Sur la route du Tour, il y a des étapes de légende et des étapes de géants. Ces étapes de géants ont vite fait de devenir des étapes de légende. Les deux dernières en date, jeudi et vendredi. Vendredi, l’Alpe d’Huez, col mythique des Alpes s’il en est, là où la légende du Tour n’a de cesse de s’écrire. Hier, Andy Schleck (leopard-Trek) n’y a peut être pas gagné le Tour mais s’est offert un certain avantage dans la quête du Graal alors que Thomas Voeckler (Team Europcar), formidable Français, a craqué, sur les à-coups de ses adversaires et face à l’audace d’Alberto Contador (Saxo Bank SunGard), échappé dès le 15ème kilomètre, sur les pentes du Col du Télégraphe. Hier, Andy Schleck (Leopard-Trek) a très vite riposté et aujourd’hui, cette riposte lui permet de s’asseoir sur un certain matelas, pourtant bien inconfortable quand on sait l’étape proposée mais un matelas tout de même, 53 secondes d’avance. 53 secondes sur un australien et quel Australien : Cadel Evans (BMC Racing Team).
Cadel Evans, un sacré rouleur qui n’attendait que cela : pouvoir régler ses comptes, régler le classement général et au passage écrire l’histoire, au cours d’un dernier contre-la-montre. Un effort solitaire de 42,5 kilomètres autour de Grenoble. Et quel contre-la-montre, ce genre d’exercice réservé à un très grand coureur, ce genre d’exercice où la légende s’écrit. Un dernier effort avant de rejoindre Paris et ses Champs-Elysées mais un dernier effort différent de ceux proposés habituellement. Cette fois-ci, il n’est pas question de longues portions planes entre deux villes étapes mais d’une boucle qui n’offre aucune plage de repos. Et ce qui ajoute de l’intérêt à l’étape du jour, c’est l’effort fourni par les forçats de la route depuis maintenant près de trois semaines. Trois semaines au cours desquels ils n’ont eu de cesse de se battre pour quelques secondes, une poignée de secondes, un rien, finalement.
Et de secondes, il se murmure qu’il en sera question aux alentours de 17 heures alors que le Tour de France connaitra son vainqueur. Trois hommes se tiennent en moins d’une minute au départ : Frank Schleck, son frère, Andy (Leopard-Trek), et Cadel Evans. Les deux derniers cités, déjà deux fois deuxième sur les routes du Tour de France. Le combat entre ces trois hommes doit se résumer finalement en un duel tant les deux frères se tiennent dans l’exercice chronométré, il est inimaginable de voir Frank revenir sur Andy. La question est de savoir si Andy Schleck est véritablement capable de résister face à un Australien passé tout près de la victoire finale en 2008, à l’issue d’un contre-la-montre, déjà, c’était face à Carlos Sastre, cette fois-là. Alors, qu’est-ce qui a bien pu changer, qu’est-ce qui nous dit qu’Evans ne craquera pas de nouveau, si ce n’est physiquement, au moins nerveusement. La réponse est simple, cette fois-ci, il n’y a pas Sastre en face mais Andy Schleck, un homme incapable de battre l’Australien à la pédale sur les pentes de l’Alpe d’Huez.
Tony Martin meilleur temps, reste les favoris à s’élancer, Andy Schleck ne résiste qu’un instant à Cadel Evans.
Les premiers coureurs à en terminer avec le parcours proposé terminent la bouche grande ouverte, les yeux vides, épuisés, las de trois semaines d’une intensité inouïe. Inouïe comme l’effort d’un rouleur hors pair, un homme aux capacités hors normes : Tony Martin (HTC-Highroad). L’Allemand connait bien le parcours pour l’avoir dompté sur le dernier Critérium du Dauphiné, alors qu’une répétition grandeur nature était proposée. Sous les encouragements d’une foule venu en nombre, dans un brouhaha inimaginable, Tony Martin réalise un temps exceptionnel après 3 semaines d’efforts. Il boucle les 42,5 kilomètres en 55’33 », extraordinaire, alors qu’il reste encore un paquet de coureurs à s’élancer, le coureur semble avoir d’ores et déjà remporté l’étape, reste le duel et quel duel.
Cadel Evans s’élance trois minutes avant Andy Schleck, un avantage pour le Luxembourgeois qui aura l’occasion de bénéficier de quelques temps de référence. Un avantage qui peut être effacé compte tenu d’un autre facteur : la connaissance des lieux. Cadel Evans connait le parcours par coeur pour l’avoir emprunté, lui aussi, sur le Dauphiné à la différence de Schleck, qui ne l’a reconnu que ce matin, étonnant pour un garçon qui joue là la victoire finale dans la plus grande course cycliste au monde. Mais qui sait, le jaune peut peut-être le transcender. Très vite, Cadel Evans refait une partie de son retard, incroyable de puissance, l’Australien se rapproche rapidement de son objectif de toujours, de son rêve jaune alors qu’Andy Schleck s’en éloigne, irrémédiablement. Les visages se crispent, les jambes deviennent de plus en plus dures, le duel est en train de tourner court à l’avantage de l’Australien qui tient là la chance de sa vie, il est enfin parti pour remporter son premier Tour de France, il devait se dire qu’il était temps. Lui, le garçon venu du VTT et qui n’a cessé de progresser au fil des années, en descente, dans son rôle de suiveur dès que la route d’élève, notamment.
Pendant ce temps là, Pierre Rolland (Team Europcar) vient conserver son maillot blanc et explose de joie dans l’aire d’arrivée. Les amoureux du Tour et Dieu sait qu’ils sont nombreux vu le public présent tout au long du parcours, acclament le Français avant d’acclamer un peu plus fort encore Thomas Voeckler (Team Europcar), quatrième du Tour de France, un authentique exploit. Un authentique exploit à l’instar de la performance que réalise Cadel Evans. L’Australie est dans un état second, celui dans lequel sont capables d’entrer les grands champions, celui qu’il faut atteindre pour qui veut un jour écrire l’histoire de la plus grande course cycliste au monde. Le bonheur des supporters australiens, drapeau autour du coup et entonnant leur hymne national sans interruptions tranche avec la détresse des Luxembourgeois, ils croyaient tant en leur prince. Torse bombé, Frank Schleck tente de quitter la zone d’arrivée la tête haute mais son visage ne peut que trahir une inévitable déception, son frère vient de perdre le Tour de France pour 1’34 », un gouffre. Leur deuxième et troisième place sur le podium derrière Cadel Evans ne suffira pas à les consoler. Ils viennent de perdre une course qu’ils pensaient maitriser. Mais voilà, Evans était las de ces deuxième places qui auraient pu se transformer si souvent en maillot jaune. Cette année il l’a fait, en grand champion, le Tour de France est enfin passé à l’heure australienne, pour lui, il était temps.
Classement 20ème étape :
1. Tony Martin (ALL, HTC-Highroad) les 42,5 kilomètres en 55’33 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 7 sec.
3. Alberto Contador (ESP, Saxo Bakn-SunGard) à 1’06 »
4. Thomas De Gendt (BEL, Vacansoleil-DCM) à 1’29 »
5. Richie Porte (AUS, Saxo Bank-SunGard) à 1’30 »
6. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 1’33 »
7. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 1’37 »
8. Fabian Cancellara (SUI, Leopard-Trek) à 1’42 »
9. Peter Velits (SVK, HTC-Highroad) à 2’03 »
10. Rein Taaramae (EST, Cofidis) m.t.
Classement général :
1. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) en 83h45’20 »
2. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) à 1’34 »
3. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) à 2’30 »
4. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) à 3’20 »
5. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 3’57 »
6. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 4’55 »
7. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) à 6’05 »
8. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 7’23 »
9. Tom Danielson (USA, Garmin-Cervélo) à 8’15 »
10. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 10’11 »
Classement par points :
1. Mark Cavendish (GBR, HTC-Highroad) 280 pt
2. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 265 pt
3. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 230 pt
4. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 208 pt
5. Thor Hushovd (NOR, Garmin-Cervélo) 195 pt
6. Edvald Boasson Hagen (NOR, Team Sky) 157 pt
7. André Greipel (ALL, Omega Phrama-Lotto) 130 pt
8. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 105 pt
9. Alberto Contador (ESP, Saxi Bank-SunGard) 105 pt
10. Tyler Farrar (USA, Garmin-Cervélo) 101 pt
Classement de la montagne :
1. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 108 pt
2. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) 98 pt
3. Jelle Vanendert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 74 pt
4. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 58 pt
5. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) 56 pt
6. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) 51 pt
7. Jérémy Roy (FRA, FDJ) 45 pt
8. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 44 pt
9. Maxim Iglinskiy (KAZ, Astana) 40 pt
10. Johnny Hoogerland (PBS, Vacansoleil-DCM) 40 pt
Classement des jeunes :
1. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) en 83h56’03 »
2. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 46 sec.
3. Jérôme Coppel (FRA, Saur-Sojasun) à 7’53 »
4. Arnold Jeannesson (FRA, FDJ) à 10’37 »
5. Rob Ruijgh (PBS, Vacansoleil-DCM) à 22’21 »
6. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 32’05 »
7. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 50’05 »
8. Robert Gesink (PBS, Rabobank) à 54’26 »
9. Cyril Gautier (FRA, Team Europcar) à 1h17’00 »
10. Andrey Zeits (KAZ, Astana) à 1h21’05 »
Classement par équipes :
1. Team Garmin-Cervélo (USA) en 250h57’43 »
2. Team Leopard-Trek (LUX) à 11’04 »
3. Ag2r La Mondiale (FRA) à 11’20 »
4. Team Europcar (FRA) à 41’53 »
5. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 52’00 »
6. Team Sky (GBR) à 58’24 »
7. Katusha (RUS) à 1h09’39 »
8. Saxo Bank-SunGard (DAN) à 1h16’12 »
9. FDJ (FRA) à 1h30’16 »
10. Cofidis (FRA) à 1h47’29 »