Fallait-il laisser partir les 168 courageux (ou rescapés, appelez-les comme vous voudrez) en fin de matinée de Ponte Di Legno ? Dans n’importe quelles autres conditions, la réponse aurait été négative. De gros nuages à peine perceptibles à travers un épais brouillard enveloppent les cimes. Les températures sont à la limite du supportable et la pluie s’invite au départ donné à 1200 mètres d’altitude. Le problème c’est qu’il faut monter bien au-delà des 2500 mètres sur cette étape-reine du Tour d’Italie et qu’à cette altitude, les gouttes d’eau se transforment en neige fondue. Mais le Giro est une course dont la légende s’est forgée au travers de ces exploits réalisés à une période de l’année où la neige est encore souvent présente sur les sommets. Annulée l’an dernier pour les mêmes raisons, l’étape ne le sera pas cette année.
Entre le spectacle et la raison, le Giro a donc choisi la première solution. Cette étape va entrer de plain-pied dans l’histoire de la course rose avec des images qui resteront à jamais gravées dans la mémoire des passionnés. Celles d’hommes assis sur leur machine ou en danseuse avançant péniblement entre deux murs de neige et un ciel gris troublé par le brouillard au-dessus de leur tête. Mais les cyclistes sont des guerriers et la bagarre est entamée dès le Gavia placé en tout début d’étape. Le tempo mené par l’équipe Movistar écrème déjà un peloton transi de froid. À dire vrai, la descente sous la neige fondue et alors que la température frôle avec les 0 degré fera encore plus de dégâts et fournira des images encore plus saisissantes. Elle permettra cependant à un groupe de braves de se dégager.
Robinson Chalapud et Jarlinson Pantano (Colombia), Hubert Dupont et Alexis Vuillermoz (Ag2r La Mondiale), Franco Pellizotti et Diego Rosa (Androni Giocattoli), Dario Cataldo (Team Sky), Robert Kiserlovski (Trek Factory Racing) et Przemyslaw Niemiec (Lampre-Merida) rejoints par Alexandre Geniez au pied du Stelvio, vont être les premiers acteurs de cette étape de légende, mais pas les derniers. Ensemble ils vont créer un avantage intéressant, mais la présence de Robert Kiserlovski empêche le peloton de laisser filer. Pourtant, ce n’est pas le Croate qui se montre le plus offensif, mais Dario Cataldo qui passe le Passo dello Stelvio, Cima Coppi de cette édition, en tête. A ce moment, l’organisation cafouille. Elle décide, semble-t-il dans un premier temps de neutraliser la descente. Mais cette solution ne sera pas respectée quand l’Italien plonge tête baissée dans la descente qui mène au pied de Val Martello.
Nairo Quintana construit peut-être son succès final dans la descente du Stelvio
Vu la difficulté du parcours, nul n’aurait imaginé que la face du Giro aurait été bouleversée dans la descente du Stelvio. Et pourtant ! Nairo Quintana (Movistar Team), Ryder Hesjedal (Garmin-Sharp) et Pierre Rolland (Team Europcar) veulent prendre tous les risques dans cette longue descente de la Cima Coppi. Rigoberto Uran (Omega Pharma-Quick Step) et d’autres préfèrent jouer la prudence. Mais, aujourd’hui dans une course qui a perdu la raison, il fallait faire preuve d’un brin de folie. L’avance que creuse Nairo Quintana dans la descente va s’avérer décisive. En bas, au moment de faire le bilan, le verdict tombe et il est lourd pour le Maillot Rose repoussé à deux minutes. Le bras de fer s’engage alors entre le groupe des favoris et le groupe d’audacieux dans lequel le Français et le Colombien peuvent encore compter sur l’appui d’un équipier.
Arrivé dans Val Martello, Nairo Quintana lâche les chevaux et imprime un gros tempo pour prendre le maximum de temps sur Rigoberto Uran. Le Maillot Blanc du dernier Tour de France va faire bien mieux que se rapprocher du Maillot Rose. Le groupe Uran perd pied dans la montée finale et le leader du Giro se retrouve sans équipier, entouré des quelques favoris. À l’avant, son compatriote se montre nettement plus à l’aise que ses deux compagnons d’échappée quand la route s’élève. Victime d’une fringale, Pierre Rolland doit lâcher prise. Ryder Hesjedal s’accroche au courage, mais doit céder à son tour dans le terrible dernier kilomètre. En coupant la ligne en vainqueur, Nairo Quintana n’a pas la force de lever les bras, pourtant, avec cette démonstration sur cette étape déjà mythique, il vient de renverser le Giro.
Car derrière le Colombien, c’est la débandade, le groupe de favoris n’ayant pu colmater la brèche creusée dans la descente du Stelvio. Pire Quintana a encore conforté son avance dans la montée finale. Non seulement le coureur de 24 ans se pare de rose, mais les écarts enregistrés sont conséquents. Arrivé à plus de 4 minutes de son compatriote, Uran est désormais 2ème à 1’40 ». L’autre grand bénéficiaire de cette étape de folie n’est autre que Pierre Rolland qui remonte à la 4ème place à seulement 5 secondes de Cadel Evans (BMC Racing Team) qui a une nouvelle fois affiché des limites inquiétantes aujourd’hui. Moins d’une minute sépare le 3ème du 9ème, Ryder Hesjedal. Tous les espoirs, même les plus fous, sont donc permis pour l’Orléanais. Mais après l’étape du jour, nous ne sommes plus à une folie près…
Demain, les 208 kilomètres sans grande difficulté entre Sarnonico et Vittorio Veneto vont permettre aux rescapés de récupérer des efforts consentis aujourd’hui.
Classement 16ème étape :
1. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) les 139 km en 4h42’35 » (29,5 km/h)
2. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) à 8 sec.
3. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 1’13 »
4. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 3’32 »
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3’37 »
6. Fabio Aru (ITA, Astana) à 3’40 »
7. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 4’08 »
8. Sebastian Heano (COL, Team Sky) à 4’11 »
9. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
10. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 4’48 »
Classement général :
1. Nairo Quintana (COL, Movistar Team)
2. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) à 1’41 »
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 3’21 »
4. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 3’26 »
5. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 3’28 »
6. Fabio Aru (ITA, Astana) à 3’34 »
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3’49 »
8. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 4’06 »
9. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) à 4’16 »
10. Robert Kiserlovski (CRO, Trek Factory Racing) à 8’02 »
Classement par points :
1. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) 251 pt
2. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 225 pt
3. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 173 pt
4. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) 161 pt
5. Ben Swift (GBR, Team Sky) 130 pt
6. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani-CSF) 96 pt
7. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 96 pt
8. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 78 pt
9. Wilco Kelderman (PBS, Belkin)
10. Luka Mezgec (SLO, Giant-Shimano) 78 pt
Classement de la montagne :
1. Julian Arredondo (COL, Trek Factory Racing) 95 pt
2. Robinson Chalapud (COL, Colombia) 69 pt
3. Dario Cataldo (ITA, Team Sky) 62 pt
4. Tim Wellens (BEL, Lotto-Belisol) 57 pt
5. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) 56 pt
6. Jarlinson Pantano (COL, Colombia) 43 pt
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Meria) 39 pt
8. Jonathan Monsalve (VEN, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 39 pt
9. Fabio Aru (ITA, Astana) 37 pt
10. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 36 pt
Classement des jeunes :
1. Nairo Quintana (COL, Colombia) en 68h11’44 »
2. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 3’28 »
3. Fabio Aru (ITA, Astana) à 3’34 »
4. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 4’06 »
5. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 44’55 »
6. Georg Preidler (AUT, Giant-Shimano) à 57’19 »
7. Mikel Landa (ESP, Astana) à 1h01’28 »
8. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 1h07’56 »
9. Marc Goos (PBS, Belkin) à 1h14’19 »
10. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 1h19’36 »
Classement par équipes :
1. Ag2r La Mondiale (FRA) en 204h19’48 »
2. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 36’50 »
3. Tinkoff-Saxo (DAN) à 45’09 »
4. BMC Racing Team (USA) à 55’46 »
5. Astana (KAZ) à 57’01 »
6. Movistar Team (ESP) à 1h01’21 »
7. Team Sky (GBR) à 1h16’21 »
8. Lampre-Merida (ITA) à 1h34’13 »
9. Team Europcar (FRA) à 1h35’46 »
10. Colombia (COL) à 1h55’55 »