Tadej Pogacar
Le prodige de Komenda est évidemment l’homme de la saison. Comment voulez-vous ne pas l’être en ayant remporté le Tour et deux monuments ? Avant lui, seuls Hinault, Merckx et Coppi avaient réussi une telle prouesse. Plutôt évocateurs pour tout amateur de cyclisme, ces noms nous aident à estimer l’ampleur du phénomène courant sous nos yeux. S’il n’a pas l’appétit d’un Cannibale, laissant parfois passer ses chances de bouquets, le slovène sait très bien gagner quand cela lui importe vraiment. Et pour dorer ses triomphes, il aime le faire avec panache. Souvent esseulé face à ses rivaux, il a littéralement fait de l’attaque sa meilleure défense. Immédiatement dans le sillage du bon groupe sur Liège-Bastogne-Liège, il a ensuite assis sa victoire au Tour d’une magistrale épopée sur la route du Grand-Bornand, s’envolant sur les pentes du col de Romme et planant dans la montée de la Colombière. De même, son audace a payé à l’occasion du Tour de Lombardie, où son attaque dans le Passo di Ganda, la première d’un ténor, a été décisive, teintant ainsi son succès sur la classique des feuilles mortes d’une belle escapade de 40 bornes. Et en bon classicman, le natif de Klanec dispose aussi d’une pointe de vitesse suffisante pour régler au sprint ses adversaires, comme il l’a fait avec aisance sur ses deux monuments. Bref, Tadej Pogacar est un coureur total, une pépite pure et un monstre de panache, auquel un avenir flamboyant ne pourra se refuser.
Tadej Pogacar à l’arrivée du Tour de Lombardie / © Il Lombardia
Julian Alaphilippe
Le double champion du monde ne pourrait en aucun cas être occulté d’une saison qu’il a illuminé de sa fougue. Légèrement moins en réussite que les années précédentes sur le Tour et les classiques, le français s’est bien rattrapé avec une série d’exploits d’une hauteur hallucinante. Insaisissable quand il est en cannes, le natif de Saint-Amand-Montrond sait toujours foudroyer ses adversaires de son punch quand il le peut, même les plus grands champions de ce monde. D’abord, il est entré un peu plus dans la légende de la Flèche Wallonne en matant Primoz Roglic dans le Mur de Huy pour franchir son sommet en vainqueur pour la 3e fois, reléguant son ancien maître, Alejandro Valverde, à 6 secondes. Ensuite, il a frappé un grand coup sur le Tour de France en dynamitant la côte de la Fosse aux Loups de Landerneau, repoussant Van der Poel, Van Aert, Roglic et consorts à distance pour s’offrir un nouveau maillot jaune à l’arrivée. Enfin, il a renoué son bail avec le maillot arc-en-ciel au terme d’une course folle et rude, que l’équipe de France a animé de bout en bout, laissant finalement son héros parachever le travail de sape de ses partenaires, déboulant dans les rues de Louvain auréolé de la gloire du champion. Un bilan plutôt pas mal pour une saison décevante !
Julian Alaphilippe renoue son bail avec le maillot arc-en-ciel | © UCI
Wout Van Aert
Le champion de Belgique ne saurait non plus être dissocié des héros de cette année. S’il a échoué à remporter un monument, piégé sur le Tour des Flandres, fatigué à Paris-Roubaix, il est resté ce coureur hors-normes et tout terrain, des champs de boue au goudron, des sprints aux montagnes. D’abord vainqueur de la Coupe du Monde de cyclo-cross cet hiver, il a retrouvé la route dans une forme époustouflante, glanant deux étapes sur Tirreno-Adriatico, exposant l’amplitude de ses progrès en montagne (2e au classement général). Impressionnant vainqueur de l’Amstel Gold Race, seule ardennaise de son programme, il s’est orné du maillot de champion de Belgique sur la route du Tour. Un Tour qu’il a marqué au feutre indélébile de son empreinte. Imaginez un homme capable dans remporter un sprint massif, une étape de haute montagne et un contre-la-montre sur la plus grande course du monde. Imaginez Wout Van Aert. Sacré sur la plus belle avenue du monde, dompteur du Ventoux et tombeur des meilleurs rouleurs du monde à Saint-Emilion, le belge a fait de sa Grande Boucle une véritable leçon de cyclisme. Et rien que pour ça, il méritait d’être dans ce top !
Wout Van Aert vainqueur sur les Champs-Elysées | © Le Tour de France
Primoz Roglic
Le triple vainqueur de la Vuelta a également contribué à placer cette saison sous le fanion slovène. Malheureux sur les routes françaises, en mars comme au mois de juillet, il s’est néanmoins offert une belle douzaine de victoires, toutes issues d’épreuves disputées par le gratin mondial s’il vous plaît. D’abord, le coureur de la Jumbo-Visma a signé un petit triplé de bouquets sur Paris-Nice puis réalisé un doublé étape + général au Tour du Pays-Basque. En retrait à l’occasion des ardennaises puis blessé sur le Tour, il s’est rattrapé d’une convenable façon en fin de saison. En premier lieu, il a ramené de son voyage à Tokyo une breloque d’or, fièrement glanée sur l’épreuve chronométrée. De retour en Europe, il a ensuite étincelé sur les terres hispaniques, ne quittant jamais le premier rang des favoris, daignant seulement laisser sa tunique rouge aux baroudeurs de temps à autres. A Saint-Jacques-de-Compostelle, il est arrivé en premier des pèlerins, décrochant même une quatrième victoire d’étape dans les rues de la cité-sainte, et un beau lot de compensation.
Primoz Roglic à l’attaque dans le Puerto de Almachar / © La Vuelta
Sonny Colbrelli
Le lombard doit enfin être cité ici. Dans un registre quelque peu similaire à Wout Van Aert, l’exubérant italien a étonné par sa polyvalence, sur des terrains où on ne le connaissait pas encore. Ecrasant vainqueur d’un championnat d’Italie vallonné, séduisant auteur de succès en Romandie comme au Dauphiné, le coureur de la Bahrein-Merida a vivement étonné sur le Tour, mieux placé en montagne que dans les sprints. 3e à Tignes au terme d’une étape dantesque, 2e à Saint-Gaudens au bout de 3000 mètres de dénivelé, Sonny Colbrelli a ouvert un autre mode de conquête du classement par points. Et si ses progrès en matière d’escalade sont restés vains en juillet, ils l’ont amplement récompensé ensuite. Brillant vainqueur du Tour du Benelux, il fut ensuite sacré champion continental sur ses terres italiennes, résistant au pédalage acharné de Remco Evenepoel dans le fameux Povo. Et surtout, l’italien est le héros de l’épique édition de l’unique Paris-Roubaix auomnal, qu’il a remporté à la seule force de son jarret, devançant le monstrueux Mathieu Van der Poel sur le mythique vélodrome. Une saison légendaire pour le feu follet transalpin !
Sonny Colbrelli à l’arrivée de Paris-Roubaix | © ASO
Par Jean-Guillaume Langrognet