C’est un peloton déjà bien hiérarchisé et des favoris ayant chacun leur histoire à raconter qui a débarqué en Italie après seulement trois jours d’une course lancée sur les routes d’un plat-pays plus déterminant qu’escompté. Quand d’ordinaire les hommes appelés à jouer un rôle au classement général d’un Grand Tour se font discrets aux premiers jours d’une épreuve de trois semaines, pas une journée ne s’est écoulée pour l’heure sans qu’ils n’aient dû se dévoiler. Et ce n’est pas fini car à leur reprise aujourd’hui en Italie, il va leur falloir s’exposer encore dans le cadre d’un contre-la-montre par équipes de 33 kilomètres dessiné entre Savigliano et Cuneo, dans le Piémont. A ce stade de la course, on a du mal à imaginer qu’on a présenté ce Giro comme destiné aux grimpeurs. Il faudra attendre la dernière semaine pour en prendre la mesure.
En attendant, les premiers jours représentent une vraie torture pour les favoris, les montagnards s’entend, qui ont dû enchaîner un bref contre-la-montre individuel, deux étapes de Flahutes et doivent braver aujourd’hui un contre-la-montre par équipes. Et ça va durer ainsi jusqu’à samedi au moins, quand une étape épique sera proposée par-delà les routes blanches de l’Eroica… Or les multiples pièges qu’il aura fallu éviter durant le périple néerlandais ne logent plus systématiquement les équipes à la même enseigne à l’abord du contre-la-montre collectif. Le classement par équipes définit les ordres de départ et une formation comme la BMC est particulièrement désavantagée, contrainte de partir bien avant ses concurrentes, donc privée de références. Ce sera à elle d’établir la référence et de servir de lièvre. Or l’équipe n’a pas été épargnée par la malchance aux Pays-Bas. Elle a déjà perdu un élément et va payer son inexpérience.
Les plaies n’étant pas toutes pansées, l’équipe de Cadel Evans est trop rapidement réduite à six éléments sur ce chrono (rappelons que le temps à l’arrivée est pris sur le cinquième homme). Et sur la ligne, le champion du monde va débourser 1’21 » (12ème). C’est beaucoup, beaucoup trop, quand on aspire à jouer la gagne au classement général d’un Tour d’Italie. Cadel Evans paie ici la jeunesse de son équipe, qui avait déjà montré ses faiblesses dès lundi en étant incapable de protéger le Maillot Rose dans les innombrables coups de bordures, auxquels l’Australien a dû faire face seul. Le champion rétrograde donc ce soir après une étape qui aurait dû lui permettre à l’inverse de marquer des différences avec les formations des grimpeurs : la Lampre de Cunego se classe 13ème à 1’43 », l’Acqua & Sapone de Garzelli 21ème à 2’39 ».
Alexandre Vinokourov s’emporte contre une équipe Astana trop décousue.
Le parcours tracé entre Savigliano et Cuneo possède la particularité d’être constamment ascendant. C’est une sorte de long faux-plat de 33 bornes au cours duquel on gagne 226 mètres d’altitude. Ce parcours réclame néanmoins beaucoup de puissance, et les temps réalisés à l’arrivée vont en témoigner. L’équipe lauréate aura parcouru l’étape à plus de 54 km/h de moyenne. Les conditions climatiques ne sont en revanche pas clémentes. Chaque équipe va prendre un grain à un moment ou l’autre. Les formations vont essuyer des averses, la chaussée étant mouillée sur une bonne partie du contre-la-montre. Néanmoins, le parcours étant quasiment tracé de manière rectiligne, il ne présente pas la moindre difficulté technique. En dépit de sa nature légèrement ascendante, c’est un parcours pour gros rouleurs, puissants. Un tracé comme les aimerait Alexandre Vinokourov (Astana) s’il n’avait dû « s’abaisser » au niveau de ses équipiers.
Le porteur du Maillot Rose rêve de défendre sa tunique dans un exercice chronométré qu’il affectionne, mais la formation qui l’entoure n’est à l’évidence pas à la hauteur. Très vite, le train Astana perd des wagons dans le sillage de la locomotive rose. Les équipiers de Vino sont à l’ouvrage et, sous la flamme rouge, le cinquième homme cède. Vinokourov se retourne, constate le retard pris par celui qui servira de temps de référence à sa formation, s’emporte… Son équipe est décousue et ce sont de précieuses secondes qui s’envolent. L’équipe kazakhe signe la 6ème performance à 38 secondes, dans un temps similaire à celui de la Cervélo TestTeam. Si Vino franchit la ligne la mine sombre, Carlos Sastre lui s’offre une belle séance de rattrapage dans une discipline qui n’est pas sa spécialité et après un début de Giro chahuté.
Pour la victoire d’étape, on lorgne naturellement du côté du Team Sky de Bradley Wiggins, qui établit une belle référence, mais à la surprise générale c’est l’équipe Liquigas-Doimo qui se présente sur la ligne avec le meilleur temps. La formation emmenée par Ivan Basso et Vincenzo Nibali, mais aussi Valerio Agnoli, Macej Bodnar, Tiziano Dall’Antonia, Robert Kiserlovski, Fabio Sabatini, Sylvester Szmyd et Alessandro Vanotti, réalise une deuxième partie de course extraordinaire et claque de loin le meilleur temps. Elle repousse le Team Sky de 13 secondes et le Team HTC-Columbia de 21 secondes. Dès lors, un nouveau leader s’installe à la tête du classement général. Après Wiggins, Evans et Vinokourov, l’Italien Vincenzo Nibali prend possession du Maillot Rose. Et Ivan Basso s’affirme comme le favori le mieux armé depuis le départ du Giro samedi, habile dimanche malgré les chutes, vigilant lundi malgré les bordures…
Demain jeudi, la cinquième étape se disputera entre Novara et Novi Ligure (162 km).
Toutes les photos du Giro.
Classement 4ème étape :
1. Liquigas-Doimo (ITA) les 33 km en 36’37 »
2. Team Sky (GBR) à 13 sec.
3. Team HTC-Columbia (USA) à 21 sec.
4. Team Katusha (RUS) à 27 sec.
5. Cervélo TestTeam (SUI) à 38 sec.
6. Astana (KAZ) m.t.
7. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 46 sec.
8. Garmin-Transitions (USA) à 49 sec.
9. Team Saxo Bank (DAN) à 50 sec.
10. Team Milram (ALL) à 57 sec.
Classement complet
Classement général :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) en 10h44’00 »
2. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) à 13 sec.
3. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) à 20 sec.
4. Andre Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) à 26 sec.
5. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) m.t.
6. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) à 33 sec.
7. Vladimir Karpets (RUS, Team Katusha) à 39 sec.
8. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) à 45 sec.
9. David Millar (GBR, Garmin-Transitions) m.t.
10. Paolo Tiralongo (ITA, Astana) à 59 sec.
Classement par points :
1. Graeme Brown (AUS, Rabobank) 28 pt
2. Wouter Weylandt (BEL, Quick Step) 27 pt
3. Tyler Farrar (USA, Garmin-Transitions) 25 pt
4. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 25 pt
5. Andre Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) 24 pt
6. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) 22 pt
7. Brent Bookwalter (USA, BMC Racing Team) 22 pt
8. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 20 pt
9. Robert Förster (ALL, Team Milram) 19 pt
10. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 16 pt
Classement de la montagne :
1. Paul Voss (ALL, Team Milram) 4 pt
2. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Inox) 4 pt
3. Rick Flens (PBS, Rabobank) 4 pt
Classement des jeunes :
1. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) en 14h04’20 »
2. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) à 6 sec.
3. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) à 25 sec.
4. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 1’04 »
5. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank) à 1’21 »
6. Tom Stamsnijder (PBS, Rabobank) à 1’25 »
7. Jos Van Emden (PBS, Rabobank) à 1’29 »
8. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 2’20 »
9. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) à 6’59 »
10. Adam Blythe (GBR, Omega Pharma-Lotto) à 7’45 »
Classement par équipes :
1. Liquigas-Doimo (ITA) en 35h09’09 »
2. Team HTC-Columbia (USA) à 1 sec.
3. Astana (KAZ) à 19 sec.
4. Team Saxo Bank (DAN) à 24 sec.
5. Team Milram (ALL) à 1’19 »
6. Rabobank (PBS) à 1’31 »
7. Garmin-Transitions (USA) à 5’22 »
8. Cervélo TestTeam (SUI) à 5’25 »
9. Team Sky (GBR) 9’27 »
10. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 9’54 »