Ils étaient une trentaine devant à la bascule du Poggio sur Milan-San Remo, autant à se battre au sprint à l’arrivée de Gand-Wevelgem. Il avait fallu attendre les tout derniers kilomètres de Paris-Roubaix pour voir Niki Terpstra épargner la reine des classiques d’un rush à onze sur le vélodrome. C’est groupé que le peloton a attaqué au sprint l’escalade du Cauberg dans l’Amstel Gold Race comme du Mur de Huy sur la Flèche Wallonne. Alors au moment où se referme le chapitre des classiques de printemps dans les faubourgs de Liège, il ne surprendra presque plus personne qu’un peloton d’une trentaine de coureurs se mesure au coude à coude au terme de Liège-Bastogne-Liège, qu’importe qu’il s’agisse d’une 100ème édition sur laquelle il était pourtant permis de fonder de gros espoirs tant le symbole était fort.
C’était une édition anniversaire et les organisateurs avaient mis le paquet pour l’honorer en redessinant les contours de la Doyenne des classiques, inscrite au calendrier depuis 1892. On célèbre ainsi le retour aujourd’hui du triptyque Wanne-Stockeu-Haute-Levée, dont l’enchaînement reconstitué précède la mythique ascension de la côte de la Redoute avant la liaison inédite des côtes des Forges et de la Roche-aux-Faucons dans un final qui se conclut traditionnellement sur les hauteurs des quartiers de Saint-Nicolas puis de Ans. Pourtant aucune des difficultés qui font la magie de Liège-Bastogne-Liège n’aura vraiment été exploitée par les favoris dans cette 100ème édition. Par trop marqués, ceux qu’on attendait sur le devant de la scène se sont terrés, pour ne pas dire enterrés. Et personne n’a vraiment su ou pu tirer profit de cette neutralisation des meilleurs, qui semblent s’être vite reportés sur l’éventualité d’un sprint dans la côte de Ans.
Il aura fallu du temps avant que les prétendants à la victoire ne mettent en route, ce qui aura à nouveau permis aux acteurs de l’échappée matinale de parader devant plus loin qu’ils ne l’avaient imaginé. A l’attaque au kilomètre 12, Matteo Bono (Lampre-Merida), Pieter Jacobs (Topsport Vlaanderen-Baloise), Michel Koch (Cannondale), Pirmin Lang (IAM Cycling), Marco Minnard (Wanty-Groupe Gobert) et Jacobus Venter (MTN-Qhubeka) vont franchir la majorité des côtes ensemble. Le vent qui souffle fort freine les ardeurs du peloton, qui doit bientôt boucher un écart monté au-delà du quart d’heure. La côte de la Redoute décime le groupe de tête pour ne garder devant que Bono et Venter, avant que l’Italien Matteo Bono ne soit le dernier à tenir tête au peloton jusqu’au pied de la côte de la Roche-aux-Faucons à 20 kilomètres du but.
Giampaolo Caruso et Domenico Pozzovivo seuls à se découvrir dans Saint-Nicolas.
Ce n’est qu’ici que la course va enfin se décanter parmi les favoris. Déjà remarqué dans la montée de la Redoute, lorsqu’il avait répondu au démarrage avisé de Warren Barguil (Giant-Shimano), le Colombien Julian Arredondo (Trek Factory Racing) remet cela, accompagné cette fois de Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale). Mais la mince avance du duo de tête plafonne et le peloton, désormais réduit à une trentaine de concurrents, revient sur lui à 12 kilomètres de l’arrivée. On a bien vu ici et là quelques favoris bouger une oreille, mais jamais la cassure ne s’est faite, si bien que c’est un vrai petit peloton qui se présente au bas de la côte de Saint-Nicolas, dont les pourcentages sévères à 5,5 kilomètres de l’arrivée ont souvent servi de fondation au triomphe d’un vainqueur de Liège-Bastogne-Liège. Ce ne sera pas le cas ici.
Réagissant sur le haut de l’ascension à une attaque de Stefan Denifl (IAM Cycling), le seul à s’être découvert dans la montée de Saint-Nicolas, les Italiens Giampaolo Caruso (Team Katusha) et Domenico Pozzovivo, encore lui, prennent soudain un avantage sérieux, de l’ordre de la dizaine de secondes, alors qu’on plonge sur Ans. Mais ces secondes d’avance sont dérisoires quand se présente la montée vers la ligne d’arrivée, cette interminable ligne droite de 1500 mètres à 8 %. Le peloton ne s’est visiblement pas ravisé, et la présence quelques mètres devant de Caruso et Pozzovivo lui offre un point de mire idéal. Daniel Martin (Garmin-Sharp) l’a bien compris. Il est le seul à tenter d’opérer la jonction en portant son démarrage là-même où il s’était envolé vers la victoire il y a un an. Mais l’Irlandais, qui recolle aux roues des hommes de tête avant le dernier virage, va brusquement glisser dans la courbe et s’affaler de tout son long !
Destin cruel pour Dan Martin, dont le sort n’aurait toutefois peut-être pas été meilleur dans les 200 derniers mètres, puisque l’avant-garde du peloton est déjà sur les talons de Giampaolo Caruso et Domenico Pozzovivo. C’est Simon Gerrans (Orica-GreenEdge) qui lance le sprint pour aller remporter la 100ème édition de Liège-Bastogne-Liège devant Alejandro Valverde (Movistar Team) et Michal Kwiatkowski (Omega Pharma-Quick Step). Deux ans après s’être adjugé Milan-San Remo, le champion d’Australie ajoute un second monument à son immense palmarès qui comprend en outre des étapes sur les trois Grands Tours, le Grand Prix Ouest-France, le Grand Prix de Québec et trois Tours Down Under. Un vainqueur à la hauteur de la 100ème édition Liège-Bastogne-Liège, qu’importe si le panache aura un peu laissé à désirer.
Classement :
1. Simon Gerrans (AUS, Orica-GreenEdge) les 263 km en 6h37’43 » (39,7 km/h)
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) m.t.
3. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
4. Giampaolo Caruso (ITA, Team Katusha) m.t.
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3 sec.
6. Tom-Jelte Slagter (PBS, Garmin-Sharp) m.t.
7. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) m.t.
8. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) m.t.
9. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 5 sec.
10. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 6 sec.