A Aspen, en plein cœur des montagnes Rocheuses, où le Tour du Colorado a fait escale pour la nuit, les rescapés de la course par étapes la plus haute du monde en sont déjà à faire les comptes. Jusqu’à présent, les équipes les plus actives à l’avant du peloton ont été les Garmin-Sharp de Christian Vande Velde et les BMC Racing Team de Tejay Van Garderen, les deux Américains postés en tête du classement général dans un temps identique. Par la force des choses, ce sont ces deux équipes, les plus exposées, qui ont dû fournir le plus d’efforts pour contrôler la course. C’est tout bon pour un coureur comme Levi Leipheimer (Omega Pharma-Quick Step), vainqueur de la 1ère édition l’an passé, et 4ème du général mine de rien. Beaucoup trop discrète pour sa part, l’autre grande structure américaine, l’équipe RadioShack-Nissan, doit se reprendre en mains.
Les 156,4 kilomètres de route qui relient deux des plus prestigieuses stations du Colorado offrent une occasion aux RadioShack de se racheter. En quittant Aspen et ses quartiers chics, il convient de gravir à nouveau l’Independence Pass, dont le sommet culmine à 3687 mètres. Les 70 premiers kilomètres de cette quatrième étape seront communs aux 70 derniers kilomètres de l’étape précédente, empruntés dans le sens inverse jusqu’aux Lacs Jumeaux. La longue ascension de l’Independence Pass est proposée d’emblée, mais les attaquants n’attendent pas les premières déclivités pour s’annoncer. En laissant Aspen dans le rétro, une quinzaine de mercenaires s’évadent. Le début de course est frénétique et le vieux Jens Voigt (RadioShack-Nissan), 41 ans, se fait plus entreprenant. Sur les contreforts du col majeur de la journée, l’Allemand se détache et file seul vers les hauteurs majestueuses, creusant l’écart sur ses suivants.
Et pourtant, il y a du monde derrière Jens Voigt. Quinze poursuivants exactement, parmi lesquels Roman Kreuziger (Astana), Ivan Santaromita (BMC Racing Team), Craig Lewis (Champion System), Rubens Bertogliati et Julien El Farès (Team Type 1-Sanofi) et l’intenable Jorge-Camillo Castiblanco (EPM-UNE), chaque jour à l’attaque. Mais plutôt que de céder du terrain, seul contre quinze poursuivants, l’échappé solitaire en gagne. Au sommet de l’Independence Pass, Jens Voigt bascule avec plus de deux minutes d’avance sur le groupe de chasse, sept minutes sur le peloton. Or il reste 125 kilomètres à parcourir par-delà les hauts plateaux désertiques qui passent par Leadville, petite ville minière marquée par la ruée vers l’or, avec pour panorama les cimes imprenables du Mont Elbert, le point culminant des Rocheuses à 4401 mètres.
Qu’importe le challenge qui se présente à lui, Jens Voigt insiste. Le vieux roublard affiche une détermination extraordinaire. Et il lui en faut pour se battre contre tous les éléments. Car en plus d’un groupe poursuivant qui tente de s’organiser pour le revoir, l’Allemand doit lutter contre les caprices de la météo : le vent dans la partie plane et dégagée de cette étape, la pluie ensuite lorsqu’une virulente averse s’abat sur la course. Mais lorsque le soleil refait son apparition, les écarts communiqués à l’homme de tête par l’ardoisière sont encourageants. Derrière lui, les nombreux poursuivants ont renoncé, incapables de boucher un trou qui semble d’autant plus colossal que la silhouette pittoresque de Jens Voigt n’apparaît pas dans leur champ de vision sur les larges routes rectilignes qui traversent le Colorado. Le peloton aussi a décidé de ne pas intervenir. Jens Voigt s’en va signer le plus bel exploit de sa carrière !
En descendant sur Beaver Creek, à travers des forêts de pins qui semblent sortir de la roche, puis à flanc de canyons aux tons rougeâtres, Jens Voigt ne peut plus s’incliner. Seul depuis les premiers kilomètres, il vient à bout d’une échappée solitaire de 150 kilomètres à travers les Rocheuses pour décrocher, à 41 ans, ce qui fera assurément partie de ses victoires les plus spectaculaires. Après avoir repris les impuissants coureurs intercalés, le peloton rejoint Beaver Creek 2’58 » après le héros du jour. Dépossédé du maillot jaune pour une question de places à l’arrivée hier, Tejay Van Garderen, meilleur jeune du Tour de France 2012, mène un sprint furieux pour faire sortir de sa roue arrière son adversaire du moment Christian Vande Velde. S’il ne parvient pas à le distancer, il réussit à le précéder sur la ligne pour reprendre possession du maillot jaune.
Demain vendredi, la cinquième étape se disputera entre Breckenridge et Colorado Springs (189,7 km).
Classement 4ème étape :
1. Jens Voigt (ALL, RadioShack-Nissan) les 156,4 km en 3h54’00 » (40,1 km/h)
2. Andreas Klöden (ALL, RadioShack-Nissan) à 2’58 »
3. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) m.t.
4. Levi Leipheimer (USA, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
5. Oliver Zaugg (SUI, RadioShack-Nissan) m.t.
6. Christian Vande Velde (USA, Garmin-Sharp) m.t.
7. Ivan Rovny (RUS, RusVelo) m.t.
8. Joseph-Lloyd Dombrowski (USA, Bontrager-Livestrong) m.t.
9. Janez Brajkovic (SLO, Astana) m.t.
10. Ramiro Rincon (COL, EPM-Une) à 3’03 »
Classement général :
1. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) en 17h34’18 »
2. Christian Vande Velde (USA, Garmin-Sharp) m.t.
3. Ivan Rovny (RUS, RusVelo) à 6 sec.
4. Levi Leipheimer (USA, Omega Pharma-Quick Step) à 8 sec.
5. Janez Brajkovic (SLO, Astana) à 12 sec.
6. Joseph-Lloyd Dombrowski (USA, Bontrager-Livestrong) m.t.
7. Ramiro Rincon (COL, EPM-UNE) à 13 sec.
8. Tom Danielson (USA, Garmin-Sharp) à 15 sec.
9. Damiano Caruso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 17 sec.
10. Andreas Klöden (ALL, RadioShack-Nissan) m.t.