Dans notre monde contemporain où il est chaque jour nécessaire d’attirer l’attention pour susciter l’intérêt, il est parfois difficile d’entrevoir la frontière entre sport et spectacle. Le cyclisme s’en accomode bien. Quatre semaines après la grande parade du Tour de France sur les Champs-Elysées commence dans le sud de l’Espagne un nouveau feuilleton haletant. Peut-être, sûrement même, le plus imprévisible des trois Grands Tours. Sacré il y a un an, Alberto Contador ne défend pas son trône, l’Espagnol vainqueur du Giro ayant entamé sa trêve « hivernale » après sa 5ème place au Tour de France. Pour ses 80 ans, la Vuelta n’en demeure pas moins grandie par la participation exceptionnelle d’un autre carré magique, celui qui occupait il y a quatre semaines à Paris les quatre premiers rangs du classement général du Tour de France !
Chris Froome (Team Sky) est le premier vainqueur du Tour de France depuis Carlos Sastre en 2008 à se présenter sur la Vuelta dans la foulée de son sacre parisien. Il espérera devenir, dans trois semaines à Madrid, le tout premier à réaliser le doublé Tour-Vuelta dans cet ordre, seuls Jacques Anquetil en 1963 et Bernard Hinault en 1978 ayant accroché la même année les Tours d’Espagne et de France, quand la Vuelta était printanière. Face à lui, le Britannique retrouvera le tandem de Movistar incarné par Nairo Quintana et Alejandro Valverde, lesquels entendent faire mieux à Madrid qu’escorter le lauréat sur le podium. Et il faudra compter avec Vincenzo Nibali (Astana), qui comme Froome et Quintana s’est décidé à la sortie du Tour et dont on ignore encore si la présence à ses côtés de Fabio Aru et Mikel Landa, 2ème et 3ème du Giro, sera un atout ou un inconvénient pour le grimpeur sicilien en quête de podium.
L’évocation de ces quatre champions suffit à garantir un spectacle à couper le souffle au cours des trois semaines qui commencent ce soir à Marbella, en Andalousie. En territoire totalement inédit ! Aucune des neuf arrivées en bosse ou en altitude qui se succéderont jusqu’au 13 septembre n’a déjà été empruntée par le peloton du Tour d’Espagne. Pour la 70ème édition de la Vuelta, ses organisateurs ont affiché la claire volonté de s’écarter des sentiers battus… Au risque de tomber, ce soir entre Puerto Banus et Marbella, dans un show qui n’avait plus grand-chose à voir avec le sport, du moins celui tel que nous le définissons habituellement. Mais qu’est-ce qui a bien pu passer dans la tête des organisateurs du Tour d’Espagne en concevant le long de la mer un contre-la-montre par équipes au concept tout à fait stupéfiant ?
Les temps enregistrés à l’arrivée ne seront pas rapportés au classement général.
Le tracé des 7400 premiers mètres de ce Tour d’Espagne avait été présenté en janvier et validé il y a un mois par les instances internationales. Mais c’est en débarquant sur les plages andalouses de Marbella que la controverse a éclaté parmi les coureurs. Ces tout derniers jours, le peloton s’est affolé à la découverte du tracé pour le moins atypique du court contre-la-montre par équipes. Entre des sentiers piétonniers sur sable plus ou moins tassé, l’emprunt d’un petit pont de bois ou la transition par des voies étroites entre deux rangs de spectateurs massés derrière les barrières au plus près des coureurs, il était impensable qu’on puisse faire courir de tels risques à un peloton qui, préoccupé par sa sécurité, a réclamé d’une voix quasi unanime la prise de mesures exceptionnelles vingt-quatre heures avant le coup d’envoi.
Il n’était plus possible, si près de l’échéance, de modifier l’itinéraire ou de transformer l’épreuve en prologue. Alors le jury des commissaires a opté pour un bon compromis. Le contre-la-montre par équipes organisé avant le coucher du soleil se résumera ce soir à une exhibition pour la forme. Il y aura bien une équipe lauréate et un premier maillot rouge attribué, mais les temps enregistrés à l’arrivée ne serviront qu’à départager les collectifs et ne seront pas rapportés au classement général. Et voilà la Vuelta amputée de 7,4 kilomètres chronométrés, ce qui fera encore plus reposer le sort de cette édition sur la montagne et les neuf arrivées explosives qui nous attendent. Entre Puerto Banus et Marbella, on courra donc ce soir pour du beurre, si tant est que le port symbolique d’un premier maillot rouge en soit. Ce qui est sûr, c’est que la prise de risque sera inutile dans cet exercice périlleux. Aucun favori n’en prendra.
Pour la petite histoire, on retiendra la vigilance du Team Sky, 20ème à 1’07 », bien derrière les formations Astana (13ème à 30 secondes) ou Movistar Team (9ème à 18 secondes). Ceux qui visent la victoire d’étape n’hésiteront pas, eux, à lâcher les chevaux, quitte à sacrifier quelques hommes en cours de route afin de mieux manœuvrer à cinq ou six sur les pistes complexes. Ce sont les BMC champions du monde de la spécialité qui l’emportent avec Peter Velits en tête. Le Slovaque, 2ème de la Vuelta il y a cinq ans (après déclassement d’Ezequiel Mosquera), endosse le tout premier maillot rouge, la BMC Racing Team précédant les équipes Tinkoff-Saxo et Orica-GreenEdge d’une seule petite seconde. Pour l’honneur avant tout car ce soir, tout le monde est classé dans le même temps. La Vuelta commence vraiment demain.
Et demain dimanche, la deuxième étape donnera déjà lieu à une première confrontation entre favoris entre Alhaurin de la Torre et Caminito del Rey (158,7 km).
Classement 1ère étape :
1. BMC Racing Team (USA) les 7,4 km en 8’10 » (54,4 km/h)
2. Tinkoff-Saxo (RUS) à 1 sec.
3. Orica-GreenEdge (AUS) m.t.
4. Team LottoNL-Jumbo (PBS) à 8 sec.
5. Etixx-Quick Step (BEL) à 10 sec.
6. Trek Factory Racing (USA) à 11 sec.
7. Lotto-Soudal (BEL) à 18 sec.
8. Caja Rural-Seguros RGA (ESP) m.t.
9. Movistar Team (ESP) à 24 sec.
10. Cofidis (FRA) à 27 sec.
Classement par équipes :
1. BMC Racing Team (USA) en 8’10 »
2. Tinkoff-Saxo (RUS) à 1 sec.
3. Orica-GreenEdge (AUS) m.t.
4. Team LottoNL-Jumbo (PBS) à 8 sec.
5. Etixx-Quick Step (BEL) à 10 sec.
6. Trek Factory Racing (USA) à 11 sec.
7. Lotto-Soudal (BEL) à 18 sec.
8. Caja Rural-Seguros RGA (ESP) m.t.
9. Movistar Team (ESP) à 24 sec.
10. Cofidis (FRA) à 27 sec.