Rudy, nous sommes ici en Espagne et ce sont tes premiers pas avec l’équipe Israël CyclingAcademy, quels sont tes premiers sentiments ?
Mon premier sentiment, c’est l’accueil qui m’a surpris dans le sens ou mon arrivée a été travaillée, anticipée car tout le monde était heureux de mon arrivée au sein de l’équipe. Je ne m’attendais pas à autant d’enthousiasme et c’est la première chose qui m’a vraiment marqué et touché en tant qu’homme parce que là on parle vraiment du côté de l’humain et non du cycliste.
Ton choix peut paraître surprenant. Tu es dans une équipe WorldTour et tu vas dans une équipe continentale pro qui est sujette aux invitations. Qu’est-ce qui t’a poussé vers Israël Cycling Academy ?
Ce qui fait la différence entre une équipe WorldTour et une équipe continentale à mes yeux c’est la possibilité et l’accessibilité des courses. Je ne cherche pas à faire les trois grands tours en une année, à faire toutes les classiques que le calendrier WorldTour propose. Moi ça m’apporte peu d’être en WorldTour ou en continental pro. J’ai passé deux très belles années avec AG2R La Mondiale et Vincent Lavenu. Maintenant c’est un titre qui change peu de choses pour moi et je suis content de mon arrivée dans cette nouvelle équipe. Ça a surpris beaucoup de personnes parce que les gens qui me connaissent savent que j’aime communiquer avec le monde autour de moi et rien que la barrière de la langue c’est déjà un premier obstacle pour moi. J’ai bien travaillé là-dessus cet hiver à la maison pour atteindre un anglais scolaire et aujourd’hui je dois encore travailler pour me mettre à leur niveau car je ne tiens pas à ce que ce soit eux qui fassent un effort pour moi sur ce point.
Tu avais d’autres options que cette équipe-là lors de ton changement d’équipe ?
Oui, bien sûr, je travaille avec un agent et il y a eu plusieurs choix qui se sont ouverts à moi mais l’ambition qu’Israël Cycling Academy a d’évoluer, c’est ce que je veux personnellement et on avait donc une ambition commune et ça s’est fait naturellement.
On sait qu’à cette époque-là quand tu as signé il n’y avait pas encore la certitude d’avoir Clément Carisey dans l’équipe et les francophones n’étaient pas encore nombreux, à part Guillaume Boivin qui était déjà là. C’est un élément qui a joué ?
Pas vraiment. Pour moi ce qui comptait c’était d’évoluer avec des personnes qui veulent faire du vélo, qui veulent mon bien et le discours du manager que j’ai eu plusieurs fois au téléphone avant de signer, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément commun en est une preuve. Je suis content de signer et après le fait qu’il y ait d’autres francophones dans l’équipe ça va faire du bien de pouvoir se retrouver un peu quand on aura le mal du pays. Mais malgré tout il va y avoir trois ou quatre fronts et je vais peut-être me retrouver isolé en tant que Français mais ce n’est pas grave du tout.
Rudy Barbier en stage avec Israël Cycling Academy / ©Velo101
On sait que dans l’équipe il y a un sprinter, Ben Hermans. Toi tu as la certitude que tu seras sur des fronts où tu seras le leader, le sprinter attitré et ou l’équipe travaillerapour toi ?
J’ai eu une conférence hier avec le staff qui était au grand complet et il en est sorti qu’ils m’ont pris pour ça, pour faire tous les sprints sans exception et les courses sur lesquelles je serais aligné il y aura une équipe construite autour de ça. Ça va prendre du temps on l’a dit. On ne peut pas arriver, taper du poing sur la table et faire Bingo d’office. J’ai même rencontré le propriétaire de l’équipe et il a dit qu’il avait de l’ambition pour moi je suis content de commencer un stage de cette façon et je vais travailler dur comme à mon habitude.
C’est-à-dire que là, l’objectif est de borner. Sur un prochain stage tu as déjà en tête de travailler ton train avec tes coéquipiers et de te mettre en situation ?
Exactement. Là on a fait une première approche qui était basée sur la cohésion les deux premiers jours et ensuite on a repris le foncier qu’on avait déjà acquis à la maison mais déjà aujourd’hui j’ai essayé de mettre des petites choses en place et un premier débriefing à déjà eu lieu et voilà, de jours en jours on va travailler sur ça et profiter du stage. Il faut en profiter, si on n’y arrive pas maintenant on n’y arrivera pas en course. On se doit d’être tous professionnels, chacun à notre niveau et tout le monde était déjà content de lancer des sprints et j’ai trouvé qu’il y a déjà une force collective assez impressionnante.
Dans ton train idéal, tu as déjà des noms en tête ?
Bien sûr, il y a un idéal sportif mais il y a aussi un côté humain. Il faut qu’il y ait un bon feeling, une envie et qu’elle soit réciproque donc idéalement j’ai mon schéma en tête. J’en ai discuté avec la direction sportive et elle est complètement en adéquation avec moi mais malgré tout on va travailler, tester encore et encore avant d’attribuer vraiment des rôles. On n’en est pas encore là pour l’instant. On teste des choses. En tout cas je reste très enthousiaste à l’idée de créer quelque chose.
Rudy Barbier à Paris-Chauny | © Victorien Floury
Comment réagis-tu par rapport aux oreillettes? On se dit que dans les trois derniers kilomètres ce n’est vraiment plus que de la communication entre coureurs, tu es quel sprinter par rapport à ça ?
A partir du moment où il y a la concentration et l’adrénaline de toute façon je n’entends plus donc ça va vite. Il faut que je me mette moi et les autres coureurs en sécurité donc je n’ai pas le temps d’analyser une information qu’on me donne. Même si à 5 kilomètres je suis encore lucide, il y a un moment où je me mets dans ma bulle et c’est là où le travail qui a été fait en amont va payer. Si avec les mecs on a bien bossé, qu’on sait ce qu’on a à faire et qu’on ne s’affole pas alors il y aura un moment ou ça va marcher.
Aujourd’hui, tu dirais qu’un sprinter à la McEwen, qui n’avait pas besoin d’un train ne peut plus exister ?
Si, Peter Sagan ! Mais il faut déjà avoir sa classe, que tout le monde n’a pas mais je reste persuadé qu’il faut avoir un train bien rodé. Pas forcément toute une équipe mais 3-4 mecs. Y’a que comme ça que ça peut matcher. Seul ça peut marcher peut-être sur un malentendu mais on ne fait pas du vélo et on ne s’entraîne pas pour un malentendu.
Tu vas avoir 26 ans dans pas très longtemps, aujourd’hui 18 décembre!. Tu dirais que tu atteins ta maturité maintenant ? Comment te juges-tu par rapport à ça ?
Je suis jeune et plein de fougue comme on dit et ce n’est pas pour tout de suite que je vais mettre les mains sur les freins. Certains ont pris de grosses gamelles qui les ont refroidis et ça je le conçois, on y pense tous mais je ne suis pas encore sur le point de ralentir. Je pense encore à me perfectionner de jour en jour et l’âge pour moi c’est un plus. Je me rends compte que j’ai pris de la force d’année en année. J’arrive moins fatigué au sprint, j’encaisse des plus grosses charges d’entrainement ce que je ne faisais pas avant car je n’ai jamais été un grand borneur. Moi ce que j’aime c’est la course et c’est ce que me propose Israël Cycling Academy donc maintenant j’ai l’âge de mettre des choses en place, d’être écouté.
Si on fait une parenthèse avec AG2R La Mondiale, si tu n’as pas réussi à souvent accrocher la victoire durant deux ans, c’est parce que l’équipe est dédiée aux grands tours et aux classiques et qu’il n’y a pas beaucoup de place pour les sprinters ?
Je suis en partie d’accord. Je ne jette pas la pierre à l’équipe. Ils m’ont permis de découvrir le WorldTour notamment de haut niveau. Maintenant tout n’a pas toujours été mis en place et certainement qu’ils n’avaient pas de garantie avec moi, je ne leur en ai peut-être pas donné suffisamment. Maintenant j’ai toujours été professionnel donc ça n’est pas de mon ressort. Mais c’est sûr que les mecs quand ils travaillaient pour moi, ils le faisaient à fond, sans arrière-pensée. Mais on n’a pas les coureurs, sans jeter la pierre, lutter seul dans le final même si un Julien Duval a toujours été là dans le final c’est compliqué. Après il y a toujours eu cette volonté de bien faire le taf et j’ai appris pendant ces deux ans à regarder mes erreurs et analyser et c’est aussi pour mieux rebondir ici. Ça n’a pas été deux années blanches. J’ai acquis beaucoup d’expérience et beaucoup de force.
Rudy Barbier au Tour d’Abu Dhabi | © Ag2r La Mondiale
Tu arrives dans une nouvelle équipe. Est-ce qu’il y a d’autres choses qui changent comme ton programme d’inter-saison, ton système de coupure, ton entraîneur ?
Au niveau de l’entraîneur, j’ai bossé durant deux ans avec Michaël Bouget avec qui ça s’est vraiment bien passé et c’était super et il a lui aussi quitté l’équipe donc nos chemins se sont séparés. Du coup j’ai changé d’entraîneur et aussi de programme de course. Ça fait 5 ans que je commence à l’étoile de Bessèges et là je vais commencer en Argentine donc c’est déjà un changement d’entrée de jeu. Ensuite mon programme, l’équipe avait envie de me faire courir les classiques. On en a discuté, je peux y apporter mon expérience mais je veux optimiser mon programme de course pour sprinter même si je vais courir certaines classiques.
Quel vas-être ton programme justement ?
On en a parlé avec la direction sportive et on a convenu qu’il fallait y aller mois après mois. Je vais commencer en Argentine et ensuite je ferais mon retour en France à la Provence. Mais je vais vraiment me concentrer sur ma première course pour pouvoir bien commencer. Là, la tête elle est au travail et pas à autre chose.
On sent que le début de saison va être primordial pour l’équipe et encore plus pour toi car tous les points que vous allez marquer vont être bons pour la confiance générale et pour les invitations ?
Exactement, comme le manager l’a dit, le début de saison ne sera pas décisif mais il est important. Je l’ai bien compris et je m’applique.
Quand on entend, que l’on voit que le Tour de France fait partie des objectifs de l’équipe pour 2020-2021 quel est ton sentiment ?
C’est ce qui m’a aussi séduit dans les discours du manager lors de ma signature. J’ai bien sûr envie de participer au Tour de France. Je suis coureur et je suis Français donc ça fait rêver de courir cette course alors si je peux apporter ma pierre à l’édifice et y contribuer je vais le faire. Ça fait partie des plans de l’équipe et ça fait aussi partie des miens.
On sait que tu es un homme qui aime bien Bessèges, vous n’y êtes pas encore invités mais c’est une épreuve sur laquelle tu te sentirais bien de nouveau avec Israël Cycling Academy ?
Oui, évidemment mais pour l’instant Bessèges ne figure pas sur le plan de course. C’est une course qui me réussit d’année en année et j’aime la courir. Il y a pleins d’autres courses et si on me dit que Bessèges est au programme j’en serais ravi mais pour l’instant ce qui est sûr c’est l’Argentine puis la Provence mais si Bessèges vient entre deux, ce n’est que mieux.
Aujourd’hui, quel est le conseil que tu donnerais au Tour de France concernant les invitations, quel serait le meilleur calendrier selon toi ?
Moi je suis coureur donc c’est compliqué mais simplement ne pas prendre que les résultats des courses WorldTour car tout le monde n’est pas invité. Pour moi il faut prendre le Ranking, c’est la seule vraie valeur de janvier à avril-mai. Il faut prendre toutes les courses, elles sont toutes dures à gagner, à courir et ça il faut le prendre en considération.
Rudy Barbier en interview | © Vélo 101
Enfin, si tu devais faire un top 5 des meilleurs sprinters mondiaux et Français, ce serait lequel ?
Tout d’abord, Dylan Groenewegen avec la saison qu’il a réalisé, Marcel Kittel pour sa classe, André Greipel pour sa force ensuite Peter Sagan bien sûr et enfin Michael Matthews car il est passe partout, c’est la classe aussi.
Et sur un Top 3 Français, Arnaud Demare en premier largement, ensuite Christophe Laporte, c’est une révélation de l’année bien qu’il marche depuis longtemps mais il a vraiment été mis dans la lumière cette année et enfin Marc Sarreau.