Lors de la 18ème étape du Tour de France, la police avait perquisitionné l’hôtel et le bus de l’équipe Bahrain-Victorious pour des soupçons de dopage après des performances suspectes de certains coureurs. Des prélèvements avaient aussi été réalisés dans les cheveux de coureurs ainsi que les fichiers d’entraînement des coureurs avait été saisis. Des scientifiques strasbourgeois, en charge de l’analyse des échantillons de cheveux, ont lancé une petite bombe dans le milieu du cyclisme en indiquant avoir retrouvé de la Tizanidine, une substance plutôt méconnue dans le milieu sportif, lors de l’analyse d’échantillons de cheveux. La rapport des scientifique ne précise toutefois pas s’il s’agit bien des coureurs de Bahrain-Victorious mais tous les regards se portent évidemment sur l’équipe bahreïnie car il s’agit de la seule équipe qui ait été perquisitionnée durant la grande boucle.
La présence de Tizanidine a surpris tout le monde
Lors de la perquisition, la police a retrouvé de nombreuses boîtes de Tizanidine dans la chambre du médecin de l’équipe. Une découverte surprenante car, bien qu’il ne s’agit pas d’une substance interdite par l’Agence mondiale antidopage (AMA), la présence de nombreuses boîtes de cette molécule commercialisée sous l’appellation de Sirdalud ou Zanaflex avait grandement surpris. Il s’agit effectivement d’un médicament utilisé en cas de scléroses en plaques ou de spasmes musculaires douloureux. Rien ne justifie donc son utilisation chez les sportifs.
Autre fait troublant lié à cette molécule est, selon un chercheur en pharmacologie : « c’est qu’on en trouve généralement qu’à l’hôpital, pas en pharmacie, comme ça, grâce à une simple prescription ! ». Interrogé par nos confrères du quotidien « Ouest France », le médecin spécialiste des questions de dopage et ex-médecin du Tour, Jean-Pierre de Mondenard, s’est montré, lui-aussi, interloqué par la présence de cette molécule : « Je n’avais jamais entendu parler de Tizanidine en cyclisme, jamais ! ».
La Tizanidine a-t-elle un effet dopant ?
Bien évidemment, la question qui se pose est de savoir si l’utilisation de cette molécule offre un bénéfice aux coureurs qui l’utilisent. Interrogé à ce sujet, le Dr. Mondenard explique : « La Tizanidine a l’effet de relaxer les muscles. Et sachant que les cyclistes ont souvent ce qu’ils appellent le mal aux jambes, ça peut les aider. En situation d’effort intense, dans le money-time, il peut arriver une sorte d’asphyxie musculaire. Les muscles se contractent et se raidissent. Plus la sollicitation physique sera grande, plus le muscle pourra grossir, et plus la douleur pourra être grande. Ce myorelaxant, habituellement pris pour soigner des scléroses en plaques, va jouer sur les contractures, cela va limiter les tensions musculaires ».
L’utilisation d’un tel produit permettrait donc bien d’avoir un bénéfice pour les sportifs qui l’utilisent. Or, celle-ci n’étant pas interdite par l’AMA, les coureurs de Bahrain-Victorious ne peuvent pas être inculpés pour dopage. Le médecin sportif a toutefois tenu à expliquer pourquoi cette substance n’est pas répertoriée comme un produit prohibé : « Mais en réalité surtout car elle n’a jamais été étudiée dans le cadre du sport. C’était inconnu jusque-là ».
La molécule sera bientôt interdite par l’AMA ?
Pour le médecin sportif, il est important qu’une étude approfondie soit menée sur l’utilisation de ce médicament par des sportifs : « cette molécule se rapproche d’une molécule dont on sait qu’elle va stimuler la sécrétion d’hormones de croissance endogène. Par comparaison, on peut donc penser qu’elle va avoir les mêmes effets. Pour en être sûr, davantage d’études doivent encore être faites dans le monde du sport, mais même sans cela, j’estime que c’est fait pour soigner la performance, et donc l’améliorer. La Tizanidine dans le sport me dérange ». Avant de souligner : « Pourquoi trouve-t-on ça chez des cyclistes du Tour de France en bonne santé alors que c’est censé soigner des maladies comme des scléroses ? D’un point de vue de l’éthique médicale, la ligne rouge est franchie. Ce n’est pas fait pour soigner des sportifs en plein effort mais des malades, alors pourquoi le font-ils ? ».
Utiliser de tels produits totalement détournés de leur objectif principal, bien que n’étant pas interdit, pose un véritable problème d’éthique dans le sport. Notez toutefois que les scientifiques strasbourgeois ont précisé dans leur rapport qu’il « n’a pas été possible d’interpréter les données en termes de doses et de fréquence d’utilisation faute d’étude contrôlée ».
La réponse de l’équipe Bahrain-Victorious à cette polémique
Sur son site web, l’équipe Bahrain-Victorious s’est exprimé, le 22 octobre dernier, sur les soupçons qui pèsent sur eux. Dans un communiqué plutôt court, l’équipe précise : « L’équipe Bahrain Victorious et aucun de ses coureurs n’ont été officiellement ou officieusement informés d’une quelconque découverte liée à la tizanidine ou à d’autres substances. L’équipe tient à souligner que les auteurs de l’article scientifique auquel toutes les allégations font référence ont souligné sans ambiguïté que la tizanidine n’est pas une substance interdite dans le sport ».
Soucieux de l’impact des résultats de cette étude, Bahrain-Victorious ajoute : « L’équipe consulte actuellement un conseil juridique sur la nature de la publication de cette information au cours d’une enquête en cours sans que l’équipe en soit informée, ce qui a eu un impact sur la réputation de l’équipe. Pour l’instant, l’équipe n’a pas d’autres commentaires à faire ». Une réponse laconique qui ne devrait toutefois pas suffire pour faire désenfler la polémique.