Il aura suffi que le peloton pose les roues en Italie pour que le Giro et tout ce qu’il draine de dramaturgie se mette aussitôt en route. Loin de ses racines la semaine dernière en Irlande, en dépit de l’énorme engouement populaire qui permet d’admettre que le Giro s’exporte définitivement aussi bien que le Tour de France, la course rose n’avait pas tellement suscité l’intérêt sportif jusque-là. Hormis le chrono par équipes qui a donné lieu aux premières différences et posé les bases de la première partie de course, les victoires répétées de Marcel Kittel (Giant-Shimano) laissaient présager des sprints verrouillés en faveur de l’Allemand ces prochains jours. Or voilà que le sprinteur de 26 ans, fiévreux, doit laisser ce midi le peloton repartir sans lui, provoquant un premier séisme dans une étape toute plate qui va s’avérer rocambolesque…
Le retrait inattendu de Marcel Kittel rouvre aussitôt des portes qui semblaient s’être fermées en Irlande. Il y avait déjà peu de patrons du sprint au départ de cette 97ème édition, il n’y en a pour ainsi dire plus pour se mettre en travers des espoirs de Bouhanni, Viviani, Ferrari, Nizzolo, Swift et consorts. Reste que s’il a laissé Marcel Kittel en Irlande, le peloton a ramené dans ses bagages le mauvais temps qui lui colle au train depuis le Grand Départ. Surtout, les organisateurs n’ont rien trouvé de mieux pour cette remise en route de 112 kilomètres – trois heures de vol ont été nécessaires pour rejoindre les Pouilles depuis Dublin hier matin – qu’une étape inspirée des critériums de fin de Grand Tour, avec huit boucles d’un circuit de 8,3 kilomètres. Un circuit urbain et technique, avec de nombreux virages, qui rappelle celui de Milan en 2009 qui avait donné lieu déjà à une protestation du peloton et une course au général finalement neutralisée.
La pluie qui persiste en route pour Bari (l’étape s’élance de Giovinazzo 45 kilomètres plus tôt) trahit bien vite un malaise dans la caravane rose. En raison des averses et des routes jugées très glissantes, le peloton décrète qu’il ne fera pas la course. Du moins pas avant d’entrer sur le circuit final, où il réévaluera alors la situation. C’est donc un peloton ronchon qui s’avance avec prudence vers la commune qui borde la côte adriatique. Et les pourparlers vont bon train. Bien malin qui peut alors devenir quel sera le dénouement de cette étape, dont l’issue est des plus incertaines, une partie du peloton manifestant visiblement sa volonté de mettre pied à terre au premier des neuf passages sur la ligne d’arrivée. Mais cette option ne fait pas l’unanimité et c’est un paquet réservé et dubitatif qui se présente sur le circuit portuaire de Bari.
Nacer Bouhanni éjecté du peloton revient au prix d’une chasse éprouvante.
Un premier tour passe, mais au deuxième la pluie qui s’était momentanément interrompue refait son apparition. La route, effectivement, est une vraie patinoire. A allure modérée, ça passe, mais y faire la course est proscrit. Quand un nouveau temps mort est décrété par l’équipe Orica-GreenEdge du Maillot Rose Michael Matthews, on craint un arrêt définitif du peloton au passage sur la ligne. Mais le désaccord qui oppose les coureurs entre eux évite ce scénario. Il invite aussi le jury des commissaires à prendre une décision. Comme il l’avait fait à Milan il y a cinq ans, il annonce la neutralisation des temps à un tour de l’arrivée et le retrait des bonifications sur la ligne. Seuls les coureurs manifestant un intérêt pour la victoire d’étape iront jouer les casse-cous devant dans le tour final, les autres se relèveront.
Par casse-cous, on entend les sprinteurs. Encore que Michael Matthews juge plus sage de se retirer de la meute, son maillot rose préservé une journée de plus ayant à ses yeux plus de valeur qu’une hypothétique victoire d’étape. C’est peut-être la chance pour Nacer Bouhanni (FDJ.fr) d’ouvrir son palmarès sur un Grand Tour, où plus aucun sprinteur français ne s’est imposé depuis Jimmy Casper il y a huit ans. Mais la chance dont il porte le sceau sur le maillot bleu de la FDJ, incarnée par un trèfle à quatre feuilles qui ne date pas du passage par l’Irlande, se retourne contre lui à 14 kilomètres de l’arrivée. Victime d’un incident mécanique, Nacer Bouhanni est éjecté du peloton sans qu’aucun de ses coéquipiers ne se porte à son secours dans l’immédiat. Comme ahurie, l’équipe française tarde à prendre les bonnes décisions. Seul Laurent Pichon se laissera décrocher pour ramener Nacer Bouhanni en queue de peloton juste avant d’entamer le dernier tour. Ceci au prix d’une chasse éprouvante. On pense alors que Nacer Bouhanni a grillé ses cartouches dans cet incident. Au lieu de quoi le Vosgien remonte auprès des sprinteurs qui vont se disputer l’étape !
Mais sous la pluie qui redouble, les chutes tant redoutées se multiplient alors. Le sprinteur français évite la première à 1500 mètres du but, tandis que la seconde ne laisse dans le train de tête que six coureurs dont quatre Giant-Shimano (pour Luka Mezgec). Le trou est fait mais la prudence extrême avec laquelle les Giant prennent les dernières courbes permet à un Nacer Bouhanni d’exception de recoller une fois encore pour aborder le sprint dans la roue de Luka Mezgec. Le Slovène n’aura toutefois pas l’occasion de lancer le sprint. Quand sa roue chasse dans l’ultime virage, il laisse un trou que son poisson-pilote Tom Veelers tente de mettre à profit pour remporter l’étape. Nacer Bouhanni handicapé par l’incident s’attache alors à refaire son retard, ce qu’il fait au prix d’un effort final époustouflant.
Demain mercredi, ce sont les puncheurs qui seront attendus dans la cinquième étape Taranto-Viggiano (203 km).
Classement 4ème étape :
1. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) les 112 km en 2h22’06 » (43,7 km/h)
2. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) m.t.
3. Tom Veelers (PBS, Giant-Shimano) m.t.
4. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) m.t.
5. Elia Viviani (ITA, Cannondale) m.t.
6. Matteo Montaguti (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
7. Kenny De Haes (BEL, Lotto-Belisol) m.t.
8. Luka Mezgec (SLO, Giant-Shimano) m.t.
9. Bert De Backer (BEL, Giant-Shimano) m.t.
10. Francesco Chicchi (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) m.t.
Classement général :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 12h28’43 »
2. Alessandro Petacchi (ITA, Omega Pharma-Quick Step) à 8 sec.
3. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) à 10 sec.
4. Ivan Santaromita (ITA, Orica-GreenEdge) à 14 sec.
5. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) m.t.
6. Luke Durbridge (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
7. Svein Tuft (CAN, Orica-GreenEdge) m.t.
8. Serge Pauwels (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 19 sec.
9. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
10. Julien Vermote (BEL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
Classement par points :
1. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) 115 pt
2. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 113 pt
3. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 106 pt
4. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) 96 pt
5. Ben Swift (GBR, Team Sky) 76 pt
6. Davide Appollonio (ITA, Ag2r La Mondial) 44 pt
7. Francesco Chicchi (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 36 pt
8. Tom Veelers (PBS, Giant-Shimano) 34 pt
9. Maarten Tjallingii (PBS, Belkin) 32 pt
10. Manuel Belletti (ITA, Androni Giocattoli) 32 pt
Classement de la montagne :
1. Maarten Tjallingii (PBS, Belkin) 12 pt
2. Andrea Fedi (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 3 pt
3. Yonder Godoy (VEN, Androni Giocattoli) 2 pt
4. Miguel-Angel Rubiano (COL, Colombia) 2 pt
5. Gert Dockx (BEL, Lotto-Belisol) 2 pt
6. Jeffry Romero (COL, Colombia) 2 pt
7. Sander Armee (BEL, Lotto-Belisol) 1 pt
Classement des jeunes :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 12h28’43 »
2. Luke Durbridge (AUS, Orica-GreenEdge) à 14 sec.
3. Julien Vermote (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 19 sec.
4. Yannick Eijssen (BEL, BMC Racing Team) à 23 sec.
5. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 26 sec.
6. Pawel Poljanski (POL, Tinkoff-Saxo) à 37 sec.
7. Jay McCarthy (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
8. Christopher-Juul Jensen (DAN, Tinkoff-Saxo) m.t.
9. Elia Viviani (ITA, Cannondale) à 49 sec.
10. Sebastian Henao (COL, Team Sky) m.t.
Classement par équipes :
1. Orica-GreenEdge (AUS) en 36h37’02 »
2. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 19 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 21 sec.
4. Astana (KAZ) à 30 sec.
5. Team Sky (GBR) à 32 sec.
6. Tinkoff-Saxo (DAN) à 37 sec.
7. Trek Factory Racing (USA) à 49 sec.
8. Giant-Shimano (PBS) à 56 sec.
9. Neri Sottoli-Yellow Fluo (ITA) à 1’01 »
10. Bardiani-CSF (ITA) à 1’04 »