurs facteurs. Au premier rang desquels une ligne d’arrivée déplacée à la hâte du sommet du Mont Ventoux au Chalet Reynard, ce qui a entraîné à la fois un afflux de spectateurs dans la forêt domaniale et un barriérage insuffisant pour donner de la sécurité aux coureurs comme aux pilotes, toutes les barrières n’ayant pu être rapatriées à temps tandis que d’autres ont été renversées.
On dit aussi que certains véhicules qui n’avaient plus à se trouver là après la mise en place du pool photographe (seules deux motos sont alors autorisées à se maintenir devant les coureurs pour y faire des photos) se sont retrouvés embouteillés par les spectateurs. « Je ne saurai le dire, témoigne le pilote, qui n’a pas prêté attention à ce genre de détail. Quand on est concentré comme ça, on regarde furtivement ce qui se passe devant, pour avancer bien sûr, mais on a avant tout l’œil dans les rétros pour se positionner au mieux pour les prises de vue. »
Ce qui est sûr, c’est que les problèmes de circulation dans le Ventoux ont été provoqués par une foule débordante. « Il y avait beaucoup de spectateurs et les motos ont eu du mal à se tirer de ce pétrin, reconnaît Fabrice Roche. Il était compliqué d’avancer. Dans ce cas de figure, ce n’est pas facile à gérer. On préférerait avoir plus de marge mais les spectateurs ne nous la laissent pas. »
Si le chapitre est refermé du côté de l’enquête, qui a pu bénéficier d’images attestant de ce qui s’était passé, le pilote n’oubliera pas cet épisode qui devrait avant tout rester anecdotique. « On a rarement de problèmes, poursuit-il. Les règles de circulation en course sont toujours les mêmes, et Christian Prudhomme a mis l’accent là-dessus : le maître-mot c’est de préserver l’intégrité de la course. Nous sommes obligés de composer avec pas mal de paramètres, dont le public fait partie. Il y a des éléments que l’on maîtrise mieux, comme le vent, mais avec les spectateurs ça reste imprévisible. On fait en sorte de filmer la course sans en modifier son déroulement, même si ce cas aura fait exception… »
Fabrice Roche a depuis repris la route du Tour. Pour nous faire vivre jusqu’à Paris, avec la complicité de son cameraman, des instants de course qui marqueront autrement la grande histoire du Tour.